Elisabeth Borne l’a répété plusieurs fois : CDG Express ne fait pas partie de la pause annoncée en juillet par le gouvernement dans la construction de nouvelles infrastructures car « il n’a pas vocation à fonctionner avec des ressources publiques ».
Et pourtant, selon un document présenté cet été par SNCF Réseau à des organisations syndicales, et que VR&T s’est procuré, le montage financier retenu pour lancer cette liaison ferroviaire engage fortement les finances publiques.
Ce document chiffre désormais à 2,120 milliards d’euros le besoin de financement de CDG Express. Si le coût de construction de cette liaison ferrée, destinée à relier en 20 minutes la gare de l’Est à l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle, s’élève à 1,580 milliard d’euros (estimation 2014), il faut ajouter 540 millions qui représentent « les coûts de fonctionnement de la société, les coûts d’indexation et les coûts financiers », peut-on lire.
La société concessionnaire, qui gérera l’infrastructure (GI), sera constituée d’ADP, de SNCF Réseau et de la Caisse des dépôts et consignations. Elle apportera 495 millions d’euros de fonds au maximum, répartis en parts égales entre les trois partenaires. S’y ajouteront 100 millions d’euros versés par ADP. Le reste, l’essentiel de l’investissement, sera financé par un emprunt.
Le GI, qui prendra la forme d’une société par actions simplifiées, sera « redevable du service de la dette ». Mais il n’en assumera pas le risque qui paraît élevé puisque, comme l’indique ce document, « compte tenu de l’aversion des prêteurs au risque trafic et du montant de la dette à lever, l’Etat s’engage à verser irrévocablement au GI une somme égale à 100 % du service de la dette senior sur cette période ».
Pour rassurer les banques, l’Etat a donc mis au point un mécanisme financier particulier : il a introduit une clause de revoyure, prévoyant une « cession Dailly acceptée », c’est-à-dire un mécanisme de sécurisation des flux financiers en cas d’aléa, qui garantit le remboursement des prêts du concessionnaire. Entre 2024, date prévue de l’entrée en service des navettes CDG Express, et 2030, c’est l’Etat qui assumera l’essentiel du risque. Et pourra prendre des mesures pour corriger le contrat de concession au cas où… A partir de 2030 et jusqu’à la fin de la concession, le risque sera transféré sur le GI.
Le GI s’engage à rembourser cette avance de l’Etat avec les recettes qu’il collectera grâce à l’exploitation de la liaison ferroviaire longue de 32 km (mais qui ne nécessite la construction que de 8 km de voies nouvelles) durant toute la durée du contrat envisagée sur 50 ans. Le GI bénéficiera en effet de deux catégories de péages : d’une part, les redevances que verseront les navettes CDG Express lorsqu’elles circuleront sur le réseau de SNCF Réseau (c’est-à-dire de Paris-Est à Mitry-Mory) et qui sont évaluées à un milliard d’euros sur la durée de la concession. D’autre part, les redevances que versera le futur exploitant des navettes CDG Express (soit Keolis-RATP Dev, soit Transdev, les deux prétendants en lice) en contrepartie de l’utilisation de la section nouvelle de 8 km entre Mitry-Mory et CGD2. Celles-ci sont évaluées à quelque trois milliards d’euros sur toute la durée de la concession.
Le GI bénéficiera aussi de la contribution spéciale CDG Express, une taxe ne pouvant pas dépasser 1,40 euro, qui s’appliquera à partir de 2024 sur les billets d’avion des passagers arrivant ou partant de l’aéroport CDG. « Ces revenus lui permettront de faire face à ses charges : services de la dette ; coûts d’exploitation annuels estimés à six millions d’euros et coûts de GER [gros entretien et renouvellement, NDLR] estimés à plus de 100 millions d’euros sur la durée de la concession », souligne le document.
L’Etat souhaite la signature de la concession à la fin de l’année, « en même temps que la signature des contrats de prêts », précise encore le document. Le lancement des travaux est envisagé début 2018 et la sélection de l’entreprise ferroviaire qui exploitera les navettes fin 2018-début 2019 pour un démarrage au 1er janvier 2024, année des JO de Paris. Vu les sommes en jeu et les délais nécessaires pour parvenir à des accords avec les banques, ce calendrier qualifié d’« ambitieux » par le document, est-il tenable ?
Marie-Hélène Poingt