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Ewa

Sécurité. Ce qui doit changer

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Entretien avec Jacques Rapoport, PDG de SNCF Réseau.

La SNCF a été profondément meurtrie par l’accident d’Eckwersheim, dans lequel 11 personnes ont trouvé la mort le 14 novembre. Très vite, Guillaume Pepy et Jacques Rapoport, les deux patrons du directoire de SNCF, ont décidé de « remettre de la rigueur partout ». Les cadres de proximité doivent être au maximum libérés des tâches administratives pour se consacrer au terrain. Tout incident de sécurité remarquable fera l’objet d’un rapport immédiat au niveau national. Un directeur général Sécurité a été nommé, commun aux trois Epic. Jacques Rapoport, président de SNCF Réseau, revient pour Ville, Rail & Transports sur les accidents des deux dernières années et sur les mesures arrêtées.

 

Ville Rail & Transports. Peu de temps après le terrible accident d’Eckwersheim, Guillaume Pepy et vous avez annoncé des mesures d’urgence, destinées à remettre de la rigueur partout dans l’entreprise. Dans quel état d’esprit avez-vous pris ces mesures ?
Jacques Rapoport. Nous avons connu trois accidents graves ces trois dernières années, Brétigny, Denguin, Eckwersheim. Ils ont profondément bouleversé la famille cheminote.
Nous ne sommes malheureusement pas les seuls à connaître ces difficultés et nos confrères suisses, qui ont la réputation d’être les meilleurs, ont connu quatre accidents en deux ans.
SNCF a vécu pendant près de 25 ans sans accident majeur, ce dont tout le monde se satisfaisait. Au fil du temps, il a pu y avoir un moindre suivi dans l’application, pas seulement de nos référentiels de sécurité mais aussi dans ce qu’on peut appeler nos bonnes pratiques.
Le drame d’Eckwersheim a fait 11 morts, dont neuf collègues et deux accompagnantes. Dans tous les secteurs de l’entreprise, le bouleversement est considérable. Nous n’oublierons jamais nos collègues disparus dans cet accident.
Depuis nous avons réuni deux comités directeurs animés par Guillaume Pepy et moi-même. Il en ressort qu’il nous faut garantir en tout temps, en tout lieu et en toutes opérations une complète rigueur dans l’application des principes de sécurité.

VR&T. Avec sept personnes en cabine de conduite, n’avait-on pas enfreint
des règles de base ?
J. R. Cela montre qu’il peut y avoir des situations dans lesquelles on se dit : on connaît notre métier. La clef de voûte de la sécurité, c’est l’humilité. Nous pouvions penser totalement maîtriser le système, compte tenu, je l’ai dit, de l’absence d’événement grave pendant plus de 20 ans.

VR&T. Vous voulez instaurer de la rigueur partout. Comment cela se traduit-il dans le management ?
J. R. Nous avons considéré qu’il fallait une sorte d’électrochoc interne. Nous avons déjà lancé et réalisé deux grands plans d’action : Vigirail et Excellence sécurité. Mais, après Eckwersheim, il fallait montrer à toute l’entreprise que nous devons sortir des sentiers battus.
Nous avons traduit cette exigence en trois mesures qui concernent tout l’encadrement. Lequel, sans aucunement être mis en cause, doit percevoir qu’il se passe quelque chose, que demain est différent d’hier.
Cela ne veut pas dire : du caporalisme partout. Ce n’est pas parce qu’on se met au garde à vous que tout va aller pour le mieux. Ce n’est pas non plus de la centralisation partout. Mais il faut, partout, une rigueur qui se fonde sur le respect des bonnes pratiques.

VR&T. La première mesure concerne l’encadrement de proximité…
J. R. La productivité dans les structures – qui est indispensable –, la multiplication des systèmes d’information et des reportings font que les cadres de proximité sont progressivement transformés en opérateurs de tâches technico-administratives. Je ne jette la pierre à personne. J’en suis à ma troisième entreprise publique et je connais un peu les entreprises privées : c’est une tendance générale, ce n’est pas propre à la SNCF. Nous y avons mis un stop et dit : l’encadrement de proximité doit être sur le terrain. Je sais bien que cette décision, déjà prise sans succès par le passé, suscite le scepticisme. À nous d’assurer son effectivité. On y est totalement déterminé.

VR&T. Mais Gilbert Garrel, le secrétaire général de la CGT Cheminots nous dit : l’encadrement sur le terrain, cela avait déjà été annoncé après Brétigny !
J. R. En fait, cela a été annoncé il y a plus longtemps encore, il y a une quinzaine d’années. C’était dans le cadre de 20 ou 30 mesures. Les Dirigeants de proximité sur le terrain était l’une d’entre elles. Mais cette fois, nous ne prenons pas 20 ou 30 mesures, nous n’en prenons que trois. Toute l’entreprise sait qu’il faut que ça change.
Il faut une continuité entre l’entreprise qui décide et l’entreprise qui produit. S’il y a une coupure entre les deux, on peut lancer tous les plans d’actions les plus parfaits, ils n’iront pas jusqu’au bout. Nous ne prenons donc pas une mesure comme une autre. C’est un élément vital, pour que cette logique de rigueur s’impose dans toute l’entreprise. Cela implique que l’encadrement soit avec les opérateurs sur le terrain, que l’encadrement supérieur soit auprès de l’encadrement de proximité, pour l’assister, pas uniquement, ni même principalement, pour le contrôler.
Chaque niveau d’encadrement fait l’objet d’une décision qui traduit un changement effectif pour lui. Ce sont des décisions qui frappent les esprits. La plus importante et la plus difficile, c’est celle-ci, l’encadrement de proximité libéré de toute une série de tâches. Elle rencontre à la fois l’adhésion et le scepticisme des syndicats, et de l’encadrement lui-même. Les cheminots sont tout à fait d’accord… mais sceptiques. Les cheminots se demandent : que vont-ils faire là-haut, pour que ce ne soit pas que du discours ? Nous sommes conscients de ces difficultés, Guillaume Pepy et moi. Il va falloir être au front tous les jours. Nous y sommes déterminés.

VR&T. En deuxième lieu, vous demandez un rapport sur les incidents les plus sérieux. Cela ne va-t-il pas de soi ?
J. R. Cette décision vise à montrer que tout incident de sécurité est grave. Certes, on le sait déjà dans l’entreprise. On ne change donc pas de nature, mais on change d’intensité. Quand il y a un incident de sécurité important, on en rend compte le lendemain matin à un directeur général. Il faut montrer à toute l’entreprise qu’un tel incident doit être traité toutes affaires cessantes.

VR&T. Troisième mesure, cette fois pour les dirigeants…
J. R. Elle est conjoncturelle, mais très importante. Les dirigeants des branches et métiers n’auront en 2016 que des objectifs de sécurité.

VR&T. Vous avez complété vos mesures en annonçant la nomination de Frédéric Delorme au poste de directeur général Sécurité. Pourquoi créer ce poste ?
J. R. C’est la conséquence de ces mesures. Les mesures d’organisation sont subséquentes aux mesures de fond. La réforme ferroviaire est excellente, mais elle peut nécessiter des adaptations bien naturelles. Or à ce jour les responsabilités de sécurité sont encore éclatées. En fonction des règles européennes et nationales, les certificats de sécurité sont donnés pour les deux sociétés filles, Mobilités et Réseau. La société mère, elle, n’a pas de responsabilité en matière de sécurité. Elle n’a qu’une responsabilité en matière de coordination et d’animation.
Dans ce contexte, nous avons trois dirigeants de très haut niveau, Barbara Dalibard pour Mobilités, Claude Solard pour Réseau et Pierre Izard à l’Epic de tête, qui chacun sont en charge de sécurité, mais aucun à temps plein, tant ils exercent par ailleurs des responsabilités essentielles et lourdes.
Pour pallier cela, nous nommons un directeur général, à temps plein sur la sécurité, qui assure la coordination, parce qu’il est présent dans chacun des trois établissements. Nous ne changeons pas les règles juridiques. Quand nous en avons débattu entre nous, Frédéric Delorme s’est imposé, comme l’homme de la situation qui, à la fois, connaît très bien la maison, a des expériences à l’extérieur et a une réputation d’homme d’écoute et de dialogue. Il sera le délégué Sécurité du président de Mobilités, ainsi que celui du président de Réseau et le délégué Sécurité du directoire de l’Epic de tête. Il va aussi bénéficier de la grande expertise d’Yves Ramette, directeur général de SNCF Réseau Île-de-France.

VR&T. Que cela change-t-il pour les trois dirigeants que vous avez cités ?
J. R. Claude Solard – je commence par parler de Réseau que je connais le mieux – a une mission fondatrice : définir et déployer notre politique industrielle. De cela dépend l’accélération du renouvellement du réseau, l’industrialisation des travaux, les relations avec l’industrie, le déploiement des innovations, de l’Internet des objets, du numérique… J’ai besoin d’un directeur général à mes côtés totalement centré sur la politique industrielle.
Pierre Izard se centre sur l’international, sur Systra et sur la prospective technologique. Comment fonctionnera le chemin de fer en 2030, en 2040 ? Nous voyons arriver de grandes ruptures. Le développement de l’automatisation, la disparition progressive des équipements sol, etc. Tout cela fait que demain les trains dialogueront avec des centres de calcul via des liaisons radio. Barbara Dalibard, DG Voyageurs, veille à accélérer le développement des solutions de mobilité partagée pour nos clients, avec le train pour colonne vertébrale. La nomination d’un directeur général Sécurité va permettre à ces trois dirigeants de se centrer sur leur mission propre, spécifique et indispensable à la réussite de SNCF.

VR&T. Ces mesures sont d’ordre général. Sont-elles adaptées à l’accident tout à fait particulier survenu, lors des essais, à Eckwersheim ?
J. R. Deux décisions sur les conditions de réalisation des essais sur ligne à grande vitesse ont immédiatement été prises :
l première mesure : geler les marches d’essais à grande vitesse jusqu’à l’intégration des premiers enseignements des enquêtes dans les processus d’essais ;
l seconde mesure prise : un Comité d’expertise est confié à André Claude Lacoste entouré de plusieurs experts. Il est en charge d’approfondir les conditions d’organisation et les facteurs humains ayant pu concourir aux conditions de l’accident. Il s’attachera notamment à revisiter les procédures et leur application dans le cadre des essais.

VR&T. L’accident d’Eckwersheim est dû à une vitesse excessive. N’est-il pas possible, plutôt que de neutraliser les dispositifs de sécurité pendant les essais, de les paramétrer autrement, à V + 10 % par exemple ?
J. R. Il y a probablement plusieurs solutions possibles pour améliorer le niveau de sécurité des essais. Mais nous devons attendre les recommandations du comité d’experts piloté par André-Claude Lacoste. Un rapport intermédiaire nous sera rendu dans 3 mois et le rapport final est attendu dans 6 mois.

VR&T. Du fait de l’accident d’Eckwersheim, la mise en service de la LVG Est est-elle reportée, comme vous l’avez laissé entendre ?
J. R. Au lendemain de l’accident, j’ai dit qu’il était peu probable de penser qu’on tiendrait les délais. Aujourd’hui nous n’avons pas encore défini les solutions possibles. Nous y verrons clair avant la fin de l’année. Nous pourrons alors établir des scénarios, en discuter avec les financeurs et avec l’EPSF. Nous devrions prendre une décision début janvier. C’est l’objectif que nous nous fixons.
    Propos recueillis par
    François DUMONT

 

 

« Notre budget nous permet de fournir vraiment un très gros effort »

A l’occasion de l’entretien que nous a accordé Jacques Rapoport sur la sécurité après l’accident d’Eckwersheim, le PDG de SNCF Réseau nous a également donné des précisions sur le budget de l’Epic. Il reconnaît que la dette de l’infrastructure continue de croître et que le résultat financier se dégrade. Mais il souligne que les investissements de maintenance et de renouvellement du réseau augmentent nettement.

 

Ville, Rail & Transports. Dans un avis du 30 novembre portant sur le budget 2016 de SNCF Réseau, l'Arafer déclare que, faute de contrat conclu avec l’Etat, elle n'est pas en mesure de vérifier le respect de la trajectoire financière du gestionnaire d'infrastructure. Qu'en est-il ?
Jacques Rapoport. En effet, l'Arafer constate que le contrat de performance n’est pas finalisé. Le régulateur souligne aussi que la situation n'est pas totalement clarifiée sur les péages fret, et que SNCF Réseau a des créances sur l’Etat.
Je le souligne à chaque conseil d'administration de SNCF Réseau : il est difficile de gérer une entreprise d’infrastructures lourdes sans visibilité pluriannuelle. Le processus d’établissement de ce contrat de performance prévu par la loi est en cours. Je souhaite évidemment qu’il puisse aboutir au plus vite, dans l’intérêt du service public.

VR&T. L'Arafer relève aussi l'aggravation du déséquilibre financier.
J. R. Sur le fond du budget 2016, on peut voir le verre à moitié vide ou à moitié plein. L'Arafer voit le verre à moitié vide et c’est bien logique du fait de ses missions. De fait, le résultat financier se dégrade, la perte comptable augmente. La dette étant pour l’essentiel liée au financement des LGV et, comme il y a moins de LGV, on pensait qu'à partir de 2016 il y aurait moins de dette nouvelle… Mais il y en a toujours autant. Pourquoi ? Parce que les investissements ne sont pratiquement pas autofinancés, parce que les créances sur les collectivités publiques augmentent. Tout cela fabrique de la dette. C'est ce que constate l'Arafer et c’est exact.
Mais, en tant que gestionnaire d'infrastructure, je vois aussi le verre à moitié plein. La maintenance courante augmente de 3,6 %. C'est une croissance importante des budgets consacrés à l'entretien, dans le droit fil de ce que nous disons depuis des années et de ce que demande le ministre. Un budget de dépenses courantes qui augmente de près de 4 %, je ne sais pas où cela peut aujourd'hui se trouver dans le secteur public, et ce serait plus difficile encore à trouver dans le privé.
D'autre part, les investissements de renouvellement, avec 2,6 milliards, augmentent en réalité de près de 100 millions d'euros. C'est dû, d’une part, au fait que le programme GSMR touche à sa fin, ce qui nous permet de redéployer près de 120 millions d'euros.
De plus, la réforme ferroviaire, avec la création du gestionnaire d'infrastructure unifié, nous permet d’engager sans délai une performance achat bien meilleure. Nous faisons une économie de près de 150 millions par rapport à nos estimations résultant de la situation antérieure de séparation. Et, comme les budgets ne baissent pas, toute la productivité ainsi mobilisée est réinjectée en production de renouvellement, laquelle est orientée vers la partie la plus circulée du réseau.
Ainsi, avec 3,6 % de croissance de la maintenance courante, et 5 % de croissance de la maintenance patrimoniale (régénération du réseau), nous disposons d'un budget qui nous permet vraiment de fournir un très gros effort pour maintenir et renouveler le réseau existant. C’est évidemment considérable quoiqu’encore insuffisant puisque l’âge moyen du réseau va encore croître, à un rythme certes ralenti, mais croître tout de même. Rappelons qu’en Grande-Bretagne 3,5 millions d’euros annuels sont consacrés au renouvellement et 4 milliards d’euros en Allemagne.
La conséquence de cette indispensable croissance de l’activité, c'est que la situation financière se dégrade. Car nos recettes, elles, sont stables à près de 6,46 milliards d’euros. Les recettes péages n'augmentent quasiment plus. Comment pourraient-elles augmenter ? La situation du fret est difficile, et la marge du TGV baisse. Quant aux recettes des péages TER, eux aussi précédemment en hausse continue, c’est à présent terminé puisque les régions ne peuvent plus augmenter leurs financements. Il en résulte un léger tassement du trafic ferroviaire, qui, combiné avec une très légère hausse des péages, se traduit par une stabilité des recettes. Mais, comme les charges augmentent de plus de 4 % du fait de l’accélération de la maintenance et du renouvellement, il y a mécaniquement une dégradation du résultat.

VR&T. L'Arafer rappelle la promesse de 500 millions de productivité en cinq ans et semble ne pas les voir venir…
J. R. La création du GIU permet effectivement de mobiliser 500 millions de productivité en cinq ans. Nous l'avons dit et je le confirme pleinement. Et cette productivité est engagée sans délai. Dans un premier temps c'est la productivité sur les achats qui est mobilisée, grâce à l'unification des pratiques d'achat et l’allongement de la durée des marchés, comme par exemple l’accord-cadre d’un milliard d’euros pour la fourniture de 750 000 tonnes de rail signé en octobre dernier pour cinq ans assortis de quatre années optionnelles. Les gains sur les dépenses de fonctionnement sont engagés mais sont constatés plus progressivement. Ce qui importe dès aujourd'hui c'est que la productivité réalisée, avec les achats pour commencer, est conservée par l’entreprise pour accélérer maintenance et renouvellement plutôt que de le restituer aux financeurs. C’est là un effort de l’Etat à souligner.
    Propos recueillis par F. D.
 

Ewa

Transdev mise gros sur l’innovation

mas

Pas question de se laisser ringardiser par les start-up. Transdev ayant retrouvé une santé financière (avec +47 % de résultat opérationnel), le groupe veut consacrer ces marges de manœuvre retrouvées à l'innovation Afin d'adapter l'entreprise aux défis futurs, donc de se positionner comme acteur des nouvelles mobilités. « Trois ruptures ont entraîné l’effacement des frontières entre transports collectifs et voiture individuelle, raconte Jean-Marc Janaillac, PDG du groupe. La technologie, surtout le smartphone, qui permet de développer de nouveaux services individualisés et qui laisse des traces permettant de travailler sur du prédictif ; la rupture sociétale – on passe de la possession à la jouissance – ; enfin la croissance des coûts. »
Constat : 25 milliards d'euros sont consacrés par an aux transports publics, dont le tiers est financé par les utilisateurs, alors que l'ensemble des dépenses de transport des ménages, incluant l'achat et l'entretien des véhicules représente 150 milliards. « C'est à ce monde-là qu'il faut désormais s’adresser », prévient d'emblée Jean-Marc Janaillac. Conséquence : au métier historique d’opérateur de transport, vient s'ajouter celui d'intégrateur de services de mobilité, en rupture avec les schémas traditionnels et notamment les monopoles.
« Il faut offrir des services globaux de mobilité, décline Yann Leriche, directeur de la Performance. Au travers de l'observatoire du voyageur numérique, nous avons identifié une tendance que nous nommons, en référence à ce qui s'est passé pour le logiciel, “mobility as a service" ». Ce qui implique d'ouvrir les données, les API données et services afin de permettre à des tiers de les diffuser.
Partant de ces constats, le groupe a identifié quatre champs d'innovation dans lesquels il a investi. Les moyens ? « Environ 70 millions d'euros dans les trois prochaines années et 300 personnes », explicite Nicolas Samsoen, directeur de la Stratégie. Il y a d'abord les fondamentaux du métier, avec des outils comme Toucango – qui détecte les signes d'endormissement du conducteur – et AlterT pour signaler un incident en un clic. Il y a ensuite, l'expérience client, avec Transdev expérience client – service développé avec Colorado, le cabinet conseil spécialisé, partenaire notamment de Nespresso – qui aide les réseaux à se mettre à la place du client ; les nouveaux services, avec Fleetme – offre de covoiturage dynamique montée avec La Roue Verte – ou encore Split, service moderne de taxi collectif lancé fin mai à Washington, qui fonctionne sur un algorithme d’optimisation des trajets. Il y a enfin l’intégration de services et le grand calculateur multimodal Triplinx lancé en mai à Toronto, une déclinaison d'Optimod' Lyon.
A l'appui de sa stratégie, le groupe s'allie avec des start-up, noue des partenariats avec BPI Le Hub, et dispose de cinq pôles d’expertise digitale dans le monde. Il a aussi créé à Paris un incubateur, la Transdev Digital Factory, qui se focalise sur l’innovation de rupture. « La bataille des nouvelles mobilités sera rude, mais nous entendons bien y participer », insiste le PDG.    

C. N.

 

Ewa

« En 2050, on ne veut plus de voiture dans les centres-villes »

Karima DELLI

Entretien avec Karima Delli, eurodéputée Europe Ecologie Les Verts

L’eurodéputéee EELV, coordinatrice de la commission Transports pour le groupe des Verts du Parlement européen vient d’être nommée rapporteure de la mobilité urbaine durable. Une thématique qui lui est chère : c’est là qu’il y a urgence, explique-t-elle. Ville Rail & Transports. Vous venez d’être nommée rapporteure de la mobilité urbaine durable en Europe, en quoi cela consiste-t-il ?

Karima Delli.L’objectif est de susciter une réelle mutation dans les transports durables, c’est LE défi. La mobilité aujourd’hui, ce n’est plus une nécessité, c’est un droit. Cela suppose de changer le cap car nous avons devant nous des échéances climatiques et environnementales qui sont terribles. Depuis le protocole de Kyoto en 1990, l’industrie ou l’agriculture ont réduit leurs émissions de gaz à effet de serre. Il n’y a qu’un secteur dont les émissions de gaz à effet de serre explosent de 30 %, c’est le transport !

Ce rapport doit donner des pistes pour les faire baisser. Il sera voté en juin en commission Transport et en septembre en plénière par le Parlement européen. Il proposera des mesures très concrètes, par exemple une véritable taxation sur le diesel, car je vous rappelle que la France vient d’avoir un nouvel avertissement de la part de la Commission européenne.

 

VR&T. La Commission a menacé la France d’un recours devant la Cour de Justice de l’Union européenne pour dépassement du seuil de pollution aux particules dans dix zones. Vous croyez qu’on va finir par avoir une amende ?

K. D.En théorie, si au bout de deux mois la France ne met pas en œuvre des mesures suffisantes pour lutter contre la pollution, ce sera une éventualité plus que plausible car il s’agit avant tout d’une question de santé publique. Ce qui est sûr, c’est que le rapport est un des outils qui va réellement mettre la pression… Il pose par exemple la question du financement : en 2016, nous devrions avoir l’eurovignette à l’agenda européen. Celle-ci ne concerne pas seulement les poids lourds, mais aussi les véhicules particuliers. Dans le rapport, nous demandons que 50 % de ces recettes soient fléchées pour la mobilité urbaine durable. C’est une nouveauté.

 

VR&T. Ce rapport ne va pas s’imposer aux Etats membres ?

K. D.Si parce que nous sommes dans du législatif et que la Commission a l’ambition d’avancer sur ces questions. La première étape, c’est qu’avant fin 2016, chaque Etat membre devra rendre ce qu’on appelle un plan national de la mobilité urbaine durable. Donc on va commencer à réellement agir. Pas dans le sens où Ségolène Royal le voudrait puisque la reconversion souhaitée ne sera pas uniquement axée vers la voiture électrique. Plus que le tout-électrique, nous défendons la multimodalité avec plus de tramways, plus de transport public et une plus grande place pour le vélo. Cela exigera aussi de ne plus travailler exclusivement sur l’urbain, mais aussi sur le périurbain, qui est le parent pauvre.

 

VR&T. Ces plans nationaux de mobilité, c’est un peu l’esprit des plans de déplacements urbains à l’échelle des agglomérations ?

K. D.Tout à fait. L’objectif très clair, c’est que d’ici 2030, on réduise de moitié le nombre de voitures dans les centres-villes et qu’en 2050 il n’y en ait plus du tout. On a un peu de temps, mais cet objectif est aussi défendu par la Commission européenne. Ce plan d’action national sera de plus réévalué tous les ans. On prône bien sûr la question de l’innovation : les smart cities sont en mouvement, il n’y a pas assez de transport collectif à l’hydrogène, qui est pourtant une innovation. Il faut mettre sur paquet sur la R&D.

Parmi les problèmes majeurs de la mobilité urbaine en Europe, se pose aussi la question de l’accessibilité pour les personnes en situation de handicap et les personnes vulnérables. Rien qu’en France, il y a huit millions de personnes qui n’ont pas accès à la mobilité, que ce soit pour des questions de coût ou de dessertes. Il faut donc créer des alternatives : multiplication des TC, covoiturage, tarification selon les revenus, etc. On souhaite mettre en avant la notion de la pauvreté de la mobilité pour ces huit millions de personnes.

Il y a enfin quantité de villes dans lesquelles on a fermé, il y a quelques années, des lignes ferroviaires qui permettaient des petits trajets dans le périurbain, donc le but, c’est de réinvestir pour rénover l’existant mais aussi de rouvrir ces petites lignes pour y mettre des tram-trains, etc.

 

VR&T. Mais là, on va vous dire qu’on n’a plus d’argent…

K. D.Justement, je suis là pour vous dire que dans le plan Juncker, on a réussi à écrire une ligne sur le développement de la mobilité urbaine. Ça veut dire que les projets de mobilité durable sont éligibles dans le plan Juncker. Reste à voir ce que donnera ce plan car derrière les 315 milliards promis, pour l’instant il n’y en a que 21. Monsieur Juncker considère que cette garantie va être un levier pour les investisseurs privés, afin de lever 315 milliards en trois ans, mais rien ne nous garantit que les investisseurs seront au rendez-vous. Il y a une belle ambition à vouloir engager un plan de relance européen, mais encore aurait-il fallu investir plus d’argent…

 

VR&T. Est-ce que le plan Juncker va permettre de poursuivre la politique de grands corridors européens, de fret et de grande vitesse voyageurs ?

K. D.Dans le plan Juncker, la première étape a été de demander à chaque Etat de porter des projets pour ce fameux plan de relance. Moi je suis un peu fâchée avec la France car parmi les projets de transports, il y a certes le port de Calais ou la rénovation ferroviaire qui vont dans le bon sens, mais il y a aussi le CDG Express, alors qu’il suffirait de rénover le RER B. Un autre problème, c’est le Lyon – Turin. Ce cas précis est révélateur d’une grande incohérence car la France ne l’a pas porté dans le cadre du plan Juncker, mais dans le MIE (Mécanisme d’interconnexion européen), le fonds spécial destiné à financer les infrastructures de transport comme les corridors à hauteur de 40 % du montant de l’investissement. L’Italie, elle, l’a inscrit au plan Juncker… Ce projet est une bêtise monstrueuse sur le plan économique – pas de création d’emplois –, au plan environnemental – on creuse dans la roche amiantée –, et sur le plan démocratique. Je préfère mettre les 26 milliards d’euros du Lyon – Turin dans la mobilité urbaine. Parce que ça crée de l’emploi, ça favorise les nouvelles filières comme l’économie circulaire et c’est là qu’il y a urgence à investir.

 

VR&T. Sur le transport longue distance, la loi Macron va libéraliser l’autocar, cela va dixit, « aider les pauvres à se déplacer », vous êtes d’accord ?

K. D.Je crois que les transports collectifs doivent rester du domaine du service public. Avec la libéralisation, on va « gagner » une concurrence des entreprises qui est autodestructrice, avec une guerre des tarifs. La France a besoin d’une vraie politique des transports avec des objectifs contraignants – ce n’est pas normal qu’on ait juste un secrétariat d’Etat – pour l’instant je ne vois pas quels sont les objectifs. J’aimerais que la France ait un vrai plan de rénovation ferroviaire, qu’elle investisse beaucoup plus sur le fret fluvial, qu’elle mette le paquet sur l’écomobilité. Bref, il faut qu’elle ait du courage politique. On ne peut pas faire tout ça sans fiscalité verte. Ce n’est pas normal que nous soyons le 25e pays européen en terme de fiscalité verte et que nous n’ayons toujours pas de taxe poids lourds. C’est un manque à gagner pour l’ensemble des projets. 122 projets locaux sont à l’arrêt du fait de l’abandon de l’écotaxe. Prenez l’autoroute ferroviaire Atlantique qui relie le Nord-Pas-de-Calais et les Landes et qui devait en partie être financée par l’Europe, la France vient soudainement d’y renoncer sans raison objective… Sur le volet climatique, c’est une catastrophe. Je ne comprends pas non plus qu’on n’ait toujours pas de taxe kérosène… La France devrait avoir le courage de porter ce débat-là à l’Europe, mais il semble qu’elle refuse de se poser les vraies questions. Et notamment celle de la fiscalité écologique.

 

VR&T. Parce que dès qu’il est question de fiscalité verte, on la taxe d’écologie punitive. C’est aussi pour ça qu’on n’arrive pas à sortir du diesel, non ?

K. D.La punition, réellement, c’est Ségolène Royal qui nous la donne ! En continuant à mettre en place des dispositifs qui accentuent la pollution, au péril de la santé des citoyens qui sont des otages puisqu’on ne leur propose rien à côté. Quand on instaure un chèque vert pour reprendre les voitures diesel aux personnes les plus vulnérables, qui achètent alors un véhicule propre, où est la punition ? La France reçoit le sommet mondial sur le climat en décembre 2015. A ce titre, elle devrait être exemplaire. L’automobile est un secteur en pleine mutation : on voit se développer une économie du partage, de nouvelles formes comme le covoiturage, etc. C’est sur ce modèle qu’il faut se réorienter et les constructeurs auto doivent jouer le jeu.

 

VR&T. Quand on parle véhicule propre, on a tendance à se focaliser sur le tout-électrique, comme étant la solution économique et environnementale. Etes-vous d’accord avec cette vision ?

K. D.Non pour la bonne raison qu’elle marche à l’uranium, plus de 70 % de l'électricité française provient du nucléaire. On ne peut pas croire qu'une voiture électrique peut être propre si l'électricité produite ne l'est pas. Et l’uranium vient du Niger, il faut aller le chercher loin et ça va être une denrée rare. Il faut arrêter de focaliser notre énergie sur la voiture électrique. Il y a également une contradiction à s’engager sur une réduction de la part d’électricité d’origine nucléaire de 75 à 50 % et à investir sur la voiture électrique qui augmentera de manière drastique notre consommation électrique. Il faut aussi penser en termes d’efficacité énergétique.

 

VR&T. Et si l’électricité était majoritairement verte – solaire, éolien –, la voiture électrique serait propre à vos yeux ?

K. D.Oui, ça existe déjà dans d’autres pays. Mais il faut aussi investir massivement dans la recherche et l’innovation et voir également  que les villes exemplaires ne sont pas conçues autour de la voiture, électrique ou pas, mais qu’elles ont investi massivement dans la mobilité douce, les TC, les pistes cyclables, etc., comme Strasbourg ou Nantes. La voiture représente 10 m2 d'espace public, elle a donc un impact sur notre espace commun. Après il faut aller chez les Danois, voir les autoroutes à vélos !

 

VR&T. La semaine dernière, Jean-Jack Queyranne a affirmé que le Lyon – Turin était devenu irréversible, pensez-vous que ce soit le cas sachant qu’un milliard d’euros y a déjà été englouti ?

K. D.A-t-on les moyens de faire le Lyon – Turin ? C’est la vraie question. Il suffirait d’utiliser l’alternative, c’est-à-dire de rénover la ligne du Mont-Cenis et du tunnel du Fréjus pour obtenir le report du fret. La deuxième chose, c’est le montant : 26 milliards ! Et le risque environnemental : on va artificialiser 1 500 hectares de terre par des infrastructures, des entrepôts. Pour preuve le mouvement citoyen en Italie, No Tav, qui dit « laissez nos villages ». Quand on perce de la roche amiantée, on impacte l’eau, la biodiversité. La France a déposé son projet à la commission, le 26 février, pour expliquer comment elle finançait ses 60 % et impossible d’avoir accès au dossier. Pourtant ce n’est pas faute de l’avoir demandé plusieurs fois au ministre aux Affaires européennes et à M. Queyranne. Par ailleurs les 40 % apportés par l’Europe ne concernent que le tunnel de base, évalué maintenant à quelque 12 milliards d’euros. De plus, avec Michèle Rivasi, nous avons saisi l’Office européen de lutte antifraude (Olaf). Car dans le dossier du Lyon – Turin, il y a des surcoûts inexpliqués, des liens avec la mafia italienne, des conflits d’intérêts de personnes et des questions d’entrave à la concurrence. Donc je dis un, l’Olaf va rendre ses conclusions fin juin-début juillet, attendons-les pour remettre à plat toutes les problématiques. Deux, on ne peut pas faire des projets contre les citoyens. Trois, réfléchissons ensemble aux alternatives.

 

VR&T. En matière de financement, faut-il promouvoir d’autres modes après que les PPP, présentés un peu comme une recette miracle, montrent leur limite sur Perpignan – Figueras comme sur Sud Europe Atlantique ?

K. D.Moi j’aimerais qu’on expérimente les fonds régionaux d’investissements. On n’utilise pas assez le Feder – or, 20 % du Feder, c’est pour l’efficacité énergétique – ni les possibilités de lier ces fonds avec la Caisse des dépôts par exemple. Dans le cadre d’un plan d’investissement régional, on créerait des leviers de financements, on aurait les diagnostics territoriaux. Parce que dans le cadre du plan Juncker, la France a déposé 42 projets et dans certains cas, aucun élu local n’est au courant ! Le but serait de recréer de l’ingénierie financière en accompagnant les porteurs de projets.

 

VR&T. Quelle devrait être la position de l’UE en matière de stratégie industrielle ? Que pensez-vous de la proposition de créer un « airbus du rail » alliant Alstom et Siemens pour faire le poids notamment face aux Chinois et aux Coréens ?

K. D.Mais ça existe déjà, ça s’appelle Shift2Rail. Cette entreprise commune regroupe tous les constructeurs européens dans le but d’élaborer un plan directeur stratégique pour le train du futur, la nouvelle signalisation, etc., et de garantir à l’industrie européenne de conserver une position stratégique au plan mondial. Maintenant il faut que la France porte ce projet…

 

VR&T. La réforme ferroviaire sera-t-elle eurocompatible avec le quatrième paquet ferroviaire ?

K. D.C’est un peu tôt pour le dire. On n’a pas encore fini le paquet technique prévu en juin. Pour les questions politiques, notamment celle du service public, il faut attendre septembre ou octobre. La commission aimerait que ce soit réglé fin 2015.

 

VR&T. L’américain Uber s’installe un peu partout en Europe provoquant un tollé plus ou moins généralisé et des plaintes auprès de la Commission. L’UE va-t-elle s’emparer de la question ?

K. D.Il faut bien différencier Uber et UberPop : en Europe, c’est surtout UberPop qui pose un vrai problème en particulier de protection sociale. C’est un sujet devenu important, au point qu’on a prévu un débat de la commission Transport en mai ou juin dans l’hémicycle. Il faut recadrer tout ça en sachant que ces nouveaux services répondent à une vraie demande.

 

VR&T. Quel dossier aurez-vous particulièrement à cœur de défendre dans les prochains mois ?

K. D.Peut-être celui que j’ai « inventé » : j’ai lancé l’idée d’un paquet « Climat-Transports » et le commissaire européen à l’Action pour le climat a compris que c’est un enjeu. J’étais inquiète de voir les transports relégués quand on parlait de climat. Nous sommes en train de l’écrire, il y a du travail…

Propos recueillis

par Cécile NANGERONI

Ewa

« Une révolution est en cours dans les transports »

Guillaume Pepy

Pour Guillaume Pepy, désormais président du directoire de SNCF, les nouveaux usages de l’automobile, le développement du low cost aérien et celui du bus forcent à repenser les modèles. Le train doit absolument baisser ses coûts pour rester dans le marché. Et le groupe SNCF, reconfiguré à la suite de la réforme ferroviaire, officiellement créé
le 1er janvier 2015, a l’ambition de devenir la référence mondiale des mobilités.

Ville, Rail & Transports. La nouvelle SNCF naît officiellement le 1er janvier 2015. Elle sera totalement opérationnelle en juillet. Que reste-t-il à faire d’ici là ?

Guillaume Pepy. La bonne nouvelle, c’est la naissance du nouveau groupe le 1er janvier 2015. Je crois que l’on peut en tirer un sentiment de fierté collective. Et affirmer que, au-delà de la loi du 4 août 2014, cela a été possible grâce aux efforts et à l’engagement de tous les cheminots.

Cela fait deux ans que la réforme est en marche. Les débats en interne ont été et sont nombreux car nous vivons un moment historique.

Je relève aussi que la loi nous appelle maintenant SNCF et non plus Société nationale des chemins de fer. C’est un beau nom, qui claque bien, pour un grand champion industriel français, à l’image des EDF, Areva, Thales…

SNCF, c’est un groupe ferroviaire, mais pas seulement car il couvre toutes les mobilités. Et c’est un groupe français qui a l’ambition d’être la référence mondiale des mobilités. Le ferroviaire et la France sont nos racines et nous ne l’oublions pas. Mais l’arbre et le feuillage montent au-delà.

Depuis le vote de la loi, nous étions dans une phase de préfiguration de la nouvelle SNCF. Début janvier, nous entrerons dans une phase de mise en œuvre et après le 1er juillet 2015 nous serons en vitesse de croisière. Que reste-t-il à faire d’ici au 1er juillet ? Il faut mettre en place les nouveaux systèmes de gestion du personnel et de comptabilité, puisque 160 000 cheminots seront affectés aux trois Epic au 1er juillet 2015.

Surtout, nous créons un opérateur de réseau qui va compter 50 000 personnes, et un opérateur de mobilité qui en comptera 200 000. C’est une énorme opération. Peu d’entreprises connaissent une telle transformation en si peu de temps. Qu’il y ait actuellement une période d’ajustement, des débats, c’est normal.

 

VR&T. 10 000 personnes environ pour l’Etablissement public de tête. Certes, il y a les effectifs de la Surveillance générale, mais n’est-ce pas énorme ?

G. P. Il y aura 480 personnes pour les fonctions de pilotage économique, financier et social au sein de l’Epic SNCF. C’est le format normal d’une holding. Des centres de compétences auront une mission d’appui au pilotage. Cela représente 1 000 agents. Les centres de services, comme la paie, la comptabilité, les achats, les systèmes d’information compteront 2 600 personnes. La Suge quant à elle, regroupe 3 000 personnes, et il y a 2 000 agents médico-sociaux (médecins, infirmières, agents familles…).

 

VR&T. La SNCF a adressé aux cheminots un shéma de la nouvelle organisation industrielle du groupe en cinq branches, où Réseau n’a l’air d’être qu’une composante parmi d’autres du groupe. Ne tordez-vous pas la loi ?

G. P. Il s’agit d’une décision d’organisation interne qui ne contrevient à aucune des dispositions de la loi et ne remet absolument pas en cause l’indépendance du gestionnaire d’infrastructure. Cette indépendance est d’ailleurs garantie par les règles européennes, la loi, les institutions, le CA de SNCF Réseau et par le régulateur.

L’organisation en cinq activités industrielles et commerciales correspond parfaitement à la diversité des métiers du groupe.

Jacques Rapoport est à la fois président de SNCF réseau et président délégué du directoire de SNCF, Epic de tête. Il exerce l’ensemble des responsabilités prévues par la loi sans aucune ambiguïté notamment la responsabilité de la communication de cet Epic.

 

VR&T. On parlait d’un élu pour présider le comité de surveillance de l’Epic de tête SNCF. Ce sera finalement un industriel avec la nomination de Frédéric Saint-Geours, alors que les présidents de région réclamaient plus de pouvoirs dans la gouvernance. Est-ce conforme à ce que vous souhaitiez ?

G. P. Le gouvernement a choisi le profil d’un homme d’entreprise, très expérimenté, un industriel. Lorsqu’en décembre dernier, Jacques Rapoport et moi avons pour la première fois rencontré Frédéric Saint-Geours, nous avons « calé » nos rôles respectifs. Frédéric Saint-Geours a passé 20 ans chez Peugeot. Il a été membre du directoire et cohabitait avec un président du conseil de surveillance. Il est au conseil de surveillance et aura à ses côtés un président et un président délégué du directoire. C’est donc un fonctionnement qu’il connaît bien.

 

VR&T. Pensez-vous qu’il comprendra mieux les grands choix de SNCF qui s’affirme de plus en plus comme groupe multimodal, modifie son « mix » modal en s’ouvrant de plus en plus au bus, au car, au covoiturage. N’est-ce pas au détriment de son ancien cœur de métier ?

G. P. Les attentes de mobilités en France et dans le monde sont très fortes. Les clients sont tout aussi exigeants à notre égard. Plus que jamais SNCF doit être proche des Français, et le service public rendu doit atteindre un haut niveau de qualité, au moindre coût. Chaque jour nous transportons 10 millions de voyageurs dans le monde. En 2020, ils seront 15 millions. Et pour 90 % de ces voyageurs, ce sont des déplacements du quotidien. Il s’agit donc de rendre le service public moins cher à la fois pour les clients et les collectivités.

En même temps, nous développons des offres porte-à-porte. Le digital est un atout indispensable pour créer de nouveaux services personnalisés. C’est ce qu’attendent les clients : mon voyage à moi et des conseils en temps réel. C’est l’une des missions de Barbara Dalibard à la tête des activités voyageurs et d’Yves Tyrode, récemment nommé CDO (chief digital officer). Par exemple, le lancement de l’application unifiée en début d’année permettra au client d’avoir tous les trains dans une même application.

Autre priorité, notre groupe doit être un champion à l’international, aux côtés de la Deutsche Bahn. La France des transports est déjà l’un des trois pays qui comptent sur les marchés internationaux. Nous avons aussi la chance d’être acteur d’un marché en pleine croissance. Et cette croissance, les Français et les Allemands peuvent la préempter. C’est la clé de l’emploi et de la technologie.

La SNCF aujourd’hui s’exporte à 25 % de son activité. L’objectif est de passer au tiers en 2017, puis à 50 % sur le long terme, dont 25 % en Europe et 25 % dans le reste du monde. Nous représentons l’un des trois pays qui comptent dans l’exportation des transports.

 

VR&T. Comment ferez-vous pour baisser les prix ? Dans quelle mesure allez-vous vous inspirer de Ouigo pour baisser vos coûts de production et répondre ainsi à la demande des voyageurs ?

G. P. Une révolution est en cours dans les transports. C’est à la fois une révolution du haut-débit et une révolution des usages. Il faut trouver des solutions pour faire passer plus de trains et transporter plus de voyageurs. Ouigo, c’est près 30 % de coûts de production en moins. Ce qui permet des offres à partir de 5 euros pour les enfants. Et c’est 91 % de clients satisfaits ! Nous allons d’ailleurs étendre Ouigo à partir de 2016 sur Nantes et plus tard sur Bordeaux et Strasbourg.

Nous allons développer également le service Intercités 100 % Eco sur Paris – Bordeaux et Paris – Strasbourg avec des tarifs très attractifs.

Pour réduire nos coûts, il y a plusieurs leviers dont la productivité du matériel et l’organisation du travail. Avec Rachel Picard, la patronne de SNCF Voyages, nous avons défini un objectif : diminuer nos coûts de 13 % sur les trois prochaines années. Ce qui passera notamment par de nouveaux roulements des rames. C’est ce qu’on est en train de faire dans le cadre de nos plans de performance.

 

VR&T. Où en sont ces plans de performance ?

G. P. Nous en avons lancé trois, sur les frais de structure, la performance industrielle et la performance commerciale. En 2015, sur les frais de structure, nous aurons réalisé 465 millions d’économies. Il nous restera 235 millions d’euros à réaliser en 2016 pour arriver à l’objectif de 700 millions. Notre plan industriel prévoit 1 300 millions d’euros d’économies d’ici 2020. Et le plan de performances commerciales, 300 millions d’euros. Tout cela pour parvenir à réaliser un meilleur service moins cher.

J’ai l’obsession de la compétitivité. Si l’on veut que le train reste dans le marché, il faut réduire les coûts pour abaisser les prix. Sans cette révolution des prix, le train pourrait perdre des parts de marché.

 

VR&T. Le monde industriel du ferroviaire est inquiet. Il dépend en grande partie, pour le maintien des sites nationaux, des commandes de la SNCF. Or les industriels et leur fédération regrettent un changement de cap dans la stratégie de la SNCF : la commande du siècle annoncée il y a des années pour le renouvellement des TGV s’est réduite comme peau de chagrin, les options de TER ne sont pas prêtes à être levées. Quelle visibilité la SNCF peut-elle donner aux industriels et à toute la filière ?

G. P. Il y a eu un renouvellement historique du matériel ferroviaire en France depuis environ dix ans. Les régions ont dépensé 8 milliards d’euros. Fin 2016, presque 90 % du matériel sera neuf ou rénové. De son côté, la SNCF a fait un gros effort pour le fret puisque toutes les locomotives sont neuves. Restent, en Ile-de-France, le marché du RER E, évalué à 1 milliard d’euros et pour le territoire national les trains Intercités qui doivent être renouvelés à un coût estimé entre 1 et 2 milliards d’euros. Sans parler du TGV pour lequel nous avons et continuerons à avoir 11 livraisons par an.

On sait aussi qu’en faisant des efforts de productivité, nous utiliserons mieux le matériel. Et c’est tant mieux pour les clients et les régions.

Il reste l’exportation : est-ce que les industriels n’auraient pas intérêt à avoir des matériels moins haut de gamme et moins sophistiqués ? C’est une question qu’il faut poser aux constructeurs.

 

VR&T. Quel message souhaitez-vous faire passer à la commission sur l’avenir des TET, présidée par Philippe Duron, qui a été lancée par le gouvernement ?

G. P. Nous croyons aux trains d’équilibre des territoires. Cependant, il faut clarifier les missions d’Intercités, trains rapides desservant les principales agglomérations sur les lignes classiques par rapport aux missions des TER.

Et quand il n’y a pas suffisamment de trafics, il faut envisager d’utiliser un bus. C’est le cas sur Bordeaux – Lyon par exemple : il y a tellement de travaux sur cette liaison ferroviaire qu’à certaines heures, l’hypothèse d’un recours au bus doit être envisagée.

Il y a dix ans, on disait que le train l’emporterait car on pensait que la voiture, c’était fini, et que l’avion était trop cher. Aujourd’hui, le train est confronté à de nouvelles formes de concurrence. La voiture s’est transformée non seulement technologiquement mais aussi et surtout dans ses usages : covoiturage, autopartage, libre service… Il faut aussi compter avec les bus et enfin avec les low cost aériens qui ont accaparé 50 % du marché aérien en France. Cette révolution n’était pas prévisible il y a seulement trois ans. Elle va faire baisser les prix.

Nous disposons de trois atouts : les Français aiment le train, la SNCF a la capacité d’adaptation et elle a anticipé tous ces mouvements. Nous sommes dans toutes les mobilités.

 

VR&T. Plusieurs scénarios sur l’avenir du TGV sont étudiés par la SNCF. Le récent rapport de la Cour des comptes met en cause la pertinence du modèle actuel. Où en êtes-vous sur cette réflexion ?

G. P. Deux idées sont désormais acquises. Première idée : c’est la fin du tout TGV. Le développement du TGV ne peut plus se faire au détriment de la modernisation du réseau existant.

Deuxième idée, c’est la fin du TGV à tout faire. Nous avons élaboré des scénarios pour démontrer l’absurdité de certaines situations : il est absurde d’utiliser un TGV pour faire du transport régional. Une rame TGV coûte 30 millions d’euros alors qu’un TER coûte entre 6 et 11 millions d’euros.

Il faut trouver la meilleure articulation possible entre les différents modes de transport. La nouvelle commission Duron s’intéresse à ces questions puisque son champ d’intervention ne couvre pas seulement les TET mais l’ensemble des dessertes, des TGV et des TER… avec entre autres, l’objectif de clarifier les missions.

 

VR&T. Où en est Fret SNCF ?

G. P. Il y a cinq ans, c’était une activité moribonde, avec une très mauvaise image. Fret SNCF perdait près de 400 millions d’euros pour un chiffre d’affaires de 1,3 milliard d’euros.

Le travail réalisé par Sylvie Charles, sans faire de bruit, est remarquable. Le taux de satisfaction des chargeurs a augmenté de plus de 20 points, passant de 60 à 81 points et les pertes opérationnelles ont été divisées par trois. Nous devrions enregistrer une perte inférieure à 120 millions d’euros cette année et nous tablons sur moins de 100 millions dans nos perspectives 2015.

Parallèlement, la chute de l’activité est stoppée. Dès 2015, les volumes devraient augmenter de plus de 2,5 %. Fret SNCF regagne des marchés, notamment face à EuroCargoRail.

Cela s’est fait au prix d’une remise à plat total de l’organisation du travail. Les effectifs ont été réduits de 35 % et le matériel utilisé de 40 % et nous nous sommes recentrés sur les zones de pertinence du fret ferroviaire, c’est-à-dire l’offre européenne sur les longs parcours et les autoroutes ferroviaires. Tout cela avec une forte adhésion du personnel. Les résultats sont là.

 

VR&T. Quelle est la position de SNCF dans le cadre des négociations sur un cadre social harmonisé ? Quelles sont vos marges de manœuvre ?

G. P. La loi a fixé un objectif : un nouveau cadre social doit être élaboré en juillet 2016. Si nous n’y parvenons pas, le Parlement pourrait légiférer. D’ici cette date, trois textes seront élaborés : un décret ; une convention collective – il y en a plus de 600 en France – et enfin un accord d’entreprise marquant les spécificités de la SNCF. Nous avons décidé que nous discuterions parallèlement la convention collective et l’accord d’entreprise, et non pas des textes les uns à la suite des autres.

A SNCF, nous avons lancé une démarche d’écoute et de dialogue avec les salariés sur cette question : elle démarre début 2015. C’est une démarche à l’intérieur de l’entreprise pour que les attentes, les craintes et les propositions des salariés puissent être débattues. Je vais faire un tour de France des régions pour lancer cette démarche.

Propos recueillis par François DUMONT et Marie-Hélène POINGT

Ewa

Le plus long chemin de fer au monde relie la Chine à l’Espagne

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Le 18 novembre, la Chine a lancé un train de marchandises composé de 82 wagons sur la plus longue distance au monde…  Le train, nommé "Yixinou", a quitté Yiwu, 300 km au sud de Shanghai, et traversera pas moins de 6 pays : le Kazakhstan, la Russie, la Biélorussie, la Pologne, l'Allemagne et la France avant d'arriver à Madrid, en Espagne en décembre. Le train de marchandises Yiwu-Madrid effectuera un périple de 13000 km en 21 jours, avec pas moins de 3 changements d'écartement.

La nouvelle route de marchandises est rendue possible grâce à Trans Eurasia Logistics, une joint-venture entre les opérateurs ferroviaires publics en Allemagne et en Russie.

La distance totale parcourue par le rail est 5 fois supérieure à la route du célèbre Orient-Express.

Les autorités  chinoises ont pour ambition de relier Yiwu, le plus grand marché de gros dans le monde à l'Europe par le rail.

La ligne de chemin de fer Yiwu-Madrid sera ouverte en janvier.

Ewa

Caen : un tramway fer pour remplacer le TVR

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Le 5 novembre, les élus de Caen ont présenté le nouveau projet de transport en commun en site propre et ont décidé le remplacement du TVR, l'actuel tramway sur pneus, par un tramway fer pour 2019… Le TVR, jugé peu fiable et trop coûteux à entretenir sera remplacé par un tramway fer. Le nouveau tramway circulera sur l'actuel tracé de la ligne 1. Le projet prévoit le prolongement de la ligne vers Fleury-sur-Orne où un SMR ( site de maintenance et remisage) sera construit et la création d'une ligne Presqu'île pour desservir les nouveaux équipements publics. 

Au total, la ligne s'étendra sur 17,1 km et disposera de 37 stations dont 4 seront communes aux deux lignes. Dès 2019, 24 rames de 32 mètres seront mises en circulation et offriront 210 places au lieu de 128 pour le TVR. Les travaux devraient débuter à l'automne 2017, les essais sont prévus au printemps 2019 et la mise en service en septembre de la même année. Le coût est estimé à 229,8 millions d'euros.

Ewa

La Deutsche Bahn affectée par la météo et le contexte économique en 2013

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La compagnie ferroviaire publique allemande Deutsche Bahn a fait état le 27 mars de performances financières dégradées pour l'année 2013, en raison entre autres des dégâts causés par plusieurs événements climatiques et ce en dépit d'un nouveau record de passagers. Le patron de Deutsche Bahn, Rüdiger Grube, estime que le bilan 2013 diffère des exercices précédents, marqués par la cherté de l'essence qui avait poussé nombre de voyageurs à délaisser la voiture pour le train alors que tous les indicateurs financiers étaient à la hausse.
L'exercice 2013 s'est soldé, lui, par un bénéfice net divisé par plus de deux, à 649 millions d'euros, contre 1,5 milliard l'année précédente. Le chiffre d'affaires est resté quasiment stable à 39,1 milliards d'euros, tandis que le résultat opérationnel Ebit ajusté a reculé de 17,4 % à 2,2 milliards d'euros.
« La météo a été pour nous une vraie douche froide en 2013 », a souligné le patron de la Deutsche Bahn. Les violentes inondations dans une partie du pays au début de l'été et plusieurs épisodes de tempêtes ont coûté 200 millions d'euros à la compagnie. Elle évalue aussi à 110 millions d'euros le coût de la mauvaise conjoncture économique européenne et mondiale, à laquelle son activité de logistique et de fret est particulièrement sensible. Le transport de marchandises a fléchi de 1,5 % à 104,3 milliards de tonnes-kilomètre.
En revanche, au chapitre des bonnes nouvelles, la DB a attiré un nombre record de passagers : 2,02 milliards de personnes (+42 millions de voyageurs par rapport à 2012).
La compagnie ferroviaire estime profiter de nouvelles tendances générales sur la mobilité des personnes, qui montrent des ventes de voitures laborieuses et une désaffection pour les vols domestiques. Cette année, Deutsche Bahn espère renouer avec une hausse de son chiffre d'affaires, à environ 41 milliards d'euros, aidée entre autres par une amélioration de la conjoncture économique.