Logement, facilités de circulation, pénibilité, prévoyance, droit syndical : pour Florence Sautejeau, déléguée générale de l’UTP, l’urgence c’est 2024, année des premiers transferts de cheminots en région Paca sur les lignes TER. Mais la convention collective du ferroviaire n’est toujours pas achevée.
L’actualité sociale autour de la réforme des retraites n’est pas franchement favorable à la reprise des négociations sur la convention collective du transport ferroviaire visant à établir des règles sociales communes à toutes les entreprises ferroviaires, publiques et privées. Florence Sautejeau, déléguée générale de l’UTP, l’Union des transports publics et ferroviaires chargée de la négocier et de la finaliser rapidement avec les partenaires sociaux, en est bien consciente.
Le 17 mars, devant l’association des journalistes du transport et de la mobilité (AJTM), elle a longuement évoqué le sujet. « Mon obsession, c’est que, quand les premiers salariés SNCF seront transférés chez un nouvel entrant, on puisse leur garantir leurs droits sociaux », dit l’ancienne conseillère sociale de Jean Castex quand il était à Matignon.
Et cela va arriver vite, en 2024 très exactement. Les premiers transferts de cheminots de la SNCF devraient intervenir dans un an en Provence Alpes Côte d’Azur lorsque Transdev (filiale de la Caisse des dépôts) prendra les commandes des TER sur l’axe Marseille-Nice (30 % de l’offre ferroviaire régionale remportés à l’issue d’un premier appel d’offres). « Il faudra bien que les règles sociales soient claires pour que cela se passe dans les meilleures conditions. On n’y est pas, les négociations sont encore en cours avec les syndicats », constate Florence Sautejeau. 150 cheminots sont concernés.
Si les accords « classifications et rémunérations » et « sac à dos social » (qui a notamment défini que les personnels au statut conserveront leur régime de retraite après transfert) ont été signés fin 2021 par trois organisations syndicales* et sont déjà en vigueur, il reste à entrer dans le détail des conditions de transfert des cheminots dans le cas où la SNCF perdrait un contrat TER. Si le sujet est dans le sac à dos social, et donc déjà signé par les partenaires sociaux, c’est dans l’interprétation des textes qu’il reste des inconnues.
Par exemple, les cheminots volontaires au transfert peuvent-ils se positionner sur certains sites plutôt que sur d’autres ? Dans le cas du contrat gagné par Transdev en Paca, un cheminot peut-il demander à être positionné à Toulon, plutôt qu’à Marseille ou Nice ? Un sujet opérationnel mais qui soulève les craintes des nouveaux opérateurs ferroviaires.
Il reste aussi à venir à bout du sujet de l’inaptitude professionnelle. « A la SNCF, si un cheminot est inapte, l’entreprise a l’obligation de le reclasser ou bien de le réformer : il reste à la SNCF avec des avantages qui s’apparentent à une pré-retraite », décrit Florence Sautejeau. Chez Transdev ou chez tout nouvel entrant, ce sera forcément différent. « Il aura les mêmes obligations de reclassement, et si c’est impossible, il devra licencier le cheminot pour inaptitude. Et les règles ne sont encore définies », indique-t-elle.
Facilités de circulation
Autre sujet épineux qui n’est pas non plus tranché : les facilités de circulation des personnels ferroviaires dans tous les trains, condition très forte pour que les organisations syndicales signent l’accord avec l’UTP, le syndicat patronal.
Un nouvel entrant peut ouvrir les facilités de circulation à tous ses salariés, le problème, c’est que les règles de compensations entre compagnies ferroviaires ne sont pas définies. Charge à l’UTP de les trouver, « on va se faire aider sur le plan juridique et informatique », indique Florence Sautejeau. Le sujet est si complexe (les facilités de circulation occupent aujourd’hui 50 personnes à la SNCF) que le gouvernement avait confié en 2021 une mission sur le sujet à l’Inspection des Finances, l’Inspection générale des Affaires sociales et au Conseil général de l’environnement et du développement durable en 2021. Le rapport de ces trois administrations n’a visiblement pas été suffisamment éclairant.
« Tout ces sujets font partie du socle identitaire des cheminots français », a vite compris Florence Sautejeau arrivée à l’UTP il y a un an. Bref, la question des transferts de personnels reste entière ou presque.
« Jeu d’acteurs » en Ile-de-France
Même incertitudes pour l’ouverture à la concurrence des lignes de bus parisiens et de la petite couronne de la RATP, prévue en 2025. Il reste deux décrets à prendre : celui relatif au régime spécial vieillesse (en attente de publication), et celui sur la garantie d’emploi en cas de changements d’employeurs. La perspective d’une obligation pour les nouveaux entrants de payer les indemnités de licenciement est perçue comme une barrière à l’entrée par les concurrents de la RATP. Si Jean Castex a réussi à conclure l’accord sur le « cadre social territorialisé », peu de temps après son arrivée à la tête du groupe (cela dit très favorable aux agents de l’Epic), le volet social reste tendu et le report de la date d’ouverture à la concurrence après les JO 2024 est sur la table « On est dans un jeu d’acteurs », commente sobrement Florence Sautejeau. Sur scène, Valérie Pécresse, patronne d’Ile-de-France Mobilités, l’Etat, et Jean Castex, nouveau dirigeant de la RATP.
Le même Jean Castex auquel aurait dû revenir le fauteuil de président de l’UTP en juin prochain, à l’issue du mandat de Marie-Ange Debon, dirigeante de Keolis. Une nouvelle fois, la RATP va passer son tour (Catherine Guillouard avait déjà passé le sien en 2021 pour les mêmes raisons : préparer le groupe à l’ouverture à la concurrence à Paris et en Ile-de-France). Florence Sautejeau n’aura donc pas à composer avec une position un peu inconfortable si elle avait retrouvé l’ex-Premier ministre à l’UTP.
Nathalie Arensonas
* Unsa ferroviaire, Sud Rail et CFDT-FGTE cheminots représentant 62,2% des salariés pour le premier accord ; Unsa Ferroviaire et CFDT-FGTE Cheminots représentant 42,96 % des salariés pour le second. La CGT Cheminots représentant 37,8% des salariés, s’y était opposée