Lorsqu’il avait défendu sa candidature face au Parlement il y a quasiment un an (le 17 janvier 2023), pour prendre la présidence de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afit France), Patrice Vergriete s’était dit « passionné par les mobilités ». Nommé le 8 février ministre délégué aux Transports, il va pouvoir le prouver en remplaçant Clément Beaune, parti sous les louanges d’un secteur qui a apprécié sa connaissance des dossiers et sa volonté d’avancer.
Agé de 55 ans, polytechnicien et ingénieur des Ponts et Chaussées, Patrice Vergriete connaît déjà bien les difficultés de financements des transports, étant resté six mois à la tête de l’Afit France (soit trois mois de plus que son prédécesseur Jean Castex parti à la RATP), avant d’être nommé ministre du Logement.
Lorsqu’il était maire de Dunkerque, il s’est aussi intéressé aux transports publics, décidant en 2018 de les rendre gratuits et faisant alors de sa ville « la première agglomération d’Europe à proposer la gratuité pour tous dans ses transports publics« , avait-il expliqué dans une interview à VRT. Avec l’ambition de lutter contre la pollution et de redonner, précisait-il, « du pouvoir d’achat à la population« .
Ancien du parti socialiste, qu’il a quitté en 2013, il représente aujourd’hui l’aile gauche au sein de Renaissance, un peu à l’image de son prédécesseur Clément Beaune. Celui-ci s’était attaqué à des sujets de fond, nouant ici un accord pour financer les transports publics franciliens, promettant le même traitement aux collectivités de province, et annonçant là une taxe sur les secteurs routier et aérien au bénéfice des modes non polluants au nom de la transition écologique. En janvier, l’ancien ministre attendait un rapport sur les péages ferroviaires, prévoyait le lancement d’un plan d’Etat pour des liaisons en cars express et promettait la diffusion d’une liste de projets d’autoroutes à abandonner. Sans oublier la poursuite du plan de transformation de Fret SNCF sous le radar de Bruxelles ou, sujet phare de l’année, la préparation des JO…
Depuis, une crise sociale couve à la SNCF, qu’il va falloir éteindre….
Passage en revue de quelques grands dossiers emblématiques qui attendent le nouveau ministre.
Les JO Paris 2024
Vingt-neuf jours de compétition, des millions de spectateurs, 200 000 accrédités, dont 15 000 athlètes. Le réseau francilien devra absorber entre 600 000 et 800 000 voyageurs supplémentaires chaque jour pendant les JO. Jamais l’organisation d’Olympiades n’auront autant souligné l’enjeu des transports collectifs.
Maillons essentiels de la réussite des épreuves, les opérateurs de transport public se veulent rassurants, les politiques aussi. Interrogé, début décembre 2023 sur Franceinfo, sur une lettre que lui avait adressé le préfet d’Île-de-France et dans laquelle ce dernier relevait l’impréparation des transports en commun franciliens à l’approche des JO, Clément Beaune avait reconnu : « il y a encore des lignes, des navettes supplémentaires à organiser, du renforcement d’offres à organiser ».
A certains endroits, le plan de transport ne permettrait pas d’acheminer les spectateurs à cause de la saturation des lignes de métro et RER en dépit « des renforts envisagés » par Île-de-France Mobilités (IDFM) avec des bus de substitution, pointait le courrier révélé par le Canard Enchaîné. « A certains endroits, le plan transport [tel qu’il est prévu durant les JOP] ne permet d’acheminer les spectateurs que si tous les autres voyageurs étaient dissuadés ou presque » de se déplacer, y était-il écrit. Clément Beaune invitait les Franciliens à « s’organiser un peu différemment durant la période » des JOP avec « plus de télétravail » et des « congés ». Et prévoyait « une campagne d’information précise à partir du mois de janvier… ».
Le passe Rail
Inspiré du Deutschland Ticket en Allemagne (transports régionaux à volonté pour 49 euros par mois), le passe Rail à la française – sans les TGV ni les transports urbains – verra-t-il le jour à l’été comme Emmanuel Macron l’avait demandé à son ex-ministre des Transports congédié début 2024 ? Outre-Rhin, le dispositif a mobilisé des engagements financiers exceptionnels de l’Etat fédéral (5 milliards d’euros annuels).
En France, pas sûr que le verrou de Bercy saute si aisément. Il faut aussi trouver un consensus avec les régions, autorités compétentes pour les TER. Si les Français ont fortement plébiscité le train en 2023, le prix des billets reste un sujet crispant.
Les RER métropolitains
La loi encadrant le développement des Services express régionaux métropolitains (Serm), communément appelés RER métropolitains, a été votée en décembre dernier.
Voulus par Emmanuel Macron qui en avait fait l’annonce surprise fin 2022 sur Youtube, plusieurs projets sont à l’étude ou en cours de développement : Lille, Lyon, Grenoble, Marseille, Nantes, Rennes, Rouen, Strasbourg, Bordeaux, Toulouse.
Les premiers projets retenus pour obtenir un soutien de l’État devaient être connus au printemps 2024, avait annoncé en octobre Christophe Béchu, le ministre de la Transition écologique. Avec quelle enveloppe budgétaire pour les financer ?
Les péages ferroviaires
C’est un sujet qui fâche : SNCF Réseau doit augmenter de 7,6 % en moyenne ses redevances d’utilisation des voies ferroviaires en 2024. Et d’autres augmentations devraient suivre les années suivantes. Les régions, autorités organisatrices des TER, les contestent. Et les usagers, qui se plaignent du prix du train, les subissent également, le péage représentant près de 40 % du tarif du billet.
Face à la bronca, Clément Beaune avait demandé à l’automne dernier le lancement d’une enquête conjointe à l’Inspection générale des finances et à l’Inspection générale de l’environnement et du développement durable. Faudrait-il baisser les péages ? Mais dans ce cas, l’Etat est-il prêt à subventionner davantage les travaux des infrastructures ferroviaires ?
Des financements pérennes pour la mobilité locale
« L’Etat doit être cohérent avec ses objectifs de décarbonation », plaident les élus du Groupement des autorités organisatrices du transport (Gart). S’inquiétant d’un traitement inéquitable entre l’Île-de-France et les autres territoires, depuis que Valérie Pécresse a arraché un accord avec l’Etat pour sécuriser le financement des transports publics d’Ile-de-France, les élus des autres territoires en voudraient bien autant.
Quand on n’est ni francilien, ni éligible à un RER métropolitain, comment financer le choc d’offre sans pouvoir augmenter le versement mobilité ?, demandent-ils en substance. « Il ne peut pas y avoir une France à deux vitesses », martèle Louis Nègre à chaque occasion. « Ce qui s’est passé en Ile-de-France ouvre des perspectives pour le pays tout entier », lui avait répondu Clément Beaune. Quelle sera la réponse du nouveau ministre ?
N. A. et M.-H. P.