Retards interminables, blocages, suppressions de trains… La multiplication des incidents ces derniers mois perturbe le fonctionnement du RER C, qui est devenu la ligne la plus « malade » d’Ile-de-France, détrônant, avec ce titre peu envié, la ligne B du RER. Des mesures d’urgence s’imposent tant pour les voyageurs du quotidien que dans la perspective des JO. Un peu plus d’une semaine après un des derniers incidents survenus le 18 mars dans un poste d’aiguillages à Paris-Austerlitz provoquant une interruption du trafic sur la ligne C du RER pendant 4 heures, Valérie Pécresse, la présidente d’Île-de-France Mobilités a donc emprunté le RER C avec des élus des villes traversées et dévoilé les mesures qui doivent permettre une amélioration de la ponctualité de la ligne.
Depuis 2021, le taux de ponctualité est en effet tombé de 91,3 % à 86,6 % au troisième trimestre 2023. « Nous étions à 84 % de ponctualité, la semaine dernière, alors qu’IDFM demande 90 % », précise Nicolas Ligner, le directeur de la ligne C. Ce que Marc Pelissier, président de l’Association des usagers des transports-IDF traduit par « seules quatre missions (trains) sur cinq commandées par Île-de-France Mobilités sont réellement effectuées ».
Ces piètres performances résultent notamment d’une pénurie de conducteurs. Le recrutement n’aurait été suffisamment anticipé, selon les associations d’usagers. « Nous avons recruté 100 agents en 2023 et autant cette année. Leur formation prend une année. Nous devrions retrouver une situation normale à l’issue des vacances scolaires de Pâques, avec 30 à 40 conducteurs supplémentaires. La solidarité de Transilien joue à plein, et des conducteurs d’autres lignes vont venir sur la C, le temps que les formations soient terminées », indique Nicolas Ligner.
Pour améliorer la disponibilité du matériel, le technicentre des Ardoines qui assure 90 % de la maintenance des rames du RER C va recruter 10 % d’agents intérimaires et 10 % d’agents en CDI en plus. « De plus, toujours grâce à la solidarité de Transilien, nous avons transféré les grosses opérations de maintenance vers d’autres technicentres d’Ile de France, ce qui nous permet de réaliser 20 à 25 % d’opérations supplémentaires ».
La ligne devait aussi récupérer cette année les Z2N de la ligne D qui devait, elle, recevoir le nouveau matériel RER commandé par la région Île-de-France. Mais les retards de livraison du matériel neuf, et le fléchage vers le RER E, jugé prioritaire, empêche l’arrivée de Z2N sur le C. Or, le matériel actuel a 30 ans d’âge en moyenne, comme le rappelle Valérie Pécresse.
De son côté, SNCF Réseau va appliquer sur le RER C « une méthode déjà testée sur les lignes B et D, qui consiste à faire passer un gros aimant sur les voies pour récupérer toutes les particules métalliques présentes sur les voies ou aux abords », explique Séverine Lepère, directrice générale Île-de-France de SNCF Réseau. « Ces particules métalliques ont provoqué 30 incidents de signalisation sur le réseau en 2023. Nous avons testé cette solution sur le tronçon central de la ligne C et cela fonctionne. »
La dirigeante assure également que tous les travaux prévus cette année seront effectués même avec les restrictions dues aux JOP. « Nous les ferons avant et après », résume-t-elle.
Un nouveau schéma directeur de la ligne C, qui dessine le futur de la ligne à l’horizon 2033, devait être présenté début février au dernier conseil d’administration d’Île-de-France Mobilités. Il devait prévoir la possibilité de « détacher » les deux terminus des branches sud d’Étampes et de Dourdan pour les exploiter en navette jusqu’à Paris-Austerlitz. Avec l’objectif de limiter le nombre de trains empruntant le tronçon central dans Paris.
Plusieurs associations n’y sont pas opposées comme l’AUT-IDF « si cela permet une amélioration de ponctualité », souligne Marc Pélissier. En revanche, Rémi Lavenant, président de la Vignette du Respect, n’en veut pas. « Le débranchement de la section Versailles – Choisy-le-Roi, au nouveau service en décembre, montre que ça n’a pas amélioré la ponctualité globale de la ligne. Ce serait pareil avec les branches sud ». Le document devrait être représenté en conseil début avril.
Yann Goubin
Une ligne aux multiples ramifications
La ligne C du RER est composée d’un long tronçon central, et de sept embranchements, ce qui rend complexe son exploitation.
Quatrième ligne la plus fréquentée de la région, elle transporte chaque jour 540 000 voyageurs.
Découpée par tronçons, la poutre coffrante, tombée le 1er décembre sur les voies du RER C, au sud de la gare d’Austerlitz, a été complètement retirée le 10 décembre. L’opération a été particulièrement compliquée pour évacuer cette poutre de 370 tonnes, en forme de U, 45 mètres de long et trois de haut, brisée en trois et qui provient du chantier de la ZAC Paris Rive Gauche. Un chantier mené par un groupement d’entreprises comprenant Léon Grosse (mandataire) – Freyssinet (groupe Vinci) et piloté par la SEMAPA (Société d’aménagement de la ville de Paris). « Depuis l’incident, 150 compagnons sont mobilisés sur ce chantier, 24 h/24 et 7 j/7 », précisait Christian Lacroix, président de Freyssinet France, le 7 décembre, près du chantier.
Les opérations ont commencé deux jours après l’incident, le temps d’imaginer une solution et d’acheminer le matériel, notamment les grues, dont deux sur rail. Pour protéger la voie, il a d’abord fallu poser un platelage métallique, sur lequel ont été installées des tours d’étaiement pour soutenir la poutre lors de la découpe. Cette découpe devait s’effectuer par tronçons d’une dizaine de tonnes, suffisamment importants pour effectuer l’opération rapidement, mais pas trop lourds pour être posés sur les abords du chantier – qui ne peuvent supporter de trop grosses charges – puis être évacués par camion.
Chaque élément à découper a d’abord été « carotté » afin de faire passer l’élingue permettant de le soutenir grâce à une grue puis de le poser le long de l’avenue de France. Le sciage et la découpe des éléments ont commencé dans la nuit du 6 au 7 décembre. Cette étape devait se terminer le 9 ou le 10 décembre.
SNCF Réseau devra ensuite évaluer les dégâts et remettre en état les infrastructures, notamment la caténaire, emportée dans sa chute par la poutre coffrante, ainsi que la voie. Difficile, sans connaître l’étendue des dégâts de prédire une date de reprise des circulations.
Le groupement s’est montré rassurant à propos des poutres déjà posées. Même si l’expertise était encore en cours, « les deux poutres déjà mises en place sont parfaitement sécurisées. Elles sont validées par le maître d’œuvre, le bureau de contrôle et SNCF Réseau », assure Bruno Alleard, le directeur général adjoint de Léon Grosse Ile-de-France. « Ce n’est pas la structure de la poutre qui est cause, c’est au cours de la manipulation, pour la poser sur les appuis que s’est produit l’incident », ajoute-t-il.
L’heure est désormais à la réparation des installations endommagées (la reprise des circulations est attendue vers la mi-décembre) et à l’évaluation du préjudice. « Les investigations sont en cours depuis la semaine dernière (début décembre, ndlr) pour identifier les causes de l’incident de chantier, évaluer les préjudices et permettre de déterminer les responsabilités. Les pénalités et indemnités seront arbitrées à l’issue d’une analyse approfondie des circonstances de l’événement », se contente d’indiquer le groupement des constructeurs. Un dossier également compliqué…
Yann Goubin
La photo a fait le tour des rédactions tant elle est impressionnante : une poutre de 400 tonnes s’est effondrée sur les voies du RER C vers 1 h 30 du matin le 1er décembre, ne faisant heureusement aucune victime. Il s’agit plus exactement d’un coffrage destiné à la réalisation d’une poutre, précise SNCF Réseau, en indiquant qu’il provient du chantier de la ZAC Paris Rive Gauche, piloté par la SEMAPA (Société d’aménagement de la ville de Paris) et consistant à « aménager logements, bureaux et équipements publics sur une dalle édifiée au-dessus des voies ferrées ».
« Il s’agit de la troisième opération de ce type pour ce chantier. Les deux poutres coffrantes précédentes avaient été mises en place en septembre« , indique le groupement d’entreprises Léon Grosse (mandataire) – Freyssinet (groupe Vinci) qui réalise les travaux.
SNCF Réseau rappelle n’avoir autorisé la tenue de ce chantier au-dessus des voies qu’en dehors des heures de circulation des trains. Le groupe SNCF a demandé aux entreprises responsables du chantier des précisions sur le délai d’enlèvement du coffrage qui entrave les voies et les a fortement endommagées. Mais on sait déjà qu’il faudra au minimum une dizaine de jours pour retirer la poutre. Il semble impossible de la soulever, « d’une part du fait de son poids, d’autre part du fait des contraintes de l’environnement urbain, on ne peut donc pas faire venir toutes les grues qui pourraient être nécessaires », commente un porte-parole de Vinci. « Toutes les options sont en train d’être évaluées« , ajoute-t-il.
« Il faudra sans doute trouver des engins pour la casser et ensuite l’extraire« , souligne de son côté une porte-parole de SNCF Réseau. Ce n’est seulement qu’à ce moment-là qu’on pourra estimer l’ampleur des dégâts sur les voies.
En attendant, le trafic a été interrompu à l’arrivée et au départ de la gare de Paris Austerlitz en surface et il est fortement perturbé sur la ligne C du RER.
MH P