Alain Fousseret (Franche-Comté), Jacques Fernique et Djamila Sonzogni (Alsace), Jean-Yves Petit (Provence-Alpes-Côte d’Azur), Marie-Laure Motreuil (Pays de la Loire), Jean-Charles Kohlhaas (Rhône-Alpes), Pierre Pommarel (Auvergne) et Jean-Paul Maurel (Paris) se sont retrouvés les 12 et 13 juillet derniers, à Mulhouse et en Suisse, pour se voir présenter les avantages comparés des nouveaux matériels et modes d’exploitation des transports publics régionaux de voyageurs Le choix de l’optimisation de l’infrastructure existante
La reprise de la dette par la puissance publique permet aux Suisses d’utiliser les voies ferrées « au coût marginal » et de faire circuler trois fois plus de trains qu’en France. Par un cadencement rythmé toute la journée, l’offre ferroviaire suisse répond aux besoins des habitants sur l’ensemble du territoire.
La Suisse a également retenu un train pendulaire, l’ICN, sur la grande transversale est-ouest, afin de réduire les temps de parcours sans engager des dépenses pharamineuses dans l’infrastructure. En France, le train pendulaire permettrait une redynamisation des grandes lignes transversales (Intercités, Téoz…) dont l’actuel matériel est à bout de souffle. Une étude nationale sur l’opportunité du train pendulaire généralisé sur ces grandes lignes serait pertinente.
L’intermodalité
Le rôle de la gare centre de ville et centre de vie est extraordinaire en Suisse. Il ne leur viendrait pas à l’idée de créer un nouveau transport en commun qui passerait à 500 m de la gare. Tous les bus, trams sont à moins de 100 m de la sortie de la gare. Quelle que soit la ville que nous avons vue. La gare de Bâle, par exemple, est plus efficiente question multimodalité qu’une gare comme Dijon, qui est pourtant une référence en France.
A raison de 100 places vélos pour 3 000 habitants, les gares suisses sont accessibles au plus grand nombre. Toutes les grandes gares ont des centaines de places à vélos sécurisées, abritées, avec casiers pour casque et affaires personnelles. Il est courant que certains parcs à vélos comptent de 400 à plus de 1 000 places. Pour un pays de montagne, c’est étonnant. C’est également l’opérateur ferroviaire CFF qui regroupe, sur son site Internet, l’ensemble des offres de transport mises en place par les différentes autorités organisatrices (cantons et agglomérations).
Les horaires sont facilement consultables car les changements d’horaires ne se font que tous les quatre ans. Sauf exceptions minimes, autorisées une seule fois par an. A comparer avec l’Ile-de-France, où plusieurs changements d’horaires sont effectués toutes les semaines et où, du coup, les horaires sur papier ne sont jamais à jour. Et pas davantage sur Internet, par manque de coopération interopérateurs. On comprend pourquoi de nombreux Français consultent les CFF pour obtenir des horaires… en France.
Apport pour PDU
En France, nous sommes souvent frileux pour appliquer des mesures qui limitent les encombrements et facilitent la circulation des transports en commun. Dans une ville comme Bienne, tous les parkings sont payants. Que ce soit des parkings pour les salariés, chez Rollex, Swatch… ou les parkings des centres commerciaux. Avec interdiction de faire des ristournes en compensation.
Nous avons vu aussi bien à Bienne qu’à La Chaux-de-Fonds, dans le canton de Neuchâtel, qu’il est interdit de construire sur un terrain non accessible par un transport en commun. La densification autour des lignes de chemins de fer est à rapprocher du tram-train de Mulhouse, dans la vallée de la Thur, où 80 % des habitants sont à moins d’un kilomètre de la voie ferrée.
Le financement
L’Europe nous oblige à un démantèlement de nos chemins de fer, sous prétexte de libéralisme et de privatisations. Or, ce n’est pas la voie suivie par les pays où les TC fonctionnent le mieux au monde. Au Japon, l’entreprise unique publique a été découpée en plusieurs entreprises privées régionales, uniques dans chaque région. En Suisse, toutes les entreprises privées de transport ferroviaire sont en fait des entreprises avec des capitaux publics croisés Fédération-canton-ville. Les entreprises capitalistes privées ne sont pas près de mettre pied en Suisse.
Face aux conditions d’ouverture du marché, la Suisse a donc fait le choix d’une « troisième voie » : la création d’entreprises de transport en commun avec des capitaux publics (l’équivalent des SPL en France). Ces entreprises à capitaux publics remportent les marchés, car les exigences des collectivités en qualité de service sont élevées.
Pour la réalisation d’une infrastructure nouvelle de 600 millions d’euros (dont un tunnel de 13 km entre Neuchâtel et La Chaux-de-Fonds), la collectivité a écarté l’hypothèse d’un partenariat public-privé (PPP), jugé trop onéreux, après une étude comparative basée sur une méthode australienne, « Value for Money ». La collectivité a retenu la solution du portage d’opération par une SA d’actionnaires publics (une société publique locale), jugée plus réactive que la branche infra des CFF.
Pour le ferroviaire, la répartition entre coût couvert par la clientèle et les fonds publics est de respectivement 80 % et 20 % (et à 50/50 pour les autres transports publics).
On peut rajouter un mot sur la rigueur et le professionnalisme des cheminots suisses pour qui l’usager est au centre des préoccupations. Des trains qui partent à la seconde près, ça laisse rêveur un Français. La fiabilité, c’est la clé de la crédibilité d’une alternative ferroviaire à la voiture !
Dès la frontière passée, nous avons subi une attente de 45 mn à Bellegarde. Correspondances rompues, stress, agacement, la plupart des usagers non militants préfèrent éviter ces désagréments et choisissent par précaution la voiture, plus fiable que le train chez nous !