L’augmentation de 2,6% des tarifs montre la situation inconfortable d’une SNCF devant à la fois faire face à la hausse de ses coûts et au bas prix des nouveaux concurrents routiers, montre Savary. Et pendant ce temps, la SNCF bloque la concurrence ferroviaire qui pourrait aider à baisser les prix, déplore Bussereau.
Des trains à bon prix… grâce à la concurrence
Par Dominique Bussereau
Député UMP de Charente-Maritime, président du conseil général de Charente-Maritime, vice-président du Gart.
Tarifs : la SNCF dans la seringue
Par Gilles Savary
Député PS de la Gironde et ancien vice-président de la commission Transport du Parlement européen.
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Des trains à bon prix… grâce à la concurrence
Par Dominique Bussereau
En fin d’année la SNCF a annoncé une hausse de ses tarifs de 2,6 % sur l’ensemble de ses lignes : billets sans réservation pour les TER et les TET, tarifs de référence pour les trains grandes lignes à réservation obligatoire, dont les TGV. Les abonnés, certains titulaires de titres de transport particuliers, échappent à cette hausse.
Cette hausse est traditionnelle mais en l’occurrence supérieure à l’inflation et fait suite à la hausse déplorable de la TVA sur les transports décidée par le Gouvernement en 2014. Naturellement l’annonce de cette hausse a entraîné de nombreuses réactions, négatives comme à l’habitude.
Néanmoins un « gag » est survenu : la ministre en charge de l’Ecologie, tutelle du secrétaire d’Etat aux Transports, a violemment critiqué cette hausse. Certes, la ministre ne nous a jamais épargné de prises de position démagogues ou outrancières : abandon de la « punitive » (sic) écotaxe, gratuité des autoroutes le week-end, etc. Mais en l’occurrence désavouer une décision prise par elle-même et son secrétaire d’Etat aux Transports, validée par son cabinet et l’administration de tutelle, est du grand art ! Sic transit !
Durant les cinq années où j’ai exercé des responsabilités ministérielles dans le domaine du transport, j’ai eu aussi à me prononcer sur les tarifs de la SNCF. Ma position fut constante (et pas toujours soutenue à Matignon et à l’Elysée !) : que la SNCF prenne ses responsabilités et fasse ses choix.
Car la SNCF est en situation de concurrence sur de nombreux axes avec la route, et l’avion (les compagnies régulières et low cost). Il lui appartient, à l’aide de sa politique de yield management de décider la tarification qu’elle souhaite et de la moduler selon la concurrence. Elle peut aussi, et elle l’a fait avec discernement, créer des produits low cost type IdTGV ou Ouigo. Pourquoi donc l’Etat viendrait-il décider à sa place de la politique commerciale de l’entreprise ?
De plus, deux nouvelles formes de concurrence vont prendre une importance croissante. Dans ces colonnes, Gilles Savary et moi nous sommes longuement exprimés sur la formidable montée en puissance du covoiturage qui concurrence même l’avion ! Demain, une fois la loi Macron votée (pas par moi !), l’autocar va prendre une place de plus en plus considérable. Laissons donc la SNCF pratiquer la politique qu’elle entend mener !
Naturellement, la réforme ferroviaire qu’elle a imposée au Gouvernement ne l’aidera pas. Jean-Marc Janaillac, président de Transdev, l’écrit excellemment dans Le Monde du 29 janvier : « Si le ferroviaire allemand a tant progressé depuis dix ans, c’est d’abord et avant tout parce que la DB a accepté le jeu de la concurrence et l’a utilisé pour renforcer sa compétitivité. Seul l’aiguillon extérieur que représente l’entrée de nouveaux opérateurs pourra entraîner la réforme ferroviaire dans la bonne voie, celle qui favorisera le report modal de la route vers le rail, améliorera le service et abaissera les coûts pour les régions ».
Tout est bel et bien dit !
D’où mes suggestions :
– Liberté tarifaire totale sur le réseau concurrentiel, essentiellement les LGV et les trajets leur faisant suite sur des lignes classiques.
– Ouverture à la concurrence des TET et des TER.
Je le proposerai à la commission Duron, mais voudra-t-elle bien m’écouter ?
Quant aux Régions, au lieu de proposer des offres démagogiques à un euro, elles feraient mieux de se rappeler que les TER leur coûtent 4 milliards d’euros et que les coûts d’exploitation ont augmenté de 90 % en 10 ans.
Lisons à nouveau Jean-Marc Janaillac à propos de l’Allemagne : « l’arrivée de nouveaux entrants a entraîné une baisse des coûts (-3 % par train/kilomètre sur 10 ans contre +20 % en France) ainsi qu’une forte hausse de la fréquentation (+34 % contre +24 % pour la France sur la même période), et sur le plan écologique, l’Allemagne affiche une augmentation de 25 % de la part du rail régional dans les transports… »
Je plaide donc pour plus de liberté tarifaire pour la SNCF, plus de concurrence sur tout notre réseau ferroviaire, en particulier pour les TET et les TER.
En cette année d’élections départementales puis régionales, il est temps de mettre fin au monopole, de faire éclore de la liberté… et de meilleurs prix pour les clients du rail, que je souhaite toujours plus nombreux.
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Tarifs : la SNCF dans la seringue
Par Gilles Savary
La polyphonie gouvernementale qui a entouré l’annonce d’une augmentation de 2,6 % des tarifs de la SNCF trahit l’embarras, au sein du Gouvernement, d’augmenter les tarifs de service public alors que les revenus des Français sont par ailleurs mis à contribution par la politique de réduction des déficits publics.
Pourtant, nos grands services publics, qu’il s’agisse de la SNCF, d’EDF ou même des transports collectifs urbains, sont affectés du même mal chronique que celui qui a sinistré nos dépenses publiques : l’écart entre leurs coûts et leurs recettes d’exploitation ne cesse de se creuser et d’alimenter un endettement critique.
Si l’augmentation tarifaire consentie à la SNCF est anecdotique en regard de ses déséquilibres financiers, les usagers ne la supportent pas plus que les contribuables les augmentations d’impôt. En matière de services publics comme de dépenses publiques, on a habitué les Français à ce que les questions d’argent soient inconvenantes au pays de l’Etat providence.
Pourtant, il ne s’agit que d’une augmentation moyenne qui n’affectera que très marginalement les tarifs sociaux et les abonnements, et n’empêchera pas la SNCF de multiplier les promotions tarifaires de type low cost.
C’est finalement l’opacité de notre modèle de service public, que l’alliance de nos héritages colbertistes et corporatistes d’Ancien Régime identifie au statut public de l’entreprise et de ses agents, plutôt qu’à des missions de service public précisément définies et identifiées, qui explique cette illisibilité tarifaire.
Du coup, la main de l’Etat qui fixe les tarifs de service public est tout aussi invisible que celle du marché qui fixe les prix du secteur marchand.
Pour arbitraire qu’elle puisse paraître, cette augmentation est pourtant très loin d’accompagner l’inflation des coûts de notre système ferroviaire, due notamment à la double nécessité d’achever quatre chantiers de LGV particulièrement coûteux, et de produire simultanément un effort sans précédent de régénération du réseau historique.
Par ailleurs, il n’est pas contestable que dans de telles circonstances la SNCF répercute l’augmentation de la TVA de 7 à 10 % !
Pour autant, cet ajustement tarifaire, même s’il est socialement modulé, risque de s’avérer contre-productif à un moment où la SNCF est confrontée à de nouvelles concurrences particulièrement redoutables avec les développements fulgurants du covoiturage et de l’aérien low cost.
Ce dilemme confirme la nécessité vitale pour nos chemins de fer d’accentuer leurs efforts de redressement financier en jouant sur les deux registres d’un moratoire absolu sur les programmes de nouvelles LGV, et d’une conquête de gains de productivité internes significatifs.
Encore faut-il que sa tutelle étatique accompagne sans faiblesse ces exigences, en cessant de lui imposer des contraintes contraires.
La loi du 4 août 2014 portant réforme ferroviaire, comme la règle d’or financière à laquelle le projet de loi pour l’activité, la croissance et l’égalité des chances économiques va soumettre les futurs investissements ferroviaires, devraient y aider puissamment.
Mais la décision personnelle du Président de la République de confirmer la réalisation de la LGV à voie unique Poitiers – Limoges, comme l’inflation de projets de nouveaux développements ferroviaires portés par les Régions dans le cadre des contrats de plan ne sont pas de bon augure…
Pour que l’effort tarifaire sollicité des usagers ait un sens et s’inscrive dans une volonté de redressement de nos chemins de fer, il faut que l’arbitraire politique laisse enfin à la SNCF le répit que nécessite son adaptation… Et sa reconquête exigeante du réseau historique et de la qualité de service des trains du quotidien.
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