Après l’avis négatif de la commission d’enquête sur le prolongement de la ligne 1 du métro parisien jusqu’à Val-de-Fontenay, jugeant le projet trop cher et portant atteinte à l’environnement, les défenseurs des transports en commun se sont désolés de cette décision qui laisse sans solution des quartiers éloignés de mode collectif de transport. Ce projet d’un coût d’1,7 milliard d’euros, prévoit de percer un tunnel de quelque 5 km depuis le terminus actuel de Château de Vincennes jusqu’à la gare RER de Val-de-Fontenay, passant sous Vincennes, Montreuil et Fontenay-sous-Bois, avec trois nouvelles stations (Les Rigollots, Grands-Pêchers et Val de Fontenay) et un centre de dépannage des trains en arrière-gare à Neuilly-Plaisance. Mais il a suscité une polémique autour de l’abattage d’arbres centenaires, deux hectares du bois de Vincennes étant menacés par les travaux.
Pour Marc Pélissier, le président de la Fnaut-Ile-de-France, qui se dit surpris par la décision de la commission d’enquête, il faut en tirer les conséquences et revoir les méthodes permettant de juger de l’intérêt d’un projet.
Ville, Rail & Transports : Avez-vous été surpris par l’avis défavorable de la commission d’enquête?
Marc Pélissier : Nous nous attentions à des réserves et à des recommandations mais pas à un avis défavorable. Les avis défavorables sont extrêmement rares. Même des projets plus contestables ont eu des avis favorables…
VRT : Comment l’expliquer?
M. P. : La perspective d’abattage d’arbres a eu un gros retentissement médiatique. Mais je ne suis pas sûr que ce soit le motif principal. J’ai l’impression que ce qui a le plus pesé, c’est l’avis du SPGI (le secrétariat général pour l’investissement) qui avait lui-même considéré que le projet n’est pas rentable.
Or, nous restons persuadés que c’est un bon projet. Nous avons le sentiment que la RATP a chiffré le coût de façon peut-être un peu large et que ça se retourne contre elle. Surtout si on le compare à ce qu’a fait la Société du Grand Paris qui, avec sa propre méthode, a affiché une rentabilité mirobolante sur la ligne 18, ce qui est contestable. Et après avoir obtenu un avis favorable, a annoncé des surcoûts.
Les habitants des quartiers de Fontenay et de Montreuil ne bénéficient actuellement que d’une desserte en bus, et en petite voirie où il n’y a pas la place pour un site dédié ou un tramway. Avec ce prolongement de la ligne 1, on attendait 95000 voyageurs en plus car ce projet a un double intérêt : non seulement la desserte de ces quartiers et le maillage avec le réseau de métro, mais aussi à terme, le futur maillage entre la ligne 1 et la 15 Est.
VRT : A quoi peut-on maintenant s’attendre?
M. P. : Ile-de-France Mobilités va délibérer sur ce projet. Le résultat dépendra de ce que diront les élus. A part le maire de Neuilly-Plaisance qui s’est félicité de cet avis défavorable (car le déplacement du site de maintenance oblige à relocaliser 400 emplois), le projet était jusqu’à présent soutenu par tous les maires et le président du département. Si tous restent sur cette position commune, cela pourra aider à surmonter les difficultés. Du côté de l’Etat toutefois, dans une période où l’argent manque, cela pourrait être une satisfaction de voir un projet en moins…
Ce qui se dit aussi au sein d’IDFM, c’est que la méthode de calcul actuelle n’est peut-être plus adaptée. En effet, elle consiste à valoriser tous les gains (gains de temps, baisse des polluants…) Or, si on part du principe qu’en 2035, il n’y aura plus que des voitures électriques qui rouleront, cela contribue à réduire les avantages du métro en matière de pollution. Le bilan carbone du prolongement de la ligne 1 devient négatif, d’autant qu’on le calcule sur une durée de 30 ans. Si on faisait ce calcul sur une base de 35 ans, le bilan carbone redeviendrait positif. C’est donc une méthode contestable car on ne construit pas un métro pour 30 ans, mais pour beaucoup plus longtemps. De plus, il faudrait aussi prendre en compte toutes les composantes des voitures électriques (leur production et la question du recyclage des batteries) pour disposer de résultats plus complets.
Il faut donc en tirer les conséquences et revoir les méthodes de calcul. Du côté des associations de voyageurs, nous réfléchissons aussi à ce que nous pouvons faire.
Propos recueillis par Marie-Hélène Poingt