Comment convaincre les voyageurs de remonter à bord des TER dont le trafic est toujours en chute de 20 % par rapport à l’année dernière ? Pour le moment, aucune région ne s’est engagée dans une politique de réduction de l’offre, affirme Frank Lacroix, le directeur des TER, également DG Territoires à la SNCF. Beaucoup d’entre elles misent sur des promotions et des petits prix, mais cela ne permet toujours pas de redresser la barre, sauf en Occitanie qui affiche sur le mois d’août une belle croissance de 10 %.
Côté SNCF, où l’impact financier de la crise sanitaire pour les TER est estimé à 300 millions d’euros cette année, on reste sur une perspective de développement. « Nous n’avons pas besoin d’investir dans de nouvelles rames puisque nos TER sont occupés en moyenne à 25 %. Notre objectif est de faire venir plus de monde à bord. Avant la crise (une période que nous mettons entre parenthèses), nous étions dans une logique de conquête. Nous avons pris la décision de l’accélérer », affirme Frank Lacroix.
Selon lui, il faut convaincre les voyageurs soucieux d’être vertueux pour l’environnement de choisir le train pour se déplacer. Pour cela, il mise sur l’innovation dans tous les domaines et sur le sur-mesure en fonction des territoires et de leurs besoins. L’écologie doit aussi devenir un moteur de la croissance. Le dirigeant se donne un objectif : réduire les émissions annuelles de l’activité TER de 100 000 tonnes d’ici à 2025, alors que chaque jour, plus de 8 200 TER circulent en France.
Ecoconduite et écostationnement
Plusieurs actions vont être mises en œuvre dans ce but, comme la formation à l’écoconduite : tous les conducteurs, qui sont dotés d’une tablette, vont pouvoir utiliser un nouveau logiciel connectant les tablettes entre elles et les informant en temps réel sur la vitesse à suivre. Ils seront formés avant 2022.
Une nouvelle gestion du stationnement des trains est aussi prévue, permettant de remédier à de mauvaises habitudes prises au fil du temps, comme laisser tourner les moteurs d’un train même lorsqu’il est garé. Avec ce qu’on appelle l’écostationnement, il serait possible de réduire d’un tiers l’énergie consommée, soit 48 000 tonnes de CO2 évitées chaque année.
Autre axe : poursuivre les efforts pour améliorer la ponctualité permettra non seulement de satisfaire les voyageurs mais aussi d’être moins énergivore, puisqu’un « train à l’heure consomme moins ». L’effort a déjà commencé à porter ses fruits : « De 2016 à aujourd’hui, 30 % des TER ont été remis à l’heure. Le taux de régularité s’établit aujourd’hui à 93,2 % », rappelle le patron des TER.
Enfin tout un programme concernant le matériel a été lancé. Sur 2 255 rames TER, plus de la moitié est électrique, un quart des rames roulent au diesel, et un autre quart environ dispose d’une motorisation bimode. « On travaille depuis plusieurs années à la fin du diesel qui est programmée pour 2035 », indique Frank Lacroix.
Face à la diversité du matériel roulant, cinq solutions sont mises en œuvre. La première porte sur la substitution du diesel par du biocarburant végétal (huile de colza), qui nécessite très peu d’investissements et permettrait de réduire de 60 % les émissions de CO2. Des tests ont déjà été réalisés sur des rames normandes.
Deuxième solution, le train hybride permettant de récupérer et de stocker l’énergie. Ce projet, initié en 2016 avec la SNCF, Alstom, la Nouvelle Aquitaine, l’Occitanie et Grand Est (le Centre Val de Loire apporte aussi son soutien) représente un budget de 17 millions d’euros. Deux rames Régiolis font l’objet d’essais dans les usines de Tarbes. Le service commercial est envisagé en 2022.
Le train à batterie est la troisième solution étudiée : elle associe cinq régions (Nouvelle Aquitaine, Occitanie, Sud, Aura et Hauts-de-France) à la SNCF et Bombardier. Un test pourrait d’abord être réalisé entre Aix-Marseille, puis d’autres suivront dans les autres régions. Les premiers essais sont attendus au second trimestre 2022, les circulations commerciales en 2023.
Des commandes de trains à hydrogène espérées avant la fin de l’année
Le projet du train à hydrogène est lancé depuis 2018, avec Alstom et quatre régions (Occitanie encore !, Aura, Bourgogne-Franche-Comté et Grand Est). 242 millions d’euros sont programmés pour ce projet auquel l’Etat participe financièrement. « 14 rames feront l’objet d’une commande, j’espère d’ici la fin de l’année », confie Frank Lacroix, en rappelant que ce type de projet s’inscrit dans une démarche territoriale et la volonté de créer une filière hydrogène. Objectif : les premiers essais en 2023.
Enfin, le sujet des TER au biogaz s’est plus récemment invité dans les discussions, notamment en Hauts-de-France et en Aquitaine, qui ont chacune, sur leur territoire, des stratégies de développement. « Nous sommes en train de regarder comment on pourrait “rétrofiter” des AGC », souligne le directeur des TER.
Pour mesurer ces efforts, la SNCF veut afficher les performances environnementales de ses 680 lignes TER avec la mise au point de « l’étiquette carbone TER ». Cette étiquette permettra de calculer les émissions de CO2 pour un voyageur qui parcourt un kilomètre. La régularité des trains sera aussi affichée.
Cet outil mesurera les progrès réalisés dans chacun des territoires et sur chacune des lignes. Une mesure également utile pour les régions qui seront amenées à passer des appels d’offres à l’avenir pour choisir leur exploitant.
Marie-Hélène Poingt
A noter :
2 millions de petits prix ont été vendus durant cet été dans le cadre de l’opération TER de France.
68 000 pass jeunes ont aussi été vendus pendant cette période.
La clientèle jeune représente 40 % de la clientèle des TER.