Muriel Signouret poursuit son parcours au sein du groupe SNCF. Après avoir été directrice de cabinet du PDG Jean-Pierre Farandou et directrice déléguée aux territoires, aux relations institutionnelles et à l’international, elle avait pris il y a un peu plus d’un an des fonctions plus opérationnelles à la direction des gares de Paris-Lyon et de Paris Bercy Bourgogne-Pays d’Auvergne.
Cette ex-journaliste, qui est devenue énarque en 2012 et a travaillé au ministère des Armées, puis a été nommée secrétaire générale de la chaîne parlementaire Public Sénat, prendra son nouveau poste de directrice de la RSE (Responsabilité sociétale des entreprises) le 2 mai. Elle succèdera à Mikaël Lemarchand, qui « a décidé de quitter l’entreprise pour porter un projet entrepreneurial« , indique la SNCF. Muriel Signouret intègre également le comité exécutif du groupe.
Depuis l’automne 2022, la filiale de Keolis à Bordeaux qui a remporté l’an dernier le marché des bus, tramway, navettes fluviales et vélos de la métropole girondine, est la première entreprise à mission dans les transports publics. Sa création, ou plutôt sa transformation, était l’une des conditions de l’appel d’offres de la métropole girondine pour la nouvelle délégation de service public des transports urbains. Le gagnant allait devoir allier performance économique avec engagement sociétal et environnemental.
Le statut de société à mission a été créé par la loi Pacte relative à la croissance et à la transformation des entreprises (Pacte), adoptée en mai 2019.
Le contrat remporté par Keolis, candidat sortant, a démarré le 1er janvier 2023 pour huit ans et impose à la filiale de la SNCF de renforcer sa responsabilité sociétale et environnementale (RSE). Concrètement, l’entreprise s’engage à favoriser la transition énergétique (notamment, convertir les bus au BioGNV et utiliser de l’énergie « verte » pour les trams d’ici à 2025), diminuer son empreinte carbone (par exemple, réduire de 15 % la consommation en eau pour le nettoyage des tramways d’ici à 2026), maitriser la gestion de ses déchets, renforcer la diversité et l’égalité professionnelle, etc.
Un comité de suivi a été mis en place au printemps pour contrôler les engagements RSE de Keolis. Leur respect sera évalué par un organisme tiers indépendant (OTI).
La nouvelle devise républicaine de la SNCF – Liberté, Facilité, Planète – n’est-elle que de la com’ avec un habillage écologique ? « Avec le train, la SNCF préempte le domaine écologique sans rien faire : nous émettons 971 000 tonnes de CO2 par an, notre objectif est d’atteindre 95% de décarbonation d’ici à 2035 », a reconnu Guillaume Pepy, dirigeant de la SNCF, lors d’un récent séminaire de presse.
Accord de Paris 2015 et Plan Climat 2017 obligent, le groupe ferroviaire cherche à se positionner comme la locomotive française sur le sujet et intègre depuis deux ans la valeur de la tonne carbone dans sa déclaration de performance extra-financière (ex-reporting RSE devenu obligatoire). Une démarche qui fait flores chez les entreprises françaises : plutôt que d’acheter un quota d’émissions échangeables de CO2, elle consiste à fixer un prix à ses propres rejets de gaz à effet de serre et à les intégrer dans ses résultats extra-financiers. L’idée est d’accorder une valeur monétaire aux actions en faveur du climat.
250 euros la tonne de CO2 émise ou évitée
Toute la question, c’est le prix : en 2019, à l’heure de l’urgence climatique, quelle est la valeur monétaire d’une tonne de carbone, émise ou évitée ? Alain Quinet, directeur général délégué de SNCF Réseau, s’est penché sur la question. Président de la commission de « la valeur tutélaire » du carbone (shadow price en anglais), il a rendu fin février un rapport au Premier ministre(1) dans lequel il établit à 250 euros la tonne de CO2 en 2030, contre 100 euros aujourd’hui.
Concrètement, une valeur à 250 euros/tonne de CO2 signifie qu’il faut créditer la rentabilité d’un projet d’investissement public (de transport collectif par exemple) de 250 euros pour chaque tonne de CO2 évitée.
Une mise à jour nécessaire pour atteindre les objectifs français de neutralité carbone en 2050, estiment les auteurs du rapport, et « qui a vocation à être intégrée dans l’évaluation socio-économique de tout grand projet d’infrastructure public, explique Alain Quinet. Traditionnellement, pour une ligne à grande vitesse (LGV), on donne une valeur monétaire élevée au gain de temps et au report modal, mais beaucoup plus faible au gain d’émissions de CO2, explique-t-il. A 100 euros la tonne de CO2, l’impact carbone est sous-estimé. Demain, à 250 euros la tonne, il passera à 25%, contre 10% aujourd’hui. Ce qui donne plus de valeur aux grands projets ferroviaires par rapport aux projets routiers, mais la route sera-t-elle toujours thermique ? », interroge le directeur général délégué de SNCF Réseau. « Il faut une méthodologie rigoureuse pour bien appréhender le développement de l’électrique et ne pas biaiser les calculs », modère-t-il.
Amortissement carbone en 2, 10 ou 50 ans
L’autre biais est lié au fait que le gain carbone d’une LGV n’est calculé qu’au moment de la mise en service de la ligne nouvelle, sans prendre en compte le CO2 émis pendant la phase de construction. « Nous voulons évaluer l’empreinte carbone en tenant compte des phases de chantier, en intégrant celle des sous-traitants et la fabrication des matériaux. Et une fois l’infrastructure réalisée, analyser en combien d’années les émissions de CO2 sont compensées par les émissions évitées grâce au train versus le transport routier, maritime et aérien», reprend Alain Quinet, avec cette fois sa casquette SNCF Réseau. Cet impact carbone représente la différence entre l’empreinte carbone d’un chantier ferroviaire et les émissions évitées grâce au report du trafic routier, maritime ou aérien vers le rail.
« Pour la régénération du réseau ferré, le temps de retour est rapide : les émissions de chantier sont amorties en deux ans car la ligne est déjà circulée, pour une LGV de plaine, cela prendra dix ans, plus longtemps pour une LGV avec des tunnels, et encore plus pour le Grand Paris Express, 50 à 60 ans », a évalué Guillaume Pepy devant la presse. C’est ce qu’on appelle le « pay back period ».
Suivant ces calculs exprimés en millions de tonnes de CO2, SNCF Réseau évalue que l’impact carbone des projets financés par les 2,7 milliards d’euros de Green Bonds(2) émis depuis 2016 a permis d’éviter l’émission de 8,8 millions de tonnes CO2 sur 40 ans, « l’équivalent du bilan carbone de 18 000 Français », calcule Alain Quinet.
SNCF Réseau semble avoir pris la mesure des aléas auxquels le changement climatique expose ses activités, et surtout son financement car les investisseurs sont de plus en plus sensibles aux conséquences financières du risque climat.
Nathalie Arensonas
(1) sous l’égide de France Stratégie
(2) emprunts obligataires verts, non bancaires, émis sur les marchés pour financer des projets liés à l’environnement et à la transition écologique.