Le groupement national des transports combinés tire la sonnette d’alarme en pointant une « qualité de service non maîtrisée » du réseau ferré. Et s’inquiète des réponses apportées par SNCF Réseau qui ne sont pas en « adéquation » avec les besoins du transport combiné en France. Explications avec Ivan Stempezynski, président du GNTC, également directeur général de TAB Rail Road.
La Vie du Rail. Le GNTC tire aujourd’hui le signal d’alarme sur l’insuffisante qualité du réseau ferré français. Pourquoi ?
Ivan Stempezynski. Le constat est unanime chez les adhérents : le taux de conformité des sillons pour le service 2022 n’est que de 70 %. Cela veut dire que 30 % des trains ne sont pas assurés aux horaires demandés [NDR : avec une marge d’une demi-heure]. Les circulations sont parfois supprimées ou modifiées sans préavis. Un train avec deux heures de retard est invendable !
LVDR. Quelles sont les raisons de ces retards ?
I. S. C’est principalement à cause des travaux qui sont majoritairement effectués la nuit. Or les trains combinés circulent la nuit. Lorsque, après un chantier, la voie est rendue à 5 heures du matin au lieu de 4 heures, et que le train combiné est autorisé à passer une demi-heure plus tard, c’est toute la chaîne de transport combiné qui est désorganisée, chez les opérateurs, chez les gestionnaires de terminaux et chez les transporteurs routiers assurant les pré- et post-acheminements. Plus les trains passent tard dans la nuit, plus leurs sillons croisent ceux des trains de voyageurs qui sont prioritaires. Et plus les trains de fret sont retardés.
LVDR. Comment concilier besoins des opérateurs de fret et nécessité de réaliser des travaux sur le réseau ?
I. S. Nous ne contestons pas la nécessité pour SNCF Réseau d’améliorer le réseau : nous en sommes aussi les utilisateurs ! Nous comprenons également que le gestionnaire des infrastructures a pour objectif de gagner de l’argent. Mais les acteurs du transport combiné ne veulent pas être la variable d’ajustement. L’utilisation de l’enveloppe financière de 210 millions alloués à SNCF Réseau dans la cadre du plan de relance pour minimiser l’impact des travaux sur la qualité des circulations n’est principalement envisagée qu’à horizon 2023, voire 2024. Mettons-nous autour d’une table et discutons pour améliorer les choses !
LVDR. Pourquoi ne le faites-vous pas ?
I. S. Nous avons tenté de discuter avec Réseau, mais nous obtenons une fin de non-recevoir. Dès septembre, nous avons alerté le gestionnaire sur le fait que seuls 70 % des sillons étaient conformes aux demandes des opérateurs, même sur des sillons historiques renouvelés d’année en année. Les autres sillons ne correspondaient pas aux demandes, ou avec une différence de plusieurs heures. Or, pour SNCF Réseau, le critère c’est de répondre positivement à la demande de sillons de l’opérateur.
En octobre, nous avons de nouveau fait le même constat et, en décembre, il n’y avait toujours pas d’amélioration. Le service 2022 a commencé depuis un mois, et la qualité de service se dégrade toujours, avec des trains en retard, voire des annulations. Ces fortes défaillances sur la qualité de service peuvent potentiellement engendrer une perte de chiffre d’affaires annuelle de plus de 25 millions d’euros pour l’ensemble de la filière, en transfert du rail à la route, avec un risque de report modal inversé durable, selon les estimations du GNTC.
Nous avons aussi adressé une lettre au ministre des Transports. Mais elle est restée sans réponse.
LVDR. Comment pousser au changement ?
I. S. Les objectifs du plan de relance signés par GNTC (à travers 4F) avec l’Etat prévoient de doubler la part modale du fret ferroviaire, mais aussi de tripler l’activité du combiné d’ici 2030. Un Paris-Marseille par le train, c’est une tonne de CO2 économisée par rapport à la route. Je rappelle que les trains de combiné circulent sous caténaires sur des centaines de km (hormis, pour être tout à fait transparent, lors des 3 ou 4 km pour quitter ou rejoindre les plateformes de transfert). Un train de combiné est constitué de 40 à 50 caisses qui nécessiteraient 40 ou 50 camions sur les routes. Sans être des chevaliers blancs, nous avons une certaine responsabilité sociétale à pousser et maintenir les objectifs de 2030.
Propos recueillis par Yann Goubin
Le 23 octobre, le Port de Calais a inauguré une plate-forme Modalohr, technologie de ferroutage de la société Lohr. L’entreprise française installée à Strasbourg a également livré… … 105 wagons Lohr UIC pour le nouveau service entre Calais- Le Boulou, près de Perpignan. La nouvelle ligne, VIIA Britanica entrera en service en janvier 2016 et permettra pour la première fois en France le transfert direct des semi-remorques des navires RoRo vers le rail.
Après 31 années de circulation, La Poste met un terme à l'exploitation de ses cinq rames TGV. Fin juin, La Poste arrêtera l'acheminement ferroviaire par TGV de ses courriers et colis à travers la France au profit … du fret combiné. Des camions transporteront par caisses mobiles le courrier jusqu'à la nouvelle plate-forme de Bonneuil-sur-Marne, en banlieue sud de Paris où il sera ensuite dispersé par voie fluviale, routière, ou par train de fret classique. Le volume de courrier transporté par train sera plus important demain avec le fret combiné qu’aujourd’hui avec le TGV postal. Progressivement, à partir de fin 2015, pas moins de 20 caisses mobiles remplies de courrier et de petites marchandises sillonneront la France chaque jour, sur leur wagon plat. Dès 2017, le volume de courrier et de fret embarqué sur le rail augmentera de 30% par rapport aux capacités actuelles du TGV.Quant aux TGV, la Poste cherche un repreneur…
Les chemins de fer luxembourgeois vont investir 126 millions d'euros sur six ans dans le fret. A l'horizon 2020, les CFL se fixent comme objectif de doubler le chiffre d'affaires de ses activités fret. La croissance est portée par le développement du chantier multimodal de Bettembourg et la consolidation du parc logistique Eurohub Sud. Cette plate-forme multimodale au carrefour des principaux axes de transport européens prévoit l'entreposage (30 000 m2), la connexion aux réseaux autoroutiers et une agence en douane. Les CFL misent également sur le développement de ses filiales Cargo à l’étranger, le groupe est présent en France, au Danemark, en Allemagne et en Suède.
En parallèle les chemins de fer luxembourgeois CFL prévoient une enveloppe d’investissements pour l'achat des deux grues portiques RMG, une flotte de nouveaux wagons Modalohr et un atelier de maintenance rapide pour wagons sur le site de Bettembourg.
Les activités fret du groupe CFL sont dorénavant réorganisées et rassemblées autour de quatre pôles de compétences : un pôle ferroviaire, un pôle logistique, un pôle infrastructure et un pôle services. Cet ensemble est désormais piloté par la nouvelle direction Fret des CFL.
Voici le prototype du wagon Lohr UIC présenté fin janvier par Lohr Industrie dans son usine de Duppigheim (Bas-Rhin) Il permet de transporter des semi-remorques standard de 4 m de haut aux coins – y compris les non-préhensibles et les MegaTrailer, qui échappent au transport combiné classique – sur les grands axes du continent européen. A condition toutefois que ces axes soient à un gabarit égal ou supérieur au GB1 et que les terminaux desservis soient équipés du système Lohr. P. L.
Le transfert modal était une des grandes ambitions de la Commission européenne. Entre le lancement des « gigaliners », ces mastodontes de la route, et le renoncement à l’Ecotaxe européenne, les signaux montrent que ce n’est pas la direction prise. La Commission européenne actuelle terminera son mandat à l’été 2014 avec les élections européennes. Et déjà sonne l’heure des bilans. L’une de ses grandes ambitions pour le transport était le transfert modal : « une partie du transport routier de fret sur plus de 300 km devrait se reporter sur d’autres modes de transport, à hauteur de 30 % d’ici à 2030 et au-delà de 50 % d’ici à 2050 », escomptait-elle en 2011 dans son livre blanc sur les transports. Une gageure puisque le ferroviaire assure actuellement 16 % du fret en Europe.
Trop de « concepts »
La Commission européenne a-t-elle fait ce qu’il fallait pendant son mandat pour y arriver ? Les experts sont partagés. Pour le président du groupe suisse de transports BLS, Bernard Guillelmon, l’affaire est entendue : il y a « beaucoup de concepts mais le taux de mise en œuvre et de succès est très bas », a-t-il remarqué, lors d’une conférence sur le transfert modal à Bruxelles en septembre dernier.
Premier facteur déterminant le manque de compétitivité du rail : la qualité du service. Le transport combiné représente actuellement 10 % du fret mais « nous pourrions offrir beaucoup plus de services si la qualité des sillons était meilleure, remarque Martin Burkhardt, directeur général de l’Union internationale du transport combinée, l’UIRR. Avec 20 % de nos trains en retard de plus de 3 heures et 5 % plus de 24 heures, impossible de faire des offres pour des produits frais », constate-t-il.
Le sous-investissement chronique dans le réseau est pointé partout du doigt. Or, du point de vue financier, « la Commission européenne est cohérente avec les priorités du livre blanc Transports », reconnaît Libor Lochman, directeur exécutif de la Communauté européenne du rail, la CER. De fait, le rail est le premier bénéficiaire des 26 milliards destinés aux Réseaux transeuropéens de transports sur 2014-2020.
Le problème vient des Etats membres, souligne Libor Lochman, et « le pire a lieu dans les nouveaux Etats membres de l’Union Européenne, où 85 % des fonds vont vers la route. Or, nous aurons besoin de ces réseaux pour développer le trafic vers l’Asie ».
Pollueurs-payeurs : « pas le bon moment »
Sur le plan financier, la balle n’est donc pas dans le camp de Bruxelles… Quoique : depuis une décennie, le rail plaide pour une tarification de l’infrastructure « équitable » avec la route. Dans leur viseur : une nouvelle génération d’eurovignette. D’abord pour que la route soit davantage taxée en fonction du kilométrage parcouru et des émissions de CO2. Ensuite pour que la route finance le rail.
Alors que l’Eurovignette III doit entrer en vigueur cet automne, des consultations ont déjà été lancées à l’été 2012 sur une future Eurovignette IV. Cette nouvelle mouture devait s’attaquer entre autres au principe du « pollueur-payeur » pour les voitures individuelles.
De quoi faire rugir les incendiaires des bornes écotaxe… mais « avec des budgets publics restreints, nous sommes convaincus que le financement futur de l’infrastructure passe par la taxation des utilisateurs de la route, tout comme les trains paient l’accès aux infrastructures », assurait encore en septembre le commissaire aux Transports, Siim Kallas lors d’un congrès de l’IRU. Même si le sujet est « sensible », « nous devons agir rapidement pour mettre fin à des années de sous-investissement », précisait-il.
Las ! « Nous ne ferons pas de proposition sur ce sujet cette année parce que nous pensons que ce n’est pas le bon moment », indique quelques semaines plus tard Olivier Onidi, directeur Mobilité à la Commission européenne. Autrement dit, l’actuelle Commission n’a pas l’intention de présenter maintenant une nouvelle taxe qui a toutes les chances d’être retoquée par les gouvernements nationaux. A la prochaine Commission de choisir les risques qu’elle voudra prendre.
La Commission européenne ne joue pas non plus les va-t-en-guerre en matière de mobilité urbaine. Dans des propositions qui devraient sortir prochainement, elle va renoncer à rendre les plans de mobilité urbaine obligatoires, reconnaît Olivier Onidi. Des plans que la France applique en général mais pas toujours et qui sont essentiels pour faciliter les connexions intermodales pendant le dernier kilomètre des livraisons. Or l’amélioration de ce dernier kilomètre était aussi une priorité du livre blanc.
Mauvais signaux
Aux yeux des opérateurs historiques, la Commission européenne a surtout envoyé un « mauvais signal » avec son quatrième paquet ferroviaire. Selon Libor Lochman de la CER, « la libéralisation n’est pas suffisante pour favoriser le transfert vers le ferroviaire ». La preuve ? La Roumanie a totalement ouvert son marché, séparé l’infra des opérateurs exactement comme le demande la Commission… pour arriver « à des pertes de marché record, parce qu’il n’y a pas eu d’investissements dans le rail similaires à la route », fait-il valoir.
Autre mauvais signal : un encadrement inégal des droits des passagers selon les modes de transports. La Cour de justice a enfoncé le clou récemment en confirmant que les opérateurs ferroviaires doivent dédommager leurs passagers en cas de retards dus à des intempéries, « alors que les compagnies aériennes ou d’autobus n’y sont pas astreintes », s’insurge Libor Lochman.
Tout ceci à un moment où le programme qui finançait des projets d’intermodalité, Marco Polo, est abandonné par manque de « projet sérieux ».
Bref, le transfert modal : « parole, parole » comme chantait Dalida ? Les termes du débat sont surtout mal posés, tranche Paola Lancellotti, secrétaire générale de l’association européenne des chargeurs. « La direction générale Transport de la Commission a probablement fait tout ce qu’elle devait faire », estime-t-elle, « le problème est qu’il n’y a pas de vision d’ensemble sur toute la chaîne logistique ». En clair : la Commission travaille uniquement sur l’offre de transports et non sur la demande. Or, les deux sont liés, fait-elle valoir : par exemple, « en Suède, le wagon isolé continu à fonctionner parce qu’il y a une demande des industries du bois/papier ». L’échec du transfert modal, finalement, serait moins le fait d’un manque de politique européenne des transports que de politique industrielle.
Nathalie Steiwer
La société allemande de transport combiné rail-route CargoBeamer a présenté le 26 octobre à Calais (Pas-de-Calais) un système permettant de transborder des semi-remorques sur des trains en 15 minutes et destiné à « révolutionner » le ferroutage en Europe. La société allemande de transport combiné rail-route CargoBeamer a présenté le 26 octobre à Calais (Pas-de-Calais) un système permettant de transborder des semi-remorques sur des trains en 15 minutes et destiné à « révolutionner » le ferroutage en Europe. Le terminal « CargoBeamer Gate » devrait voir le jour en 2014 à Calais, avec une capacité de transfert de plus de 800 semi-remorques par jour, de la route au rail. La technologie consiste en un transbordement latéral et automatisé pour tous les semi-remorques existant sur le marché, alors qu’aujourd’hui « seulement 15 % du transport de marchandises sur route peuvent être transférés vers le rail, en raison de contraintes techniques », affirme la société.
« Le trafic de marchandises sur les routes européennes devrait croître de 75 % d’ici à 2025, menaçant les infrastructures routières du continent d’une congestion du trafic », estime Hans-Juergen Weidemann, PDG de CargoBeamer. « CargoBeamer anticipe cette évolution et va permettre de remédier à cette situation en transférant le trafic de marchandises de la route vers le rail de manière efficace et écologique », ajoute-t-il.
Le système sera installé au cœur d’un futur parc logistique de plus de 200 000 mètres carrés, « Calais Premier », qui est présenté comme le plus grand au nord de Paris, entre le port et le Tunnel sous la Manche, et qui veut devenir l’une des toutes premières portes d’entrée du trafic de marchandises entre le Royaume-Uni et l’Europe continentale. La naissance de ce terminal à Calais est la première étape de la construction d’un réseau sur les principales voies de marchandises en Europe. D’autres sont prévus à Hagen (Allemagne), Legnica (Pologne) et Mockava (Lituanie), a indiqué la société.
M.-H. P.
L’opérateur de transport combiné rail-route T3M affiche une belle performance en 2011, alors que le secteur connaît des années difficiles. Un succès expliqué notamment par la maîtrise de toute la chaîne de transport, selon Jean-Claude Brunier, son PDG. Cette société bénéficie aussi des synergies mises en place avec le transporteur routier TAB, qui appartient au même groupe.
Ville, Rail & Transports : Quels résultats avez-vous enregistré l’an dernier et quelles sont vos perspectives pour 2012 ?
Jean-Claude Brunier : Bien que les chiffres ne soient pas encore définitivement arrêtés, T3M devrait afficher un chiffre d’affaires de 22 millions d’euros en 2011, soit une hausse de 30 % par rapport à l’année précédente. 2012 s’annonce excessivement difficile. La lisibilité est faible, bien que l’on observe une demande assez soutenue pour nos métiers de transport longue distance de transport combiné rail-route. Nous voyons aussi arriver de nouveaux clients car, avec l’arrivée de l’écotaxe programmée en 2013, de nombreux chargeurs souhaiteraient recourir au transport combiné. Mais, en même temps, nos clients rechignent à toute revalorisation de nos tarifs, justifiée par l’inflation et l’augmentation du prix du pétrole durant toute l’année 2011. Cette hausse va se poursuivre en 2012.
VR&T : Comment expliquez-vous les bons résultats de T3M alors que le secteur du transport combiné est en crise ?
J.-C. B. : Nous sommes vraiment très très satisfaits des résultats de T3M. Ils s’expliquent par nos choix stratégiques mis en place il y a une dizaine d’années, quand nous avons décidé de devenir opérateur de transport combiné : nous avons décidé de maîtriser toute la chaîne du transport, du sillon jusqu’à la livraison porte-à-porte chez le client. Nous achetons directement nos sillons. Nous ne sommes pas nombreux à pouvoir le faire : seuls les entreprises ferroviaires, les opérateurs de transport combiné, les grands ports et les régions le peuvent. Mais cette faculté est aussi une contrainte car elle nécessite beaucoup d’énergie pour comprendre les méthodes de travail de RFF. Grâce à ce choix réussi, nous maîtrisons la qualité de notre service. Notre objectif était de proposer un service au moins égal ou supérieur à celui de la route. Nous l’avons atteint, et même dépassé. La seconde condition pour être performant, c’est de remplir les trains. Notre taux de remplissage est généralement de 99 %. Nous faisons en sorte que tous nos trains soient pleins grâce notamment à notre gestion très en amont des commandes.
VR&T : Prévoyez-vous d’ouvrir de nouvelles lignes ?
J.-C. B. : Pour lancer une ligne, il faut à la fois des volumes de fret importants et une distance longue, au moins 700 km, pour amortir les frais de coups de pince malgré les subventions des pouvoirs publics au secteur. C’est pourquoi nous sommes présents sur l’axe Sud – Ouest et sur la vallée du Rhône. Début janvier, nous avons fait circuler un train long de 850 m. La différence avec d’autres trains longs qui ont déjà circulé, c’est que le nôtre roule à 120 km/h car nous sommes en concurrence avec les camions. Nous travaillons sur un marché à flux tendus. Ces trains longs rapides sont entrés en service commercial entre Valenton et Marseille-Canet. Notre projet est de le faire circuler entre Bonneuil et Avignon. Très rapidement, un morceau de ce train ira jusqu’à Sète avec un service quotidien. Nous le faisons progressivement car nous sommes une PME. L’important, c’est de bien remplir nos trains.
VR&T : Comment gérez-vous le problème du manque de qualité des sillons ?
J.-C. B. : C’est la plaie du transport ferroviaire aujourd’hui. Il y a trop de sillons précaires. Nous avons besoin de l’avis de l’Araf sur ces sujets. Nous travaillons aussi d’arrache-pied avec RFF. Nous espérons progresser grâce aux contrats de qualité et aux contrats pluriannuels, par lesquels RFF bâtit ses plans de travaux en préservant les sillons commandés sur plusieurs années. Cette démarche devrait conduire à une meilleure qualité. Il y a beaucoup de marges de progrès.
VR&T : Que proposez-vous pour améliorer l’accès aux terminaux, autre souci du transport combiné ?
J.-C. B. : La réussite du transport combiné passe par un bon sillon et par le terminal. Le terminal représente le point névralgique où toute l’organisation se fait. C’est le deuxième poste de dépenses dans nos comptes d’exploitation. Sur la dizaine de cours dont T3M a besoin pour fonctionner, aujourd’hui, nous disposons d’une grande cour à Valenton. Nous venons de nous installer à Bonneuil, où nous sommes en association avec Progeco (du groupe CMA-CGM). Pour les autres terminaux, nous sommes obligés de passer soit par Novatrans, soit par NavilandCargo. Ce qui nous coûte de 30 à 40 % de plus que si nous le faisions nous-mêmes. De plus, la qualité de service est détestable et les situations souvent conflictuelles, même s’il y a du mieux depuis les déclarations de Pierre Blayau en octobre dernier, lors de l’assemblée générale du GNTC (Groupement national des transports combinés, ndlr). Il a pris ses distances vis-à-vis de la proposition de la SNCF de créer des sociétés anonymes par action pour gérer les terminaux. Ces SAS ne nous donnaient aucun droit, juste celui de payer. Personne n’en a voulu. Désormais, il faut construire un outil performant pour le transport combiné. RFF étant le propriétaire de la grande majorité des terminaux, il peut faire ce que bon lui semble. Je propose d’affecter les cours en fonction de leurs activités. Le terminal de Marseille-Canet par exemple est utilisé à 100 % par T3M mais il est sous-traité à NavilandCargo qui nous traite mal. C’est aberrant ! Et ce n’est plus acceptable. Nathalie Kosciusko-Morizet (la ministre de l’Ecologie, ndlr) nous a entendus et a confié une mission sur le sujet à René Genevois. La ministre nous convoque à une réunion le 20 janvier (ndlr : VR&T est en cours d’impression ce jour-là). Nous espérons de bonnes nouvelles !
Propos recueillis par Marie-Hélène Poingt
Dans le petit monde du transport combiné, il se dit que Novatrans est « le nouveau SeaFrance » de la SNCF. Les résultats de l’opérateur de transport combiné rail-route sont en effet catastrophiques. Dans le petit monde du transport combiné, il se dit que Novatrans est « le nouveau SeaFrance » de la SNCF. Les résultats de l’opérateur de transport combiné rail-route sont en effet catastrophiques. Repris en 2009 par la SNCF, qui lui a évité le dépôt de bilan, Novatrans n’a jamais réussi à redresser la barre : en 2010, la filiale de la SNCF a perdu 35 millions d’euros. Sur 2011, elle affiche un déficit de 22 millions d’euros pour un chiffre d’affaires de 87 millions d’euros. Pour la SNCF, qui a déjà injecté quelque 60 millions d’euros dans l’entreprise depuis 2009 (dont la moitié pour la recapitaliser), la situation n’est plus tenable. Lors d’un conseil d’administration de Novatrans, le 17 janvier, deux pistes ont été envisagées. La première passe par une cession à un tiers. La SNCF va mandater une banque « pour recueillir les manifestations d’intérêt ». La recherche d’éventuels repreneurs devrait durer deux mois. Mais cette solution laisse dubitatif. « Compte tenu de ce que perd Novatrans et compte tenu qu’il n’y a rien à vendre, on ne voit pas qui pourrait racheter quoi », commente-t-on dans le milieu.
La seconde piste envisagée passe par une recapitalisation de l’entreprise à hauteur d’une cinquantaine de millions d’euros avant le 31 décembre prochain. Cette solution s’accompagnerait de la mise sur pied d’un sévère plan de restructuration. Elle nécessiterait aussi et surtout l’aval de la Commission européenne, soucieuse d’éviter toute aide pouvant fausser la concurrence. Le conseil d’administration de Novatrans a donné jusqu’à la fin avril à la direction générale pour proposer un plan de retour rapide à l’équilibre. Il passera forcément par la suppression de liaisons, alors qu’actuellement la plupart des lignes sont déficitaires, voire par des fermetures de terminaux (il y en a 13).
Au Groupement national des transports combinés (GNTC), certains se demandent si le scénario final ne passera pas par une intégration d’une partie des activités de Novatrans au sein de NavilandCargo, l’autre opérateur de transport combiné de la SNCF (mer-fer). Une éventualité actuellement rejetée par Olivier Storch, le directeur financier de SNCF Geodis, également responsable des solutions multimodales. « En avril, les deux solutions étudiées seront jugées sur pièce », indique-il. Si aucune n’était retenue, il faudrait procéder à une « liquidation à l’amiable » de la société. Il serait alors proposé à tous les salariés (ils sont 260) un reclassement au sein du groupe SNCF. Une issue qui aurait un goût amer de déjà-vu.
Marie-Hélène Poingt