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Ewa

« Ne pas se servir de la Société du Grand Paris comme d’un cheval de Troie »

Gilles Savary

Fin connaisseur du transport ferroviaire, Gilles Savary, ancien député socialiste de Gironde, salue le modèle de la Société du Grand Paris pour externaliser la maîtrise d’ouvrage de grandes infrastructures, et les financer. Mais il met en garde contre la pression fiscale, « fabrique à gilets jaunes », comme s’intitule son essai paru en début d’année (1).

Ville, Rail & Transports : Le gouvernement veut placer la Société du Grand Paris en orbite pour la réalisation des RER métropolitains et de leurs gares. Qu’en pensez-vous ?
Gilles Savary : C’est plutôt une bonne idée. Avec le Grand Paris Express, le plus grand chantier d’infrastructure européen, la SGP a fait ses preuves dans deux registres : un financement innovant et une maîtrise d’ouvrage complexe. Dotée d’une fiscalité propre (notamment la taxe sur les bureaux, ndlr), elle peut se refinancer sur les marchés financiers au rythme de la construction des projets. En France, l’offre ferroviaire est insuffisante par rapport à la demande, il y a des goulets d’étranglement sur le réseau, et c’est d’ailleurs pour les désengorger que l’on fait des RER métropolitains. Le chantier est énorme, les recettes de péage et les subventions sont à peine suffisantes pour maintenir le réseau ferré en état. La SGP peut amener des fonds plus rapidement mobilisables que des financements budgétaires.

Ce ne serait pas dévoyer le modèle SGP ?
G. S : Je connais les réticences extrêmes de SNCF Réseau et de Gares & Connexions devant la possible arrivée d’un nouvel acteur, immédiatement compétent. D’autant que SNCF Réseau sait qu’il n’a pas les capacités de production industrielle pour accomplir les RER métropolitains. Nous allons affronter une crise d’insuffisance de l’offre ferroviaire : la SGP, qui s’appellera autrement, est donc la bienvenue pour atteindre nos objectifs environnementaux et de report modal. Toutefois, la loi lui interdit d’intervenir là où le réseau ferré existant est exploité : ce qui l’exclut de la plupart des projets de RER métropolitains. Elle pourrait intervenir sur les lignes du Grand Est que la région veut remettre en exploitation. Ailleurs, elle aura des queues de cerises. Sauf à ce que SNCF Réseau en fasse un maître d’ouvrage délégué, ou un maître d’œuvre.
Mais la grande difficulté pour la SGP sera de mobiliser des ressources propres en levant de nouvelles taxes, car dans de nombreuses régions, c’est déjà fait pour les nouvelles lignes à grande vitesse ! Sud, Occitanie et Nouvelle-Aquitaine se sont fait piéger dans des sociétés de projets qui lèvent des impôts locaux, des taxes spéciales d’équipements et des taxes additionnelles aux taxes de séjour pour financer les LGV Bordeaux-Dax-Toulouse, Montpellier-Perpignan, Provence Côte d’Azur.
Dans les Hauts-de-France, Xavier Bertrand est très intéressé pour un RER métropolitain entre Lille et Hénin Beaumont. La SGP est partante, SNCF Réseau n’y voit pas d’inconvénient puisque ce sont des ouvrages ferroviaires nouveaux, mais pas question de créer de nouvelles taxes locales, avertit le patron de la région qui lève déjà des impôts pour la Société de projet du canal Seine-Escaut. Après ce siphonnage fiscal des territoires pour financer des infrastructures ferroviaires nationales, il n’y a plus d’argent !
On ferait mieux d’avoir des recettes fiscales claires et précises et de ne pas se servir de la SGP comme d’un cheval de Troie. Financer des LGV, dont la plupart des gens n’ont pas besoin dans des territoires qui sont en déficit de transports collectifs, par de la fiscalité locale impalpable mais qui a vocation a augmenter, c’est une bombe à retardement. Une fabrique de gilets jaunes ou de bonnets rouges, au choix… Exactement comme pour l’écotaxe ou la taxe carbone. Il aurait donc été bien plus judicieux de garder ces ressources pour les RER métropolitains.

Dans ces conditions, la SGP ne pourrait mettre qu’un pied dans la porte…
G. S : Elle construira peut-être des RER métropolitains si les élus mettent carte sur table et instaurent une taxe juste, pas en catimini, pour combler le déficit de transports collectifs. La SGP construira aussi peut-être des pôles d’échanges multimodaux, des gares. Mais par corporatisme, Gares & Connexions n’a pas très envie de voir débouler un nouveau maître d’ouvrage sur ce marché.

Propos recueillis par Nathalie Arensonas

La Ville inaccessible. Essai sur une fabrique des gilets jaunes. Ed. le Bord de l’eau, 290 p., 18 euros.

Ewa

L’Etat s’engage à hauteur de 4 milliards en faveur de la LGV Bordeaux-Toulouse

L’Etat a décidé de s’engager à hauteur de 4,1 milliards d’euros en faveur de la ligne grande vitesse entre Bordeaux et Toulouse, a annoncé le Premier ministre Jean Castex dans un courrier. « Le gouvernement a inscrit (…) un financement du projet de ligne à grande vitesse du sud-ouest (GPSO) à parité entre l’Etat et les collectivités, ce qui représente un engagement de l’Etat de 4,1 milliards d’euros (hors branche qui dessert Dax et qui sera intégrée dans la prochaine loi de programmation) », écrit le chef du gouvernement. « Je vous confirme cet engagement et vous précise qu’une contribution de l’Union européenne sera recherchée à hauteur de 20 % du coût total du projet », poursuit Jean Castex dans un courrier adressé à la présidente PS de la Région Occitanie Carole Delga et au maire LR de Toulouse Jean-Luc Moudenc. Le coût total de cette ligne de 222 km conçue pour une vitesse de 320 km/h est de plus de sept milliards.

Ce projet, qui doit mettre Toulouse à 3 h 10 de Paris (contre 4 h 10 actuellement) est « aujourd’hui le plus avancé de tous les projets de ligne ferroviaire à grande vitesse », rappelle le Premier ministre et « plus avancé » notamment que le Marseille – Nice dans lequel l’Etat s’est engagé pour 1,38 milliard d’euros.

Le Premier ministre a également annoncé « l’accélération » de la section Montpellier – Béziers de la future LGV Montpellier – Perpignan : « l’enquête publique commencera avant la fin de l’été 2021, ce qui permettra de déclarer l’utilité publique en 2022 ».

Pour ces différents projets de LGV, des sociétés locales de financement devraient être créées et pourront « recourir à l’emprunt et lever des taxes locales », souligne Jean Castex, espérant que les discussions sur leur constitution « puissent aboutir d’ici à la fin de l’été 2021 ».

Réagissant à ces annonces, le président de la Fnaut, Bruno Gazeau, s’est dit favorable au développement de ces liaisons qui pourraient faciliter le report modal de l’avion et de la route en faveur du rail, mais sous conditions : si ces réalisations ne se font ni détriment des trains du quotidien, ni au détriment de l’entretien du réseau. « Il ne faut pas déhabiller Pierre pour habiller Paul« , commente Bruno Gazeau. « Si la réalisation de la LGV de Bordeaux-Toulouse permet de désaturer les noeuds ferroviaires autour de ces deux villes, ce serait positif. Pour la liaison Montpellier-Perpignan, nous souhaitons une ligne mixte voyageurs-fret, permettant une vitesse de 220 ou 250 km/heure. Sinon, comme il n’y aura pas assez de voyageurs, la ligne ne sera pas rentable« , ajoute-t-il.

Reste maintenant à boucler les financements, ce qui ne sera pas une mince affaire.

MH P