Plus de 280 millions d’euros de chiffre d’affaires, c’est le marché que vient de décrocher Cremonini pour les quarante prochains mois Le 1er mars prochain, changement de cartes pour la restauration à bord de l’ensemble des TGV, à l’exception du TGV Est et des trains Lyria. Exit la célèbre Compagnie internationale des Wagons-Lits. C’est Cremonini qui a décroché le marché pour les quarante prochains mois. Pour le groupe, cela représente en termes de chiffre d’affaires plus de 280 millions d’euros sur les quarante mois.
La décision prise par le conseil d’administration de la SNCF, le 22 octobre dernier, concerne la gestion quotidienne de tous les services de restauration sur plus de 500 TGV, soit plus de 80 % des TGV français. D’entrée de jeu, les syndicats ont contesté la décision, parlé de la « catastrophe sociale », évoqué « une réponse très sous-évaluée » de Cremonini qui « facturera sa différence aux salariés ». Toutefois, Cremonini n’est pas un nouveau venu.?Il a en particulier déjà exploré les pistes du « laboratoire » iDTGV, sans oublier Eurostar, Thalys, Téoz, des marchés ferroviaires européens… Avec ce dernier marché d’importance, il devient d’ailleurs le premier opérateur du secteur en Europe. Retour sur les leçons tirées par Cremonini des marchés hexagonaux sur lesquels il s’est progressivement implanté.
La carte du naturel sur Paris – Clermont.
Clermont-Ferrand il y a huit ans, Brive il y a quatre ans… Deux temps fort jalonnent la relation entre Téoz et Cremonini. Désormais, sur tous les axes Téoz, les mêmes produits sont proposés. Côté sandwichs, salades, la volonté est affirmée de privilégier les produits naturels, « un commerce bio équitable ». La gamme change tous les ans. Dans les rames, il faut aussi gérer de très nettes différences de fréquentation. Avec de « très bons » trains, comme Paris – Clermont, où malgré une baisse de fréquentation on enregistre encore une hausse de chiffre d’affaires de 8 à 10 %.
Vente ambulante, distributeurs : le coût de la logistique sur ce type de trains peut approcher 30 %, contre 5 à 7 % en moyenne. D’où un « déséquilibre ». Et une compensation que doit verser la SNCF pour préserver ce « service » considéré comme faisant partie du voyage. Une compensation dégressive, souligne-t-on chez Cremonini, où l’on assure que, malgré cette subvention moindre, le marché est rentable.
Café pas cher et service branché sur iDTGV.
Avec iDTGV, Cremonini a bénéficié dès sa mise en service, en 2005, d’un véritable laboratoire. Dans ces rames, beaucoup de clientèle loisirs. Alors, la gamme s’est voulue innovante, symbolisée dès le début par le café pas cher. Le pari était audacieux, il est gagné.
La recette fonctionne, comme le montre la croissance affichée. Une croissance aujourd’hui stabilisée. Dans iDTGV, entre 35 % et 40 % de la clientèle consomme. C’est bien, par rapport aux 15 % qui consomment en moyenne dans les autres TGV. Même si cela ne correspond pas à un doublement du chiffre d’affaires. « Il y a moins de menus, le ticket moyen est moins cher », résume Jean-Philippe Molinari, président exécutif de Cremonini Restauration.
Il y a également, selon les destinations, de la vente ambulante. De nouvelles suggestions sont expérimentées. La prochaine : ce sera, sur ces rames de la génération Internet, la vente de services annexes sur la toile. Consoles, lecteurs de DVD, jeux DVD dans un premier temps. Puis on pourra réserver et payer son repas sur Internet et aller le retirer au bar. La « Founde Box », qui devrait être disponible en avril, est un coffret repas à 14,90 euros avec entrée, plat, dessert et boisson. « Tout cela fourni par un traiteur réputé de Bourgogne qui travaille aussi pour Eurostar et Thalys », se plaît à préciser Jean-Philippe Molinari. Et on envisage aussi de proposer la possibilité de réserver de même, sur Internet, gâteaux d’anniversaire et champagne…
Et puis, autre démarche amorcée sur iDTGV : un type de personnel spécifique. « Un profil jeune, fun, ayant plus facilement le contact avec les clients. »
Lunéa, une autre idée du service de nuit.
En 2007, Cremonini est chargé du « service d’accueil et de confort » à bord des trains de nuit. Le principal changement, c’est l’image de l’employé de service à bord, l’ESB. Directeur marketing France, Cyril Viviani précise : « Il était presque uniquement préposé au nettoyage. D’où un déficit d’image. Maintenant, il est à l’accueil. Avec, outre le nettoyage, une action commerciale, la vente du petit déjeuner. Ça peut apparaître comme un détail, mais le voyageur ne les regarde plus de la même façon, ils sont plus motivés. Et c’est un gain pour la qualité globale du service. »
Un autre changement notable : la prise de service se faisait « traditionnellement » en gare de Paris-Lyon, elle se fait désormais à Austerlitz, là où partent et arrivent l’ensemble des trains de nuit. Selon Cremonini, le changement s’est traduit avant tout par « une réduction du nombre de personnes employées en contrat à durée déterminée, soit moins de précarité, et une perception de la qualité à la hausse ».
iDNIGHT : servez show.
Sur iDNIGHT, Cremonini va au bout de sa démarche recrutement branché : il est ciblé pour les « gens de la nuit ». Quant au conditionnement des produits, dans ce train fréquenté par beaucoup de groupes, où l’on aime partager, il est proposé en quantités plus importantes, afin de faciliter les grignotages en tous genres. Seules restrictions : les boissons affichent moins de 6° d’alcool. Des « prémix », ces boissons énergisantes, tel le Red Bull… mais pas de vin. Une difficulté à gérer au mieux : la forte différence entre les flux, le sens Paris – province étant plus fréquenté que le sens inverse. « Des écarts énormes, du simple au quintuple », selon un responsable marketing. Et puis, sur iDNIGHT, les coûts en logistique sont aussi plus élevés, en raison des animations proposées : montgolfière sur les quais, DJ dans les rames… Une compensation est donc là, aussi versée par la SNCF. Quoi qu’il en soit, chez Cremonini, on l’affirme : toutes les lignes exploitées le sont de façon rentable.
Pascal GRASSART