Vice-président chargé des mobilités de la région Nouvelle-Aquitaine, Renaud Lagrave (élu des Landes, groupe socialiste) réagit aux propos d’Emmanuel Macron qui souhaite lancer en France un Pass Rail pour faciliter les déplacements en train, à l’image de ce qu’a fait l’Allemagne avec son abonnement à 49 euros. Il nous a envoyé une tribune que nous publions.
« Après des annonces sur les RER, voici donc le Pass Rail à la française, c’est un bon signe pour le ferroviaire, à condition d’y consacrer les moyens. Il faut maintenant transformer l’essai mais les mobilités ne peuvent pas dépendre que d’un seul joueur !
Cette demande coule de source pour tous les usagers des transports publics dans notre pays, elle est même une priorité pour nombre d’autorités organisatrices des mobilités depuis très longtemps.
Nous ne pouvons que nous réjouir de ce type d’annonce qui concoure largement à nos objectifs de favoriser l’intermodalité et l’usage des transports collectifs, notamment au moment où la transition écologique et énergétique est plus que nécessaire. Encore faut-il y associer les acteurs locaux, notamment ceux désignés par la Loi d’orientation des mobilités (LOM) comme chefs de file.
Le titre unique, c’est l’opportunité avec un seul support (carte, smartphone, carte bleue) de voyager dans plusieurs transports. En l’occurrence ici les TGV, Intercités et TER, mais en oubliant malheureusement tous les réseaux urbains et interurbains.
Le Pass Rail est quant à lui l’importation transformée du titre unique allemand à 49€… avec des modulations non négligeables : il ne s’adresserait finalement qu’aux jeunes et ne concernerait ni les TGV ni les réseaux urbains ! Sans revenir sur les exceptionnels engagements financiers de l’Etat allemand dans ce projet (5 milliards d’euros annuels) ni les différences structurelles entre les réseaux ferrés de part et d’autre du Rhin, il convient de rappeler certains fondamentaux.
L’objectif de simplification des supports et des tarifications est essentiel pour faciliter le report modal, c’est d’ailleurs ce que le législateur votait dans la LOM en 2019, demandant aux AOM de créer des systèmes d’information et de vente pour les voyageurs de proximité.
C’est pourquoi la Région Nouvelle-Aquitaine et les autorités organisatrices des mobilités du territoire se sont engagées dès 2018 sur ce chemin en créant le Syndicat Nouvelle-Aquitaine Mobilités. Depuis lors, les innovations se succèdent et les résultats sont d’ores et déjà probants autour de la marque Modalis : Le calculateur d’itinéraires permet à tous d’accéder à l’ensemble des offres de transport régionales et urbaines. Plus de 22 000 000 recherches sont faites tous les ans. Il est également possible d’acheter les titres de transports de 14 des 26 réseaux urbains membres, de tous les cars régionaux et le Pass Abonné TER.
Dès la fin 2023 et progressivement jusqu’en 2025, la gamme TER complète sera disponible sur Modalis, ainsi que le réseau TBM et l’ensemble des réseaux urbains. D’ores et déjà, le réseau de l’agglomération du grand Guéret donne la possibilité de valider son voyage par carte bleue. De même, la carte Modalis permet d’héberger les abonnements TER, les titres routiers régionaux et plusieurs réseaux urbains dont TBM et Txik Txak.
Mais Modalis ne s’est pas arrêté là. Il contribue à déployer des offres de covoiturage, des vélos en libre-service, des cars express, bref il fait son travail en faveur de toutes les mobilités !
Pour créer ce Pass Rail, finalement, ce dont Modalis a besoin aujourd’hui, c’est la possibilité de vendre TGV et Intercités à ses usagers, c’est donc à l’Etat de diligenter cette possibilité en passant au-dessus des questions techniques et financières qui sont légion ! Soyons clairs : SNCF Connect ne peut être la solution ! Les usagers ont besoin de proximité et les autorités organisatrices des mobilités de garanties de la maitrise des coûts de distribution et de la valorisation de leurs offres.
Enfin, en ce qui concerne les tarifications, les enquêtes auprès de nos concitoyens confirment systématiquement la tendance : les freins à l’usage ne sont pas exclusivement liés aux tarifs, mais bien à l’accès à une offre renforcée et de qualité. D’ailleurs, la Région Nouvelle-Aquitaine a profité de la liberté tarifaire offerte aux régions pour innover. Dès 2015 en Limousin, puis généralisé en 2017 à tout le territoire, le billet jeune permet aux moins de 28 ans d’accéder à des prix transparents sans avoir besoin d’acheter de carte au préalable. Le résultat est au rendez-vous puisqu’ils représentent 38% des billets occasionnels vendus. Et les abonnements spécifiques jeunes représentent 43% des ventes d’abonnements. La région a également fait le choix d’augmenter son offre TER de 12% depuis 3 ans, les usagers ont répondu présents passant de 63000 à 95000 voyageurs par jour, c’est donc bien d’un choc d’offre dont nous avons besoin !
Les annonces sont certes louables, mais n’oubliez pas que les autorités organisatrices des mobilités sont majeures et vaccinées, qu’elles portent des choix politiques en faveur du report modal depuis de longues années et qu’elles s’administrent librement.
Finalement le Pass mobilités existe déjà en Nouvelle-Aquitaine comme dans d’autres régions. Alors au moment où l’Etat souhaite rejoindre ces choix, je dis chiche ! Et pourquoi pas être pragmatiques et commencer par un portail public simple réunissant toutes les informations voyageurs consolidées de toutes les AOM et de l’Etat ? »
Renaud Lagrave, vice-président de la Région Nouvelle-Aquitaine chargé des Mobilités. Président de Nouvelle Aquitaine Mobilités (MODALIS)