Malgré la crise, Systra a réussi à finir l’année dernière avec un résultat positif, autour de 500 000 euros. Dans une interview accordée à VRT, Didier Traube, le directeur général adjoint de Systra SA, explique que la société française d’ingénierie est en train de modifier sa structure juridique, en particulier en France pour créer une filiale qui s’appellera Systra France et qui concernera toutes les activités sur le territoire français. Il en deviendra le président.
Ville, Rail & Transports. Quel bilan tirez-vous de 2020 ?
Didier Traube. Malgré la crise sanitaire, 2020 a été une année de croissance pour Systra. Notre activité a augmenté de 8 % pour le groupe et de 6 % en France. Notre chiffre d’affaires s’élève à 670 millions d’euros (196 millions pour la France). En termes de résultat net, nous sommes tout juste positifs, autour de 0,50 M€.
En termes d’impact, la crise a représenté, pour le Groupe, une baisse de CA de 50 millions d’euros par rapport à son budget (et de 10 à 11 millions d’euros pour la France). Cela s’explique par une spécificité française : durant le premier confinement, les chantiers ont été totalement arrêtés, ce qui n’a pas été le cas ailleurs. Cela nous a particulièrement touchés puisque nous supervisons de nombreux chantiers en France.
Nous avons toutefois continué à prendre des commandes, de l’ordre de 730 millions pour le Groupe, ce qui nous procure une charge d’activité sur un an et demi.
VRT. Comment se répartit votre activité entre la France et l’international ?
D. T. En France, l’activité représente le tiers du chiffre d’affaires total, les 2/3 étant réalisés à l’international. Mais la France participe aussi à l’activité internationale avec 350 000 heures de production réalisées pour l’exportation.
VRT. Quelles sont les perspectives pour cette année ?
D. T. Nous prévoyons une hausse de l’activité de 5 % pour le groupe, autour de 700 millions d’euros. En France, nous nous attendons à une augmentation de 7 %.
Je ne crois pas à un monde d’après qui serait différent du monde d’avant. On observe une attente du retour au monde d’avant quand on sortira de la pandémie. Les infrastructures de transport retrouveront des seuils d’utilisation proches du passé même si les impératifs environnementaux s’exprimeront plus fortement et pourraient s’accélérer. On le ressent déjà dans les discours : tout le monde parle d’un urbanisme plus durable, d’économie circulaire…
VRT. Par quoi l’activité va-t-elle être plus précisément portée en France ?
D. T. Un effet de rattrapage devrait se produire car des décisions n’ont pas pu être prises l’année dernière, non seulement en raison de la crise Covid mais aussi avec le report des élections municipales en juin 2020, ce qui a retardé d’autant la mise en place de l’exécutif et donc des décisions.
De plus, de grands projets structurants sont en cours : nous sommes concernés par tous les projets de métro dans les grandes métropoles, notamment à Marseille, à Toulouse ou à Paris avec les prolongements de métro et le Grand Paris Express (la SGP est un de nos grands clients). Citons aussi les projets ambitieux de la métropole de Lyon qui prévoit un budget transport de plus de 2,5 milliards d’euros.
Nous sommes également engagés sur les chantiers de remise à niveau du réseau ferré, sur Eole, sur la ligne nouvelle Provence Côte d’Azur, ou sur l’ERTMS entre Paris et Lyon. Plus globalement, les projets d’amélioration des trains du quotidien et le renouvellement par la SNCF de l’ensemble de ses contrats-cadres sont pour nous des enjeux majeurs. Je rappelle que le ferroviaire représente 30 % de notre activité.
Nous sommes aussi partie prenante dans de nombreux projets de tramways dans des villes, comme à Lille, à Nice, à Tours ou à Brest… Le marché est particulièrement dynamique.
VRT. Et à l’international ?
D. T. Nous sommes très impliqués sur la grande vitesse en Grande-Bretagne et en Suède, sur l’ensemble des projets urbains en Inde ou sur le marché très porteur du Canada. Beaucoup de régions nous offrent de fortes perspectives de développement.
VRT. Quelle est votre stratégie pour les prochaines années ?
D. T. Depuis les deux dernières années, notre stratégie a consisté à nous renforcer dans les pays où nous avons une présence pérenne. Nous pensons en effet que l’ingénierie est une activité de proximité. Pour pérenniser notre présence, nous devons avoir une base locale forte et connecter entre eux nos centres pour tirer profit du meilleur. Nous conservons cette stratégie de croissance.
VRT. Votre taille n’est-elle pas un handicap face à certains de vos concurrents ?
D. T. Nous n’avons peut-être pas la taille de certains géants mondiaux en termes de chiffre d’affaires, mais ces derniers sont pluridisciplinaires. Ce n’est pas le cas de Systra qui a une spécificité dans la mobilité et les transports et qui est fort dans son domaine.
VRT. Allez-vous poursuivre vos acquisitions ?
D. T. Ces dernières années, nous avons mené une forte stratégie d’acquisitions qui a abouti au Systra d’aujourd’hui. Ces acquisitions ont notamment été réalisées en Inde, dans les pays nordiques, au Brésil et, pour la dernière en date, fin 2019, au Royaume-Uni.
Ces acquisitions se sont faites sur notre cœur de métier. Aujourd’hui, on pourrait imaginer des acquisitions dans des entités très centrées autour de la mobilité et de l’aménagement du territoire. D’ailleurs, en 2019, nous avons acheté en France, C&S Conseils, une société reconnue en matière de concertation dans les domaines de l’aménagement, de l’énergie et de l’environnement, qui entre totalement dans cette stratégie. Nous voulons devenir un acteur de l’aménagement du territoire. Nous sommes déjà présents sur ce créneau puisque 200 personnes travaillent dans la division conseil et aménagement chez Systra. Mais nous souhaitons renforcer nos compétences dans ce domaine. Aujourd’hui, nous regardons les opportunités en France et à l’international.
VRT. Quel soutien vous apporte vos actionnaires, la RATP et la SNCF ?
D. T. Entre 2011 et 2019, la croissance de Systra s’est faite en autofinancement, mais elle a atteint ses limites. Nos actionnaires ont alors procédé à une augmentation de capital de 70 millions d’euros, le portant de 27 millions à 33 millions d’euros. Ces deux actionnaires détiennent désormais chacun 43,4 % de parts. Il y a toujours eu un soutien plein et entier de la part de nos actionnaires, ce qui a permis de consolider notre bilan. Nous sommes également très bien accompagnés par notre pool bancaire.
VRT. Vous êtes en train de créer une nouvelle filiale en France…
D. T. Systra est en train de modifier sa structure juridique, en particulier en France pour créer une filiale qui s’appellera Systra France et qui concernera toutes les activités sur le territoire français. Systra sépare donc la fonction siège et la fonction opérationnelle en créant cette filiale. C’est un des aboutissements du mouvement de relocalisation puisque nous avons une quinzaine de pays clés intégrés par filiale. En France, ce n’était pas le cas et la France était confondue avec Systra SA, qui emploie actuellement 2150 personnes. La nouvelle filiale Systra France est envisagée pour la fin mai-début juin. Elle emploiera alors 1 800 personnes.
Pour poursuivre notre croissance, nous continuerons à embaucher : 100 personnes ont été recrutées en 2020, ce devrait être sensiblement pareil cette année.
VRT. Vous serez le président de Systra France?
D. T. Oui. Et Pierre Verzat reste le président du groupe.
Propos recueillis par Marie-Hélène Poingt