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Ewa

Comment l’IVM est devenu un « think tank »

Chaires à Paris, Shanghaï, Buenos Aires, colloques internationaux, expositions, publications. Depuis dix ans, l’IVM est un Think tank international où se pensent les nouvelles mobilités. Dix bougies pour l’institut qui fait bouger. C’est en juin 2000 que PSA a créé l’Institut pour la ville en mouvement, devançant le grand engouement pour la mobilité qui s’empare aujourd’hui de la plupart des acteurs du transport. Dix ans que, sous l’impulsion d’urbanistes, de sociologues, d’architectes, l’IVM donne une impulsion nouvelle à la réflexion sur le transport et la mobilité.

Car il y a dix ans, se souvient Jean-Pierre Orfeuil, professeur à l’Institut d’urbanisme de Paris et président du conseil supérieur de l’IVM, « la mobilité était une question de transport, une question d’objets et de systèmes. François Ascher (le premier président du conseil scientifique de l’IVM, aujourd’hui décédé, NDLR) et Xavier Fels (premier président de l’IVM, NDLR) ont eu l’intuition que c’était une question de société. » Et même de sociétés, au pluriel. D’où l’idée d’une fondation à vocation internationale et interdisciplinaire. Fondation qui a pour « ambition de mettre à l’ordre du jour de l’agenda public des débats ignorés, orphelins. » Jean-Pierre Orfeuil définit d’une formule le style des recherches et des interventions : « la pertinence de l’impertinence ».

A la base des recherches de l’IVM, il y a une certitude : le droit à la mobilité est un « droit des droits ». Il en conditionne en effet d’autres, comme le droit au travail, l’accès aux soins ou le droit à l’éducation. L’IVM refuse donc par principe toute réponse restrictive aux questions que posent les crises énergétiques ou climatiques. C’est pourquoi l’IVM s’intéresse aux Cleantech, ou technologies environnementales telles qu’elles sont abordées aux Etats-Unis, pays de toutes les mobilités, qui entend le rester.

L’affirmation de la mobilité comme droit inaliénable fait qu’un constructeur automobile comme PSA trouve naturellement son intérêt dans les activités de l’IVM. Mais on ne saurait faire de la fondation un faux nez du constructeur. Il s’agissait plutôt d’anticiper, et de faire en sorte que l’automobile, après s’être imposée à la cité du XXe siècle, ne soit pas rejetée de la cité du XXIe siècle.

Philippe Varin, PDG de PSA, précise : La création de l’IVM il y a dix ans ne voulait « pas dire que le groupe anticipait la fin de l’automobile. Cela signifiait seulement qu’on ne pouvait plus rester dans le paradigme pompidolien : “il faut adapter la ville à l’automobile” ». A l’inverse, il s’agit d’adapter l’automobile à la nouvelle croissance urbaine. Constat dressé par le patron de PSA : « En 2009, 50 % de la population mondiale vit en zone urbaine, 80 % dans les pays développés. En 2030, toutes les régions du monde en voie de développement compteront plus d’urbains que de ruraux ; un bouleversement synonyme de découverte de nouveaux modes de vie auxquels il faudra s’ajuster. Des vingt plus grandes métropoles, seules trois seront dans les pays développés : Tokyo, New York et Los Angeles. »

De Shanghaï à Chengdu, de Bogota à Rio, des villes en plein essor inventent dès maintenant, contraintes et forcées, de nouvelles formes de mobilité. D’où l’intérêt pour l’IVM de s’implanter comme il l’a fait en Chine, où l’institut a créé une chaire à l’université de Tongji, à Shanghaï, et en Amérique latine, où il en a fondé une autre.
Dans ce monde qui bouge à des rythmes différents, la stratégie de PSA tient en un mot : hybridation. Techniquement déjà, PSA parie plutôt sur l’hybridation des motorisations (électrique/thermique) que sur un seul avenir électrique et affirme : « Notre spécialité, c’est l’hybride. » L’hybridation, c’est aussi celle des modes et des acteurs du transport. D’où le développement d’une stratégie de services autour de l’automobile, PSA ayant participé à l’appel d’offres de la mairie de Paris sur Autolib’ ou encore à celui de Nice. L’hybridation, ce sont aussi les échanges croisés sur les expériences mondiales de la mobilité.

En Amérique latine, souligne Andres Borthagaray, directeur du Conseil de planification stratégique de Buenos Aires et directeur IVM Amérique latine, 80 % des 580 millions d’habitants sont urbanisés. Villes peu lisibles, où les solutions intermodales sont pour l’instant quasiment ignorées. Villes dont certaines connurent une innovation majeure avec le Bus Rapid Transit (BRT). Cette solution peu onéreuse à la congestion des villes, inventée à Curitiba, puis implantée à Bogota, l’est maintenant à Santiago. Ce fut l’engouement. A Bogota, dix ans après, on déchante. C’est ce qu’affirme Juan-Pablo Bocajero, maître de conférences à l’école d’architecture de l’université de Los Andes. Le côté sommaire du TransMilenio, la volonté de tout faire à l’économie et quasiment sans subvention montre ses limites. Et dans le même temps le nombre de voitures a été multiplié par deux, celui des motos par cinq. Même déception au Chili où, selon Oscar Figueroa, professeur à l’université catholique du Chili, la transposition ne fonctionne pas. Le bilan financier est même inquiétant, puisqu’il faut quelque 500 millions de dollars par an pour éponger l’exploitation du Transantiago, alors que l’investissement n’a même pas atteint 900 millions de dollars. La solution miracle chérie par la Banque mondiale pendant des années a du plomb dans l’aile. On a été trop chiche, il est temps de passer à des modes plus lourds pour enrayer une tendance qui est toujours à l’œuvre : une hausse de l’usage de l’automobile plus encore que de sa propriété, une baisse de l’usage des transports publics. Phénomènes à terme intenables.

Autres horizons, questions proches. En Chine tout comme en Amérique latine — comme en Inde, d’ailleurs —, c’est une cinquantaine de villes millionnaires que l’on dénombre. A propos de la Chine, le patron de PSA sort ses chiffres : « En 2000, la Chine comptait 12 véhicules pour 1 000 habitants ; en 2010, 47 véhicules, et, en 2020, devrait compter 120 véhicules pour 1 000 habitants. » A comparer aux 550 pour 1 000 aujourd’hui enregistrés en Europe ou aux 850 pour 1 000 aux Etats-Unis. Or, on a la certitude que les Chinois n’atteindront pas le niveau de motorisation individuelle des Américains, ni celui des Européens. Le pays mise sur le mode électrique pour le transport urbain (qu’il s’agisse de transport public, de transport automobile, voire de deux-roues, jusqu’au vélo), les relations intercités étant promises aux trains à grande vitesse et aux avions. Mais les investissements et les modes lourds ne suffisent pas. Le dialogue auquel nous avions pu assister il y a sept ans, à Pékin, entre Chinois très férus d’infrastructures et Français de l’IVM assez axés sur le service et l’usage de la ville semble porter ses fruits. Comme le reconnaît Pan Haixiao, président de la chaire IVM Chine et professeur à l’université de Tongji de Shanghaï, on avait tout conçu en termes de systèmes, et c’est aujourd’hui le service qu’il faut mettre en avant. C’est un changement de cap qu’ont salué les prix de l’IVM en Chine (voir VR&T n° 509, p. 17), dont un service de covoiturage à Wuhan, de type « bottom up », illustrant à sa façon l’émergence de la société civile en Chine. Dans ce domaine comme dans les autres, les Chinois devraient aller vite. Comme le dit Zhuo Jian, professeur associé à l’université de Tongji : « On a moins de nostalgie en Chine qu’en Occident. On est plus curieux… »

 

 

Par François DUMONT

Ewa

L’IVM prime trois solutions de nouvelles mobilités

Dans le cadre de l’exposition Shanghai 2010, le jury international de l’Institut pour la ville en mouvement a décerné son prix « Better Mobility, Better Life » à trois services de mobilité dans les villes de Shanghaï, Wuhan et Ningbo. Point commun : proposer une solution de partage des ressources à partir d’une initiative locale et citoyenne, selon des modalités souples et peu coûteuses. Premier lauréat, le service de covoiturage mis en place en 2009 au sein de la communauté résidentielle de Changqing à Wuhan, où 80 % des automobilistes utilisaient leur voiture en solo. Le programme « covoiturer avec ses voisins » impose des règles de fonctionnement strictes : propriétaires et passagers signent un contrat incluant la gratuité du service et un partage des responsabilités en cas d’accident. Un forum en ligne a été ouvert pour faciliter la mise en relation entre les voisins pour le partage des véhicules. D’autres quartiers de Wuhan ont décidé de lancer des opérations similaires.

Deuxième lauréat : les vélos en libre-service dans l’arrondissement de Minhang et au parc high-tech de Zhangjiang à Shanghaï. Le groupe Forever, constructeur historique de bicyclettes, a mis en place en 2008 un système de location en partenariat avec des organisations de la banlieue de Shanghaï. L’objectif est de proposer un service de mobilité qui permette de palier une offre en transport souvent déficiente en périphérie. Il existe 80 parcs à Zhangjiang (1 200 bicyclettes) et 170 à Minhang (6 000 vélos) dont la gestion est centralisée et informatisée. Selon une enquête à Minhang, les utilisateurs du service, essentiellement des actifs de 20 à 40 ans, y trouvent une solution de mobilité au quotidien. Forever cherche à étendre ce service.

Le troisième prix est allé au programme de mise à disposition de places de stationnement privatives pour un usage public à certaines heures de la journée à Ningbo (arrondissement de Zhenhai). Cette ville a mis en place un dispositif facilitant la mise à disposition gratuite de places de stationnement en permettant, à certaines heures de la journée, l’accès public à des emplacements privatifs. Ces 2 500 places privées en accès public représentent déjà 80 % du total du stationnement public. Par ailleurs, le nouveau dispositif oblige à l’aménagement de places de stationnement public et gratuit dans les nouvelles opérations immobilières.

Ewa

Quelle mobilité dans une ville au climat dégradé ?

Le collectif d’architectes « Et alors » a réfléchi à l’adaptation de la ville après une élévation substantielle – et possible – de la température ou du niveau de la mer. Sa réflexion sur les villes qu’il a « étudiées » après Rennes porte sur la mobilité, le nouveau rapport au temps et les modes de vie, la densité urbaine Le collectif Et alors est formé en 2005 par quatre architectes autour du projet fiction « Rennes + 6 °C », imaginé à l’occasion de leur diplôme de fin d’études. L’objet de cette recherche expérimentale est de questionner le rapport de la ville au changement climatique par l’application d’un climat fiction sur une portion de territoire de la métropole rennaise à l’aide d’une méthodologie et d’outils d’analyse spécifiques. Par la suite, le collectif Et alors développe son approche sur d’autres villes : Dunkerque, Avignon, La Nouvelle-Orléans et puis récemment Paris. Chaque projet aborde le thème de la ville et du climat sous un angle particulier pour se poser de nouvelles questions et évoluer dans la réflexion.

Réfléchir à l’adaptation des villes au bouleversement climatique, c’est aussi imaginer les moyens de minimiser les émissions de gaz à effet de serre. En France, le transport représente environ un tiers des émissions de CO2. Dans les projets du collectif, cet enjeu important entraîne une réflexion globale sur la mobilité, sur les différents modes de transport, sur la temporalité et les modes de vie, sur la densité urbaine…
 

 

Les projets + 6 °C
Une adaptation de la ville à un réchauffement extrême

Le scénario d’un réchauffement de 6 °C du climat terrestre correspond aux prévisions les plus pessimistes du Giec pour 2100. Le climat fiction + 6 °C appliqué sur la ville de Rennes n’est pas une prévision mais un climat possible parmi les fourchettes de probabilités établies par les scientifiques.

Rennes + 6 °C esquisse une ville n’ayant pas cherché à diminuer ses émissions de gaz à effet de serre et qui s’adapte donc à un climat extrême. Dans le projet, par analogie, les conditions de déplacements des habitants dans la ville sont comparées à celles de ceux vivant dans le désert, où la vie est dictée par la recherche de l’eau et de la fraîcheur, et où les oasis créées et entretenues par l’homme offrent des refuges essentiels ponctuant les trajets. L’espace urbain de Rennes est alors transformé pour apporter une hiérarchie d’espaces protégés appelée « réseau climatique ». Dans ce contexte, le métro devient un moyen de transport privilégié car on y voyage à l’abri de la chaleur et du soleil. Chaque station devient une oasis, créant une transition entre le milieu protégé et le milieu extérieur hostile. Les places les plus attractives et fréquentées deviennent ainsi des refuges frais et protecteurs, collectant les eaux pluviales. Ainsi, en considérant la transformation du climat, c’est l’ensemble des mobilités urbaines qui est complètement revisité.

Dunkerque + 6 °C est soumis au même scénario climatique. Une ligne de train suspendue connecte la ville à toute l’aire urbaine transfrontalière et participe à un réseau vaste et structurant de transports en commun, prenant le pas sur la voiture. Ce réseau doit être capable de prendre en charge l’arrivée massive de nouvelles populations, forcées de migrer à cause des changements climatiques, la région tempérée devenant climatiquement attractive.  
 

 

Les projets + 2 °C
Une adaptation de la ville pour un réchauffement atténué

Pour le projet de prospective Paris + 2 °C, l’approche est différente. La commande de la Ville de Paris était d’imaginer une ville qui s’adapte activement pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre et contenir le changement climatique dans une fourchette basse. Ce scénario propose donc une ville transformée où l’offre des transports urbains, les habitudes de déplacements des habitants et le transport des marchandises sont modifiés en profondeur.

Pour accueillir de nouveaux habitants, Paris + 2 °C se densifie et doit proposer plus d’espaces extérieurs à partager, de parcs et de jardins améliorant la qualité de vie en ville. Dans cet exercice, le parti pris est délibérément radical : l’automobile est repoussée de la ville et libère ainsi un potentiel énorme d’espaces redonnés aux habitants. Pour contrebalancer cette proposition, les transports en commun et le vélo deviennent les modes de déplacements densifiés.

Cette proposition est imaginée car Paris est une ville très dense, avec environ 20 000 habitants au km². Une telle compacité urbaine permet des transports en commun efficaces, largement valorisés dans le projet Paris +2 °C. Ainsi, le métro s’ouvre à la ville pour ne plus être uniquement un lieu de transport souterrain mais également un lieu de vie. On voit donc dans le 5e arrondissement la station de Cluny s’ouvrir directement sur le square et accueillir une bibliothèque universitaire, le métro s’aère et participe à la vie urbaine. De même, au bois de Boulogne, la ligne 2 est prolongée et dessert directement ces espaces de loisirs, frais et ombragés. Le tramway est également valorisé, un nouveau modèle « à impériale » permet de densifier l’offre de transports et participe à l’attrait touristique de la ville.

Dans Paris + 2 °C, le vélo prend alors toute sa place. Il est d’ailleurs d’autant plus agréable et sécurisant de se déplacer à bicyclette dans une ville sans voitures. A l’image des habitudes des pays nordiques, le vélo organise la ville : le Vélib’ est démultiplié, des parkings à vélos à étages sont proposés, des voies cyclables rapides à hauteur des toits permettent de relier la porte de Clignancourt à la porte d’Orléans en moins de 20 minutes.
Comme le montrent les illustrations, le transport de marchandises est relayé par le tramway, et densifié sur la Seine. L’image du périphérique devenu parc montre également le souci de développer un nouveau rapport entre Paris et sa périphérie. Enfin, ce projet fiction s’enrichit de nouveaux modes de transport occupant le ciel ; on peut alors voir un téléphérique relier les gares entre elles ou bien une nouvelle génération d’aérostats transporter des voyageurs et des marchandises.

Au travers de ces différents projets de ville, Et alors propose une fiction d’un urbain accueillant, d’une ville dense où se déplacer devient l’expérience d’une mobilité diversifiée. Cette fiction délibérément utopique participe à la construction d’une représentation collective de la ville de demain. De nombreuses thématiques de recherche sur les mobilités restent à explorer : qu’en est-il du monde rural, comment peut-il s’organiser et développer des alternatives à l’étalement urbain ? Que provoque le rapprochement des villes du monde grâce à l’avion qui réduit les distances et bouleverse complètement le rapport au voyage et au temps ? Le travail est alors un questionnement continu, qui rebondit sur de nouveaux champs de réflexion et cherche à ouvrir les expérimentations et les terrains d’actions à de nouvelles perspectives.
 

 

 

 

Rennes + 6 °C
 

Comment nous déplacerons-nous sous un climat parfois ultrachaud ? La voiture individuelle est-elle toujours viable ? Le climat urbain et la qualité de l’air transformeront-ils nos habitudes de déplacements ? Quelle place doit-on accorder à la voiture dans Rennes +6 °C ? Faut-il adapter les espaces de la voiture au nouveau climat en favorisant les parkings couverts protégés des surchauffes ou bien exclure la voiture de la ville ? Doit-on faire confiance à la science et attendre la voiture verte ? Les parkings et les voiries peuvent-ils être investis pour construire la nouvelle ville + 6 °C ?

Une rue de maisons de ville
Dans un quartier résidentiel, l’action climatique de base consiste :
• à augmenter la perméabilité des sols en réduisant la circulation des voitures sur deux bandes bitumées ;
• à planter des arbres le long des rues pour fournir de l’ombre aux maisons et aux déplacements des piétons ;
• à drainer l’eau par un système de noues et de végétations filtrantes.

Le parking « éponge » Alma
Le parking de ce centre commercial est un lieu très critique climatiquement de par sa surface bitumée, l’absence d’eau et de végétation. Dans Rennes + 6 °C, la présence de l’automobile n’est pas remise en question. L’intervention consiste à adapter le parking et à le convertir en une surface éponge filtrante et récupérant l’eau. Tout le parking est végétalisé, investi d’arbres créant de l’ombre, et le sol perméabilisé par un système de gazon armé.
 

 

 

 

Dunkerque + 6 °C
 

Le panorama de Dunkerque se transforme progressivement. La place de la voiture est minimisée pour permettre la perméabilisation des sols et lutter contre le phénomène de l'« îlot de chaleur urbain ». Un train suspendu relie Dunkerque à Lille et à Bruxelles. C’est un axe support à une nouvelle urbanisation qui structure la métropole transfrontalière.
 

 

 

 

La Nouvelle-Orléans + 1 m
 

Ce projet, lauréat de la bourse de la fondation EDF Diversiterre en 2009, est une recherche sur l’évolution d’un territoire urbain menacé par l’augmentation des risques cycloniques. Dans un scénario désirable, la ville coexiste avec son environnement, les autoroutes surélevées sont utilisées pour le passage des tramways et habitées par une nouvelle typologie d’habitats plus denses, une alternative à l’étalement urbain participant à la vulnérabilité de la ville face aux inondations.
 

 

 

 

Paris + 2 °C
 

9e arrondissement
Le carrefour du boulevard Haussmann et de la rue du Havre. Livraison matinale des Grands Magasins.
Pendant la nuit, lorsque le transport des passagers est réduit, les lignes de tramway sont utilisées pour les livraisons de marchandises. Les palettes sont déposées sur le trottoir, où une équipe logistique prend le relais et achemine les marchandises dans les zones de stockage en sous-sol. Les petits commerces et les particuliers utilisent ce service de livraison grâce aux différentes places relais parsemées dans tout Paris. La rue est aménagée pour permettre le déplacement des vélos sur des voies rapides. Au petit matin, le bd Haussmann est animé par le ballet des cyclistes parisiens se rendant sur leur lieu de travail.

1er arrondissement
La Seine et le pont Neuf depuis le pont des Arts.
La Seine redynamisée.
La Seine accueille de nombreux usages : déplacements, loisirs et production d’énergie. Se côtoient les transports de marchandises locales comme le bois pour la construction et les récoltes des maraîchers locaux se rendant au marché flottant, les sites de loisirs (baignade, activités nautiques, etc.), ou encore les hydroliennes submergées exploitant la force du courant pour produire de l’énergie. Les navettes fluviales et les bateaux taxis transportent les voyageurs quotidiennement. Chaque station d’embarquement est directement connectée à la ville et au réseau de transport terrestre. Une ligne de téléphérique relie la station Montparnasse aux stations Gare-du-Nord et Gare-de-l’Est.

17e arrondissement
Le boulevard périphérique depuis la porte Maillot.
Le parc périphérique.
Le boulevard périphérique est une emprise stratégique de 35 km de long n’ayant plus de vocation routière. Il devient un parc circulaire aux multiples fonctions, intégrant de nouveaux modes de transport et reconnectant Paris à sa banlieue. Une double voie de tramway, une voie cyclable rapide et une promenade piétonne occupent le « lit » du parc périphérique sur toute sa circonférence. A chaque porte, des pôles multimodaux mettent en relation ces transports circulaires avec les transports pénétrant dans la capitale. Les connexions sont repensées pour passer simplement d’un transport à l’autre. Le vélo a, par exemple, sa place dans tous les wagons.

7e arrondissement
Les toits de Paris, rue de Grenelle. Paris sur les toits.
Au-dessus des toits, un réseau de circulation permet aux Parisiens de se déplacer sur la ville. Ces grandes traversées permettent aux cyclistes de rejoindre, par exemple, la porte d’Orléans à la porte de Clichy en moins de 25 minutes.

Ewa

Les architectes font bouger les lignes du Grand Paris

Le 18 novembre, les architectes de l’Atelier international du Grand Paris ont versé leur contribution à la question des transports du Grand Paris. Avec leurs 24 lignes de grand métro, l’exigence d’une gouvernance de la mobilité, le projet de ligne de métro en viaduc au-dessus de l’autoroute ils jettent un beau pavé dans la mare. Comme s’il n’y avait pas assez d’un double débat public, les architectes de l’Atelier international du Grand Paris ont mis les pieds dans le plat en présentant leur propre vision du futur réseau francilien de transport. Des propositions jugées « décoiffantes » par Pierre Mansat, l’adjoint au maire de Paris chargé de Paris Métropole et des relations avec les collectivités territoriales.

Et pourtant, on ne peut pas dire que le dossier des transports d’Ile-de-France était sagement peigné. Entre le coup de gueule de la Cour des comptes, la cacophonie des projets, et l’urgence que chacun ressent, on n’a pas le temps de s’ennuyer. Mais les deux projets concurrents mis parallèlement au débat public, Arc Express, et la Double Boucle, restent sur un terrain institutionnel et technocratique, dont les acteurs sont, outre l’État et le conseil régional, la Société du Grand Paris, le Stif, RFF, la SNCF ou la RATP. Les architectes donnent enfin du souffle à l’idée de Grand Paris. Et tant pis, ou tant mieux, s’ils ajoutent des dissonances à la cacophonie. Au point où on en est, autant aller jusqu’au bout et Roland Castro, à l’aise dans ce joyeux bazar qui devait lui rappeler ses jeunes années, n’a pu s’empêcher en ouverture de la conférence de presse du 18 novembre, de prendre le micro pour lancer un tonitruant « Camarades… »

Donc un vent nouveau. Que proposent les architectes ? Comme le dit Bertrand Lemoine, le directeur général de l’Atelier international du Grand Paris (AIGP), c’est, plus qu’un projet, « un scénario, une attention, une esquisse pour aller vers… ». Une des grandes forces de ce scénario élaboré par dix équipes qui, justement, n’ont pas pour habitude de faire équipe, c’est qu’il est « partagé ».

Les architectes se sont appuyés sur trois principes. Un, interconnecter tous les modes de déplacement. Deux, s’appuyer sur l’existant, mais en lui donnant une vision globale, stratégique. Trois, desservir tous les territoires, en proposant un maillage à trois niveaux, ou à trois vitesses.

On ne crée donc pas ex nihilo, mais conformément à ce qu’a demandé le chef de l’État, on va bâtir la ville sur la ville. Les 24 lignes de « grand métro » proposées existent pour la plupart ou sont en projet. Mais dans les projets, les architectes ont grappillé, choisi, modifié. On trouve un peu d’Arc Express, un peu de Double Boucle, et des idées nouvelles. L’exercice est d’autant mieux venu que, entre les deux rocades ferrées au débat, le temps est venu d’inventer la synthèse, exercice auquel s’est livré pour sa part Jean-Paul Huchon.

Selon Jean-Marie Duthilleul, l’enjeu est de « faire de ce territoire une ville », ce qui recoupe en grande partie la question : « comment bouger là-dedans », afin d’aller « de partout à partout ». La principale réponse c’est « le plan de grand métro du grand Paris ». Ce plan manifeste qu’on « est donc dans le même territoire. »

La présentation de Duthilleul est complétée par les autres architectes : Christian de Portzamparc invite à sortir d’une logique « néoindustrielle », où l’on traite les questions par modes, pour avoir une « gouvernance de la mobilité ». Yves Lion veut en finir avec la confrontation SNCF – RATP. David Mangin rappelle la nécessité d’optimiser l’existant. Jean Nouvel, qui souligne qu’on a perdu du temps, considère maintenant que l’affaire est repartie, sans doute depuis que Christian Blanc, dont il avait demandé instamment le départ, a été contraint à la démission. Roland Castro juge que l’équipe, constituée de « 500 intellectuels », était marginalisée, mais qu’on assiste à un nouveau départ, à un acte fondateur.

Les 24 lignes de grand métro illustrent la volonté de faire système. D’autant que l’objectif serait de les « cadencer », de faire plus précisément qu’elles passent à la fréquence d’un métro. Le système, on le verrait aussi sur les autoroutes urbaines, ouvertes à des lignes de transport collectif. La volonté de faire système, on l’entend encore dans des idées qui peuvent sembler naïves comme celles d’un seul et même opérateur en Ile-de-France. Techniquement cela fait sourire les vieux de la vieille du transport, qui voient bien qu’on confond autorité organisatrice et exploitant, mais on sent venir sous les fausses naïvetés l’exigence d’une autorité organisatrice extrêmement forte, ayant pouvoir sur tous les modes, et capable d’imposer sa volonté aux opérateurs.

Chez l’un d’eux, d’ailleurs, fortement réticent, on relève mezza voce les points faibles de cette vision. Par exemple, le viaduc de métro au-dessus de l’autoroute A86 et de l’A1 : on remarque qu’on n’a jamais fait ce type de réalisation sur une autoroute en exploitation, qu’on en ignore les coûts et les nuisances. On remarque aussi le faux-semblant qui consiste à présenter comme système unique cadencé un réseau fait de bric et de broc. Au moins les métros automatiques en débat, qu’il s’agisse de celui du Grand Paris ou d’Arc Express sont des systèmes cohérents… La société du Grand Paris, pour sa part, a prudemment rappelé qu’elle « prendra en compte tous les avis exprimés pendant le débat public pour établir le schéma d’ensemble du futur réseau de transport du Grand Paris. »

Qui va entendre les architectes ? Ils ont été reçus par le chef de l’État, qui a demandé que soient examinées précisément des propositions qu’ils chiffrent à 25 milliards d’euros, 10 milliards de moins que les premières estimations… L’AIGP devrait trouver aussi un interlocuteur de choix en Paris Métropole, le syndicat d’études créé à l’initiative de Pierre Mansat, qui regroupe désormais 169 communes de banlieue, et se veut une agora des élus, de droite comme de gauche. Pas trop empêtrée pour l’instant dans les enjeux institutionnels, elle peut aussi faire bouger les lignes. Le nouveau président de Paris-Métropole Jacques J.P. Martin, maire (UMP) de Nogent-sur-Marne, était d’ailleurs présent à la conférence de presse de l’AIGP. Alors, avec dix stars confortées par 170 notables, est-ce que l’imagination va prendre le pouvoir ? C’est Roland Castro qui serait content. Pourquoi pas les Parisiens du Grand Paris aussi ?

Ewa

Coordination urbanisme-transport : regards croisés sur quatre agglomérations suisses et françaises

Plusieurs chercheurs de l’Inrets, de l’Institut d’urbanisme de Paris et de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne ont analysé les documents de planification urbaine, les études et les projets de transport élaborés au cours des cinquante dernières années dans quatre agglomérations en Suisse et en France : Berne, Genève, Bordeaux et Strasbourg. Deux de leurs confrères se sont penchés sur leurs recherches et nous livrent leurs remarques. L’idée selon laquelle une meilleure coordination entre les politiques de transport et d’urbanisme est une des conditions d’un développement urbain durable est largement admise par les chercheurs, les professionnels et les responsables politiques. Si les objectifs de réduction des circulations motorisées, de maîtrise des consommations d’énergie ou de lutte contre les ségrégations socio-spatiales en ont renouvelé les enjeux, la question du lien entre le développement des réseaux de transport, l’organisation des flux de déplacements et les formes urbaines est pourtant loin d’être nouvelle. En témoignent, par exemple, les travaux de Haussmann ou de Cerdà, ou encore le projet de la fameuse « Ciudad Lineal » (cité linéaire) de l’urbaniste Arturo Soria y Mata. Au cours des cinquante dernières années, les objectifs qui sous-tendent ce principe d’aménagement ont néanmoins largement évolué. Ainsi, la vision moderniste d’une organisation urbaine amplement dédiée à l’écoulement des flux automobiles a-t-elle fait place à une conception nouvelle, où « l’urbanité » est devenue une valeur essentielle de la conception des voies et du partage des espaces de circulation entre les différents modes de transport (Wachter, 2003).

Dans une recherche comparative entre la France et la Suisse, récemment publiée dans les collections de l’Inrets, nous nous sommes intéressés à la manière dont les acteurs en charge des politiques de transport et de la planification urbaine dans plusieurs grandes agglomérations ont appréhendé ce changement de perspective, de la « ville automobile » à la « ville durable ». Plusieurs chercheurs de l’Inrets, de l’Institut d’urbanisme de Paris et de l’EPFL ont analysé les documents de planification, les études et les projets élaborés au cours des cinquante dernières années dans quatre agglomérations en Suisse et en France : Berne, Genève, Bordeaux et Strasbourg. Cette analyse documentaire a par ailleurs été complétée par des entretiens semi-directifs avec les acteurs locaux du présent et du passé sur les différents sites.

La question du changement de politique était au cœur de notre réflexion. Comment les enjeux, les conceptions et les pratiques locales de la coordination entre transport et urbanisme ont-ils évolué ? Quels sont les facteurs qui favorisent la coordination et, à l’inverse, peut-on identifier les sources d’inertie et de segmentation de l’action publique ? Pour répondre à ces interrogations, nous avons reconstitué les trajectoires des politiques de transport et d’urbanisme des quatre agglomérations depuis la fin des années 1960, en identifiant l’évolution des enjeux, des moyens et des dispositifs de coordination caractérisant les deux secteurs d’action. Il en ressort plusieurs aspects.
 

 

1/ Les doctrines d’action sont fortement influencées par les cultures nationales et les contextes locaux

A première vue, les quatre trajectoires urbaines révèlent une évolution assez similaire des idées, des valeurs et des principes d’action relatifs à la coordination entre transport et urbanisme. D’une région urbaine à l’autre, la ressemblance des discours et des argumentaires qui encadrent ou justifient le bien-fondé de l’intervention publique atteste de la force de doctrines globales, largement diffusées à l’échelle internationale dans les milieux professionnels. Une analyse plus approfondie révèle cependant l’influence des cultures nationales et le poids des contextes locaux dans la mise en œuvre de ces principes généraux.

Les conceptions du fait urbain ont ainsi inspiré des politiques d’aménagement du territoire initialement très différentes en Suisse et en France.

En Suisse, l’aménagement du territoire fut, à l’origine, influencé par des idéologies anti-urbaines, renvoyant aussi bien à des considérations d’ordre moral qu’à une peur de la domination politique des villes. Sur le plan idéologique, on retrouve par ailleurs l’influence des doctrines ruralisantes de la première moitié du XXe siècle (Walter, 1994). C’est en référence au principe d’autosuffisance alimentaire qui s’impose dans les années 1940 qu’est votée en 1952 la loi fédérale sur la protection agricole, dont les différentes traductions cantonales ont eu pour effet de limiter l’extension urbaine. La rareté du sol et la protection des ceintures vertes agricoles se sont ainsi durablement imposées comme des principes directeurs de l’aménagement du territoire, notamment dans les espaces les plus contraints, comme celui du canton de Genève.

Alors que la prise en compte de la spécificité des espaces urbains est récente en Suisse, en France, la question urbaine fut constitutive du renouveau de la politique nationale d’aménagement du territoire dans les années 1960. Cette politique se fondait initialement sur des objectifs et des outils de redistribution de la croissance économique et de rééquilibrage entre Paris et les grandes agglomérations de province. Les schémas de développement et d’aménagement urbain (SDAU) des années 1970 renvoient à une approche hiérarchique de la croissance urbaine, où le développement urbain périphérique est conçu comme un moyen de limiter le poids du centre, voire de compenser les conséquences de l’exode rural qui s’est accéléré dans les années 1950. Dans cette approche, la rareté du sol ne constitue pas un facteur limitant de l’expansion urbaine, en dehors de contextes locaux très spécifiques.

La comparaison franco-suisse nous a par ailleurs permis de questionner l’influence relative de la sensibilité environnementale en matière de planification urbaine et de politique de transport.

La prise en compte de la question environnementale en Suisse est ancrée dans une tradition ancienne d’intervention publique pour la protection du paysage. De la fin du XIXe siècle et jusqu’aux années 1960, cette régulation s’est fondée sur la protection d’éléments ponctuels qui participent de la constitution d’un « paysage national » (Nahrath, 2008). Dans les années 1960, la prise de conscience d’une forte augmentation de la pression exercée par les activités humaines sur l’environnement a incité la mise en place d’une véritable politique fédérale de protection du paysage. La loi sur l’aménagement du territoire (LAT) de 1979 est directement influencée par ces enjeux paysagers, à travers la lutte contre le mitage par les constructions et la protection des zones sensibles. Puis les années 1980 marquent un tournant dans l’appréhension de la question environnementale, en formulant de manière globale les problèmes de pollution atmosphérique. Dans le contexte très médiatisé des « pluies acides », qui entraîne la convocation d’une séance extraordinaire du Parlement de la Confédération helvétique, l’accent est mis sur la régulation des émissions polluantes liées à l’industrie et au trafic motorisé. La réduction des nuisances environnementales figure ainsi parmi les enjeux du projet de modernisation du réseau ferroviaire suisse, Rail 2000, adopté à la suite d’un vote national en 1987. Par ailleurs, le vote de la loi fédérale sur la protection de l’environnement, en 1983, s’accompagne de la définition de normes de bruit et de pollution qui visent à limiter le développement de l’urbanisation là où les seuils maximaux sont dépassés.

Comparativement, la prise en compte à l’échelle nationale de la protection de l’environnement dans le champ des transports et de l’urbanisme est beaucoup plus tardive en France. Il faut attendre le vote de la loi sur l’air et l’utilisation rationnelle de l’énergie, en 1996, pour que la question de la réduction des émissions du trafic automobile inspire un renouveau de la planification locale des déplacements, à travers la relance des plans de déplacements urbains (PDU). Quelques années plus tard, la loi d’orientation sur l’aménagement du territoire (loi Voynet) et la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU) déclinent les enjeux de développement durable en un certain nombre d’objectifs relatifs à la maîtrise des circulations automobiles, à l’équilibre entre développement et renouvellement urbain et à l’urbanisation prioritaire des zones les mieux desservies par les transports collectifs.

Si le poids de la question environnementale dans la promotion de modes alternatifs à la voiture particulière semble indiscutable, en Suisse comme en France, son rôle dans la mise en œuvre de politiques coordonnant urbanisme et transports apparaît plus ambigu. L’analyse des plans de déplacements urbains issus de la loi sur l’air, en France, avait déjà souligné la faiblesse de l’appropriation locale des objectifs globaux de maintien de la qualité de l’air et d’utilisation rationnelle de l’énergie (Offner, 2003). On peut par ailleurs souligner une certaine incompatibilité entre le recours au zonage, qui dérive de l’application de normes de bruit, de pollution ou de critères de protection des zones naturelles et la recherche d’une articulation optimale entre formes urbaines et réseaux de transport, qui s’appuie sur des critères de mixité entre zones d’habitat et d’activités. Afin de lutter contre le risque de segmentation urbaine découlant des zonages, le canton de Berne a récemment mis en place un critère dit de « pondération des trajets », tenant compte du trafic généré par la création de nouvelles activités dans le choix de leur implantation.
 

 

2/ La cohérence institutionnelle n’est pas un préalable au changement, mais une conséquence du changement

La mise en œuvre de politiques coordonnant la planification urbaine et le développement des réseaux de transport ne dépend pas seulement de l’évolution des enjeux énoncés à l’échelle nationale, ni des priorités définies à partir des contextes locaux. L’architecture institutionnelle joue également un rôle important, en établissant les règles du jeu des acteurs impliqués dans l’élaboration de ces politiques. En France, l’idée communément admise est que le morcellement institutionnel constitue un obstacle à la définition et à l’application de politiques publiques cohérentes. Un des principaux leviers du changement reposerait donc sur la réforme des institutions territoriales. La comparaison entre la France, Etat-nation ayant progressivement décentralisé ses compétences, et la Suisse, Etat fédéral dont le système politico-administratif n’a que très peu évolué au cours de la période, s’est révélée particulièrement pertinente pour mettre à l’épreuve cette assertion vis-à-vis de la coordination entre transport et urbanisme.

Ainsi l’existence d’institutions intégrant les compétences de transport et d’urbanisme à l’échelle de l’agglomération ne suffit-elle pas à la mise en œuvre de politiques coordonnées. En attestent tout d’abord les trajectoires des deux agglomérations françaises, Strasbourg et Bordeaux, qui furent dotées par l’Etat de communautés urbaines à la fin des années 1960. Malgré l’existence de ces structures de coopération intercommunale intégrées, ce sont les communes qui conservent, pour l’essentiel, le pouvoir décisionnel en matière d’urbanisme, alors que la structure communautaire a été mise à profit pour développer les services de transports urbains et gérer un certain nombre de voiries structurantes. Le stationnement et l’entretien de la voirie communale restent également du ressort des communes. La segmentation géographique et technique des compétences a été renforcée par la résistance des élus locaux face à la création autoritaire des communautés urbaines. Dans les deux agglomérations, un pacte politique fondé sur le principe de non-ingérence de la structure communautaire dans les affaires communales a permis d’en neutraliser tout caractère contraignant. Ce mode de fonctionnement consensuel se traduit notamment par l’absence de priorités d’aménagement définies collectivement et qui pourraient s’imposer aux stratégies de développement communales.

La segmentation sectorielle est également très marquée dans le cas genevois, mais à la différence de ce que l’on peut observer dans les deux agglomérations françaises, elle n’est pas associée à un morcellement géographique du pouvoir politique. Au contraire, le canton de Genève est l’un des cantons en Suisse où l’autonomie des communes est la plus faible, les marges de manœuvre de ces dernières en matière d’aménagement de l’espace comme d’organisation des transports étant très limitées. Malgré cette double intégration technique et géographique des compétences, on assiste depuis les années 1980 à une sectorisation croissante des procédures et des projets, en particulier dans le champ des transports. Le renouveau des réflexions sur les transports publics, qui s’est accompagné au début des années 1990 d’une réflexion sur la circulation dans le canton de Genève et la politique de report modal (Circulation 2000), ne fait aucune référence aux problématiques d’urbanisme. A partir de cette période, les plans directeurs de transports et les projets d’aménagement, auparavant regroupés au sein du plan directeur cantonal, ont par ailleurs été élaborés séparément (Kaufmann, Sager, Ferrari et Joye, 2003).

Par ailleurs, le cas de Berne montre que la coordination urbanisme-transport peut émerger en l’absence d’institutions intégrées à l’échelle de l’agglomération. A l’inverse de Genève, et comme dans la plupart des autres cantons suisses, l’autonomie communale dans le canton de Berne est importante : ce sont les communes qui sont compétentes en matière d’aménagement de leur territoire, d’organisation des services de transports urbains et de stationnement. L’une des originalités du contexte bernois tient, par ailleurs, à l’existence de plusieurs régions d’aménagement et de développement, créées dans les années 1970 sous forme d’associations communales regroupant la quasi-totalité des communes du canton. Pendant une vingtaine d’années, le rôle de l’association communale de l’agglomération de Berne, la Verein Region Bern (VRB), s’est essentiellement limité à la représentation des intérêts des communes auprès du canton. La réforme institutionnelle destinée à renforcer les prérogatives de l’association en matière de développement et d’aménagement de l’agglomération n’a été engagée qu’à partir des années 1990 et sans remettre en cause les principes de libre adhésion et d’autonomie communales – toute tentative inverse se heurtant à une forte opposition des citoyens comme des élus. Parallèlement, le canton de Berne, à la suite du vote de la loi sur les transports publics de 1993, a incité à la création de conférences régionales des transports afin d’améliorer la mise en cohérence des offres de transports publics aux différentes échelles et de favoriser la coordination entre transports publics et individuels. La Conférence des transports de Berne (RVK4) a été créée en 1994 et regroupe 87 communes.

Les réorganisations institutionnelles à visée intégrative sont donc postérieures aux pratiques de coordination urbanisme-transport qui émergent à l’échelle de l’agglomération de Berne à partir des années 1980, aussi bien dans les démarches de planification (à l’échelle régionale comme à l’échelle cantonale) que dans l’élaboration des projets. L’institutionnalisation progressive de la coordination, à Berne, procède d’un compromis constamment renégocié entre efficacité des structures de gouvernance et défense de la démocratie de proximité.
 

 

3 Loin de l’image statique de la cohérence, la coordination apparaît comme un processus de régulation des décalages entre le développement des réseaux, la croissance urbaine et l’évolution des mobilités

Au-delà des aspects idéologiques et institutionnels, les changements d’orientation et de pratiques en matière de coordination urbanisme-transport sont fortement influencés par les jeux d’acteurs locaux et la manière dont ils défendent leurs intérêts.

L’histoire témoigne, par exemple, du poids des logiques économiques dans le développement des grands réseaux techniques urbains, qui doit beaucoup à l’initiative et aux intérêts privés. Ces réseaux s’étendirent d’abord là où la demande était solvable, dans les zones les plus densément peuplées. A l’inverse, dans les zones où ces réseaux risquaient d’induire une urbanisation nouvelle et de créer des valeurs foncières, les propriétaires urbains se montrèrent généralement hostiles à leur extension (Gaudin, 1989). Dans ce contexte, le zonage s’est peu à peu imposé comme un moyen de justifier l’action publique et d’en clarifier les règles pour les propriétaires : l’expropriation par zone permettait de contrôler les prix du foncier et les densités résidentielles. Selon Gabriel Dupuy (1991), cette généralisation du zonage a contribué à reléguer les réseaux « dans une fonction subalterne de technique circulatoire », retardant l’avènement d’un « urbanisme réticulaire », exploitant pleinement les avantages issus du développement des réseaux urbains.

L’analyse des jeux d’acteurs locaux atteste en effet de l’importance des conflits d’intérêts qui opposent une « vision aréolaire » de l’aménagement urbain, définie par des zones et des frontières, à une « vision réticulaire », qui transgresse les frontières pour tenir compte du développement des réseaux et des flux. C’est de la confrontation de ces visions contradictoires qu’émergent les tentatives de conciliation qui aboutissent, selon les périodes et selon les degrés de tension ou de discordance, soit au renforcement des logiques de frontière, soit à l’articulation d’intérêts territorialisés. En d’autres termes, loin de la conception idéalisée et statique de la cohérence entre transport et urbanisme, les pratiques de la coordination relèvent d’un processus de régulation des décalages entre le développement des réseaux, l’évolution de leurs usages et la croissance urbaine.
La trajectoire bernoise est particulièrement illustrative de cette quête d’équilibre constamment renégociée. Malgré le lissage opéré par le temps – les acteurs interrogés parlent volontiers des trente années de pratique de la coordination urbanisme-transport à Berne –, l’histoire des politiques locales met en évidence les tensions et les conflits qui ont émaillé chaque étape du processus. La coordination urbanisme-transport résulte d’un élargissement progressif des problématiques, de l’aménagement de la ville-centre à celui de l’agglomération puis du canton.
 
Les agglomérations transfrontalières offrent des exemples particuliers du poids des jeux d’intérêts locaux dans la coordination entre transport et urbanisme, en raison de l’influence exercée par les différentiels de salaires, les coûts du foncier et la fiscalité locale. Les situations des agglomérations de Strasbourg et de Genève sont, à cet égard, très différentes : alors que l’attraction de Strasbourg ne s’exerce que faiblement sur le territoire allemand, celle de Genève déborde en effet largement les limites cantonales du côté français.

Dans le cas de Genève, les questions d’aménagement urbain et de déplacements sont particulièrement prégnantes dans les relations entre les collectivités suisses et françaises. Les dysfonctionnements croissants du système de transports genevois, qui ont orienté les priorités cantonales vers l’amélioration de l’offre de transports publics au cours des années 1980, apparaissent comme indissociables de la prise en compte effective, dans les documents de planification, de l’échelle de l’agglomération transfrontalière.

Depuis la fin des années 1980, l’accélération de l’étalement urbain s’est en effet accompagnée d’une forte augmentation des flux pendulaires entre la Suisse et la France, provoquant l’engorgement des voies routières d’accès à Genève. La mise en place d’un mode de transport collectif lourd entre la Suisse et la France devient une priorité. Dans les années 1990, un projet de réalisation d’un réseau express régional est élaboré. L’intervention d’un nouvel acteur sur la scène locale, la Coordination économique et sociale transfrontalière (CEST), se révèle décisive dans l’amorce de négociations franco-suisses autour de la mise en place d’une desserte transfrontalière en transports collectifs. Cette organisation, qui cherche à favoriser la concertation entre les syndicats implantés de part et d’autre des frontières nationales, défend les intérêts spécifiques des travailleurs frontaliers selon une logique d’action qui vise à amoindrir le caractère hermétique des frontières nationales. Toutefois, malgré l’efficacité de sa médiation, les négociations entre le canton de Genève et les communes de l’agglomération annemassienne s’enlisent, chacune des parties renvoyant à l’autre une fin de non-recevoir à propos du financement de la ligne. Il faut attendre le début des années 2000 pour que soit relancé un projet de ligne ferroviaire entre Genève et Annemasse, le projet Ceva.
 
Au cours des dix dernières années, le renouveau de la planification stratégique territoriale à l’échelle de l’agglomération franco-valdo-genevoise témoigne d’une volonté commune des autorités suisses et françaises de faire progresser la coopération transfrontalière. Le jeu d’intérêts a évolué en faveur d’un rééquilibrage du rapport de force entre les communes françaises et le canton de Genève. En échange de leur contribution à l’amélioration de l’offre de transports publics, les communes françaises réclament un desserrement de l’emploi sur leur territoire. La brutalité avec laquelle le canton de Genève a pris l’initiative sur le projet Ceva ne facilite pourtant pas les négociations. Les communes françaises, non compétentes en matière de desserte ferroviaire, ont été dessaisies des discussions au profit de la région Rhône-Alpes et de l’Etat français. Face aux réticences de la France à participer au financement de la ligne, le canton de Genève a menacé de ne plus abonder les « fonds genevois », mis en place dans les années 1970 afin de compenser les coûts d’équipements publics liés à l’importance des actifs transfrontaliers résidant en France. L’avenir de Ceva, fer de lance de la politique d’aménagement transfrontalière, ne semble donc pas totalement scellé.

 

 

 

LE CHANGEMENT PAR LA POLITIQUE

 

Au-delà des visions idéales de la « cohérence » urbanisme-transport véhiculées par les documents de planification, les histoires locales révèlent à la fois la diversité des points de vue et de leur agencement et l’importance des conflits idéologiques relatifs à la question du rapport entre ville et transports. Ainsi, en 1972, à Berne, le rejet par votation populaire du projet d’autoroute urbaine de la H-Lösung, qui marque le début de la « trajectoire bernoise », intervient quelques mois seulement après l’acceptation d’un autre projet d’aménagement, celui de la Bubenbergplätz, qui accordait tout l’espace de circulation aux automobiles au détriment des piétons, renvoyés à des passages souterrains. De même, à l’heure actuelle, la coexistence de plusieurs registres de légitimité des politiques de transport et d’urbanisme, se référant à la compétition métropolitaine, à la protection de l’environnement ou à la lutte contre les inégalités sociales, rappelle que le débat sur les objectifs et sur les moyens de gérer les mobilités spatiales, ou la nécessité de les réguler, est loin d’être tranché.

Or c’est bien de la confrontation de ces différents registres de légitimité et de l’expression de conflits d’intérêts que peuvent émerger les tentatives de conciliation et de coopération des acteurs. La coordination entre transports et développement urbain ressort finalement comme étant un cas particulier d’un problème d’ordre plus général, relatif aux capacités de régulation par les pouvoirs publics locaux de réseaux et de mobilités qui, par essence, débordent leurs périmètres de compétence.

Sur le pan institutionnel, c’est donc bien la question de la coopération entre les acteurs territoriaux qui prédomine, plutôt que la création d’institutions « cohérentes par construction », qui seraient à nouveau rapidement dépassées par les dynamiques socio-spatiales, dans leurs périmètres comme dans leurs compétences.

Sur le plan conceptuel, les représentations actuelles de la cohérence urbanisme-transport cantonnent la réflexion urbaine sur la quête de solutions radicales, structurelles, déconnectées des usages comme des conditions d’appropriation de nouveaux choix d’aménagement par les acteurs politiques. Le modèle de la « ville durable », fortement inspiré des exemples suisses et allemands d’un urbanisme favorable à un usage élevé des transports collectifs, néglige les problématiques relatives au développement urbain et à l’aménagement des espaces les plus dépendants de la voiture particulière. En France, les outils de la planification urbaine séparent désormais la programmation des axes routiers de celle des infrastructures ferroviaires. En faisant de la route un sujet tabou, incompatible avec le modèle de la « ville durable », le risque est d’empêcher certaines questions de constituer des problèmes politiques, en particulier l’adaptation des espaces périurbains, a priori vulnérables du point de vue de la dépendance énergétique et du vieillissement des populations.

 

Par Caroline GALLEZ, chercheuse à l’Institut national de recherche sur les transports et leur sécurité (Inrets), laboratoire Ville-Mobilité-Transport, université Paris Est, et Vincent KAUFMANN, professeur de sociologie, directeur du laboratoire de sociologie urbaine, Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL)

Ewa

Les opposants à Stuttgart 21 ne désarment pas

Malgré la nomination d’un médiateur et l’ouverture d’une table ronde, la contestation reste toujours aussi forte. Les détracteurs de la grande gare défendent un contre projet, présenté comme moins coûteux et mieux adapté à l’évolution du trafic. Des adolescents en larmes, aveuglés par du spray au poivre. Des policiers, matraque au poing, qui chargent sans ménagement des manifestants. Et un retraité, dont les yeux sont sortis de leurs orbites, sous la pression des canons à eau. Ce jour-là, la manifestation contre le projet de grande gare à Stuttgart tourne à l’affrontement. Les images diffusées en boucle font la une partout en Allemagne et poussent la Chancelière Angela Merkel à s’immiscer dans cette querelle qui attire chaque semaine des dizaines de milliers de personnes dans les rues de la capitale souabe.

Un médiateur est nommé pour tenter de trouver une issue. Sous sa houlette, le premier round de discussions est retransmis en direct à la télévision : sur la chaîne régionale SWR, tous les records d’audience sont battus. Après les tensions, l’heure est à l’apaisement : « les gens nous regardent, alors tâchons de nous comporter convenablement », lance Heiner Geißler, le médiateur. Mais ces six heures de discussion ont surtout montré une chose : les deux parties défendent des points de vue difficilement conciliables.

L’exercice d’équilibrisme s’annonce d’autant plus difficile que pas moins de dix groupes d’opposants sont assis autour de la table. Ecologistes, riverains mécontents, mais aussi l’association des usagers Pro Bahn ou le Verkehrs Club Deutschland, le principal lobby du rail figurent parmi les adversaires de la nouvelle gare.

L’argument central, c’est le coût des travaux : « au moins 10 milliards d’euros », affirment-ils, deux fois plus que prévu et « à la charge du contribuable ». Le prix de la nouvelle ligne à grande vitesse Wendlingen – Ulm, prévue par le projet, aurait été largement sous-évalué.

Autre grief, sur le fond cette fois : Stuttgart 21 n’offrirait pas davantage de capacités que la gare actuelle. « Aujourd’hui, il faut quatre minutes à un ICE pour changer de direction. La gare de Stuttgart est considérée comme le terminus le plus rapide d’Allemagne. Pourquoi devrait-elle disparaître ? », questionne Pro Bahn. Et de citer une analyse du ministère fédéral des transports : « Stuttgart 21 est au premier chef, un projet d’aménagement urbain. Une gare terminus de surface pourrait, ici, très bien remplir les fonctions de nœud ferroviaire ».

Pour les opposants, l’alternative consisterait tout simplement à élargir la structure existante et à construire des quais supplémentaires. Moins coûteux, le contre projet baptisé « Kopfbahnhof 21 » (gare terminus 21), serait par ailleurs réalisable par tranche et impliquerait moins de désagréments que Stuttgart 21, dont le chantier, présenté comme « le plus grand d’Europe », pourrait s’étaler sur 20 ans.

Des arguments balayés par la Bahn qui refuse de céder. Un deuxième round de négociation n’aura pas permis de faire évoluer le statut quo, chacun campant sur ses positions. Mais la perspective des élections régionales en mars prochain pourrait faire bouger les lignes. Dans les sondages, les conservateurs au pouvoir sont au coude à coude avec les Verts, qui surfent sur le mécontentement populaire. Une bronca qui ne s’essouffle pas, malgré l’ouverture de ces discussions : chaque lundi, les détracteurs de Stuttgart 21 défilent toujours aussi nombreux à venir manifester devant le chantier.

Ewa

Allemagne-France : pour un urbanisme orienté vers le rail

A quelles conditions le développement du rail peut-il contribuer à promouvoir la ville compacte, jugulant et inversant l’étalement urbain et la croissance automobile ? Le modèle allemand en la matière est-il importable en France ? Anne Grillet-Aubert apporte sa part de contribution au débat urbanisme et mobilité. Au cours des années récentes, le principe d’une urbanisation prioritaire des zones les mieux desservies par les transports publics est apparu comme un moyen de gérer à la fois la périurbanisation et de réguler la demande de déplacements en automobile (Gallez, Kaufmann, 2010). Caroline Gallez poursuit en soulignant les difficultés de mise en œuvre : la densification des secteurs situés à proximité des gares se heurte aux capacités d’urbanisation limitées et aux oppositions locales des riverains ou des élus. L’obstacle à une densification des quartiers est aussi souligné par la recherche Bahn.Ville portant sur les villes allemandes et françaises. La première phase du travail (2001-2004) partait du parti pris qu’une amélioration conjointe de l’offre ferroviaire des gares et de leurs quartiers, à travers une densification et une localisation judicieuse des activités, pourrait contenir l’usage de l’automobile. Dans la seconde phase de la recherche (2007-2009), l’accent a aussi été porté sur la disponibilité des sols, avec la création d’un observatoire du foncier à visée opérationnelle.
À quelles conditions le développement du rail peut-il contribuer à promouvoir une ville compacte, jugulant et inversant l’étalement urbain et la croissance automobile ? Il convient de distinguer deux interrogations. L’amélioration des services ferroviaires peut-elle entraîner un report modal important vers le TC et répondre à la demande de mobilité ? la régulation de la demande de mobilité peut-elle alors accompagner une autre forme de ville ? Le cas des villes allemandes souvent citées en exemple représente à la fois un modèle spatial et d’aménagement urbain que nous chercherons à confronter aux contextes des villes et des réseaux ferroviaires français.
Nous n’aborderons pas ici les aspects politiques et de mise en œuvre. La nécessaire coordination des politiques de transport et d’urbanisme représente un aspect crucial de la question et désormais un vaste champ de recherche qui dépasse le cadre cet article.

 

1 – LE MODÈLE ALLEMAND DE PLANIFICATION

L’urbanisme orienté vers le rail fait référence aux expériences de villes germaniques qui poursuivent sans faille une politique de développement des TC et des modes doux en cohérence avec l’urbanisme. Le développement des transports régionaux sur fer s’est renforcé au milieu des années 90 ; il suit la loi de régionalisation du transport de proximité de passagers de 1993, qui attribue aux Länder la compétence pour l’organisation, la gestion et le financement des transports de proximité. Ainsi, entre 1994 et 2006, l’offre en trains.kilomètres a progressé de + 28 % et la fréquentation en voyageurs.kilomètres de + 43 %. En 2006, l’offre était en Allemagne de 637 millions de trains.kilomètres (pour 151 en France) et la demande de 43 milliards de voyageurs.kilomètres (contre 10,8 en France) (Cours des comptes, 2009).
La rareté du sol et les coûts fonciers motivent la planification. Ces principes servent différentes formes urbaines : de grandes villes comme Munich, la « seule grande ville d’Europe parmi 24 à ne pas avoir connu d’étalement urbain » (AEE, 2006), ont mis en œuvre une politique de renouvellement urbain, une reconstruction de la ville sur elle-même par le réemploi des friches ferroviaires, industrielles ou militaires au service d’une ville compacte. Les déplacements sont effectués à part égale en automobile et par les modes doux et les TC, notamment par un réseau de Schnell Bahn (TER) qui compte 800 000 voyageurs par jour (en comparaison, 60 000 voyageurs utilisent chaque jour le TER au niveau de l’étoile ferroviaire lyonnaise).
Plus souvent, le modèle est celui des villes rhénanes précisément étudiées par la recherche Bahn.Ville. L’urbanisation tend aussi vers des formes compactes mais surtout vers une structuration polynucléaire. Les centres égrenés le long des lignes de TCSP sont éventuellement adossés à des quartiers ou à des communes périphériques. Un principe rigoureux de localisation des activités à proximité immédiate des dessertes ferroviaires ou de TCSP contient l’étalement et assure la croissance du trafic sur les lignes. Depuis 1998, en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, toute nouvelle construction est subordonnée aux transports en commun. Les pôles à urbaniser dépendent de leur accessibilité et aucun projet immobilier important n’est développé à moins de 500 m d’un arrêt de TCSP ou 1 000 m d’une gare, existants ou à créer. L’aide au logement exclut les zones périurbaines et n’est attribuée qu’aux logements situés à moins de 1 500 m d’un arrêt de TCSP ou d’une gare, ou bénéficiant de bus de rabattement vers ceux-ci. À Münster, l’expansion urbaine est orientée vers des pôles « bien situés », gelant toute urbanisation dans les secteurs qui ne répondent pas aux critères de desserte en TC. La ville a acquis massivement des terrains et possède presque la moitié des surfaces actuellement constructibles, accessibles en transports en commun (Hecker, 2007). Comme l’écrit Francis Beaucire, la compacité et la densité justifient l’investissement en faveur des TC sans avoir besoin de recourir à l’argument écologique. Le développement durable renforce la légitimité de politiques urbaines économes en tout (sol, énergie) (Beaucire, 2007). L’aménagement des espaces publics encourage les modes doux (vélos et marche) et facilite l’accessibilité au réseau ; la qualité du service (cadencement, fréquence, densité des gares ou arrêts) offre des alternatives réelles à l’automobile. La densification induit une croissance du trafic sur le réseau et une spirale vertueuse est engagée entre aménagement des espaces publics, usage des TC et urbanisation. Le système assure aussi le financement des TC.
Toutefois, l’Allemagne n’a pas renoncé à l’automobile : les taux de motorisation y sont élevés, les réseaux autoroutiers bien maillés et de nombreuses villes peinent à endiguer le développement périurbain. La part modale de l’automobile au niveau national est cependant nettement inférieure à celle de la France, l’une des plus importantes en Europe.
Comparant les territoires traversés par le tram-train de Karlsruhe aux secteurs desservis par les lignes qui rayonnent autour de Nantes, Francis Beaucire et Pierre Emangard soulignaient au début des années 90 la divergence des densités moyennes, trois fois supérieures à Karlsruhe à celles de la couronne périurbaine ligérienne, et le poids différent de l’agglomération centrale, nettement inférieur dans la ville germanique (49 % contre 81 %). La comparaison montrait aussi des gares et arrêts plus nombreux sur la ligne allemande. En somme, service offert, armature urbaine et poids démographique différaient radicalement. Les auteurs remarquaient que faute d’une densité suffisante une exploitation intense accroîtra la différence entre les charges et les recettes d’exploitation (Beaucire, Emangard, 2000). Le transfert du modèle ne semble pas immédiat car le niveau de démonstration exigé est plus élevé et doit remonter le courant contraire de l’héritage territorial (Beaucire, 2007), ce qui invite à porter plus d’attention aux dynamiques territoriales en cours et aux relations entre formes des villes et réseaux d’infrastructures.

 

2 – TERRITOIRES ET MOBILITÉS

Des images très contrastées des évolutions possibles des villes ont été établies au début des années 90 par trois chercheurs de l’Inrets, A. Bieber, J.-P. Orfeuil et M.-H. Massot ; trois grands types urbains (rhénan, californien et saint-simonien) associant développement spatial et schémas de la mobilité ont été identifiés. Les déplacements n’apparaissent plus comme le simple résultat de la localisation des activités mais comme une forme indissociable d’une structure territoriale et sociale.
Le modèle rhénan désigne un réseau de centres denses mais de taille limitée reliés par les lignes ferrées ; caractérisé par une part importante de la mobilité en TC, il repose sur une forte maîtrise de l’urbanisation ; dans le scénario californien, l’urbanisation correspond à une très forte extension des territoires suburbains exploitant une offre foncière et immobilière à coûts réduits, l’essentiel des déplacements y sont individuels et automobiles ; dans le scénario saint-simonien, la ville-centre concentre l’essentiel des activités et des rentes foncières, tout en appuyant le développement sur des sites spécialisés, éloignés et bien reliés au centre par de grandes infrastructures routières et de transports publics. La congestion régule la mobilité.
La région rhénane est caractérisée par de très fortes densités et une rareté de l’espace ouvert à l’urbanisation ; la Californie, à l’inverse, par une abondance d’espace et de faible densité ; dans le scénario saint-simonien, l’espace périphérique est limité. Si on confronte ces scénarios aux réalités géographiques des villes françaises et aux évolutions de la mobilité quotidienne, les distinctions apparaissent moins tranchées. Les relations entre morphologies métropolitaines et réseaux d’infrastructures dessinent d’autres configurations.

La métropolisation
Deux phénomènes caractérisent aujourd’hui les dynamiques territoriales : la métropolisation et l’étalement urbain. La métropolisation consiste en une concentration du peuplement et des activités à l’échelle des régions urbaines, un renforcement des centralités en rapport avec la mondialisation et la compétitivité accrue entre métropoles. La zone d’attractivité des grandes agglomérations s’étend bien au-delà des limites communales de la ville-centre et les réseaux rapides intègrent des villes secondaires dans le fonctionnement métropolitain.
Toutefois, la métropolisation ne profite pas seulement à la ville-centre, elle renforce aussi les polarités secondaires proches. A l’échelon départemental, on observe de grandes variations locales de l’armature urbaine et de l’attractivité des villes. Bordeaux domine clairement les échanges du système urbain de la Gironde ; Toulouse et Montpellier se partagent de manière à peu près égale la quasi-totalité des fréquentations à partir des autres communes de l’Hérault ; huit villes du département du Nord se partagent de manière presque équivalente les échanges sur les communes avoisinantes.
Le développement important des réseaux à grande vitesse, qui vise l’amélioration de l’accessibilité nationale ou internationale des métropoles et notamment de leurs grands centres d’affaire, a joué un rôle incertain dans les systèmes métropolitains. Si les localisations de fonctions du tertiaire supérieur dépendent d’une accessibilité nationale, c’est-à-dire d’une position dans les réseaux à grande vitesse, une gare ne suffit pas seule à attirer des activités ; elle représente une opportunité en fonction des dynamiques urbaines et des stratégies de développement local. Bien que le rôle moteur et cohérent avec les stratégies d’aménagement soit généralement annoncé, les gares TGV ont rarement accompagné le développement de zones d’emploi. La localisation des gares TGV loin des villes, gare bis ou betteraves, l’absence de connexions avec les réseaux ferrés régionaux et leur inaccessibilité par les TC sont portées aux principaux chefs d’accusation d’une logique ferroviaire autoréférentielle et d’une forte tendance à l’extraterritorialité de la grande vitesse ferroviaire française. Le procès n’est plus à faire, mais le débat reste ouvert et concerne aujourd’hui la desserte des territoires bientôt traversés par les nouvelles lignes TGV.
L’impératif de la grande vitesse a aussi orienté les tracés des autoroutes. Toutefois, leur accès appelle inévitablement des connexions avec le réseau routier. Les lieux de connexions, échangeurs et sorties d’autoroutes situés à proximité des villes sont devenus très attractifs pour les entreprises et induisent un trafic interne à l’agglomération. Ainsi, les voies rapides urbaines destinées au transit sont toujours plus empruntées pour des déplacements internes aux agglomérations. L’usage détourne l’ouvrage de sa fonction initiale et en corrompt les logiques initiales.

L’étalement urbain
L’étalement urbain est une déconcentration à l’échelle de la ville. L’expansion des territoires urbanisés dépend principalement de la formation de zones d’habitat de très basses densités, généralement externes aux périmètres des PTU et des réseaux ferrés mais bien reliés aux réseaux routiers. Résultat tangible d’une faible maîtrise des sols et d’une politique du logement depuis quarante ans très favorable à l’acquisition de maisons individuelles, l’étalement contribue au grignotage des espaces naturels et agricoles et à la forte croissance démographique des secteurs périphériques et des communes rurales.
La ville diffuse s’affranchit de la ville-centre et son existence dépend de plus en plus  de centralités secondaires. La nouvelle configuration spatiale des aires urbaines a modifié la géographie des flux. Si l’on s’attarde aux déplacements domicile-travail mieux connus et plus étudiés, on constate un éloignement croissant des zones d’emploi des lieux d’habitat, plus accentué en périphérie qu’au centre malgré le renforcement de cette première zone d’emploi. En effet, on travaille toujours plus souvent dans une autre commune que celle où l’on réside. La croissance globale des distances parcourues dépend alors de l’allongement des trajets quotidiens et du nombre croissant d’actifs concernés, c’est-à-dire d’une généralisation de la dissociation spatiale entre zones d’emploi et d’habitat, qui n’est plus l’apanage des secteurs où domine la fonction résidentielle. Les actifs des pôles de banlieue travaillent dans leur commune, dans le centre mais de plus en plus souvent dans d’autres pôles de banlieue qui se renforcent et dont l’aire d’attraction s’étend (D. Mignot, A. Aguilera, J.-L. Madre, 2004).
Les destinations des déplacements se diversifient. Les migrations pendulaires sont toujours plus souvent à destination des pôles secondaires. La part des flux radiaux et internes à la ville centre diminue au profit des flux externes (entre centre et banlieue ou périphérie et de façon plus sensible entre la périphérie et la banlieue) et des échanges entre bassins, en forte progression.
En d’autres termes, la polarisation des métropoles s’appuie sur un réseau consolidé de villes, dans lequel le poids de la ville centre diminue. De moins en moins d’actifs habitent d’ailleurs les pôles d’activités, préférant s’installer dans d’autres communes. Les choix de localisation divergents vont moins à l’encontre de la formation de villes compactes et d’une mixité fonctionnelle que d’une ségrégation beaucoup plus radicale et à une autre échelle que ne l’ont été les spécialisations fonctionnelles issues du zoning et de l’urbanisme des années 60.
Le rapprochement des actifs de leurs pôles d’emploi est alors apparu aux chercheurs comme un enjeu majeur pour la puissance publique. Marie-Hélène Massot et Emre Korsu ont calculé que « si les tous les actifs de la région francilienne résidaient à moins de 30 minutes de leur emploi, les distances entre domicile et travail des ménages seraient réduites de 31 %. Cela concernerait 22 % d’actifs résidant et travaillant en Ile-de-France » (M.-H. Massot, E. Korsu, 2006).
L’objectif d’une maîtrise des distances parcourues par une réduction des espacements entre activités conduit à l’exploration d’une ville cohérente, une configuration urbaine dans laquelle chaque individu disposerait « d’un panier d’emplois et de services accessibles à X minutes de sa résidence » (J.-C. Castel).
La desserte des territoires périurbains par les TC constitue une seconde hypothèse de maîtrise de la croissance du trafic automobile. Le périurbain est en effet considéré par les techniciens et les acteurs opérationnels comme le principal enjeu territorial pour le ferroviaire. La pertinence du train étant d’ailleurs accrue par l’éloignement croissant des lieux d’emploi.

 

3 – LES POSSIBLES DÉVELOPPEMENTS DU RAIL

Le TGV est un concurrent redoutable pour la desserte point à point pour des distances entre 400 et 800 km. La grande vitesse a incontestablement permis à la SNCF de capter une part importante du trafic aérien sur les liaisons entre métropoles, occasionnant des pertes considérables aux compagnies aériennes sur les liaisons Paris – Marseille ou Paris – Nantes. Le développement des TER engagé depuis le transfert aux régions du transport ferroviaire a induit une croissance forte du trafic qui inquiète peu l’industrie automobile. Selon le président de la SNCF, dans sa réponse aux questions posées par la Cour des comptes sur les TER en novembre 2009, « (…) du point de vue de la progression du transport public ferroviaire, la décentralisation des compétences a été un succès. Comme le souligne le rapport, le trafic a progressé de 55 % entre 1997 et 2007. Il a de nouveau progressé de 10 % en 2008. Le rapport analyse bien les principaux facteurs de croissance qu’ont été la progression de l’offre, les modernisations des matériels et des gares, les tarifications nouvelles attractives, fruit de la politique des régions. Mais le rapport considère que la part de marché du TER reste marginale (1,32 % en 2007), même si elle a fortement augmenté. (…) Si on rapporte le trafic TER au potentiel captable, nous estimons que la part de marché est de 10 %, alors qu’elle était inférieure à 8 % avant la décentralisation. Ce ratio montre qu’il reste une marge de progression significative qui ne pourra se concrétiser que par une politique volontariste ».
Ce succès est celui d’un rattrapage, il corrige les effets d’une politique ferroviaire qui privilégie la grande vitesse. Ainsi, les trafics français et allemands sont équivalents en termes d’utilisation par les voyageurs, mais avec des proportions inversées entre le transport régional (deux tiers du trafic allemand) et le transport de grandes lignes (deux tiers du trafic français) (S. Seguret, 2010). Le développement des TER apparaît cependant susceptible de se poursuivre.

Le réseau hérité
La situation des étoiles ferroviaires souvent en limite des zones denses des agglomérations et la répartition des 3 000 gares du réseau ferré français distribuées à part égale entre les pôles, les communes périurbaines, les zones rurales et les petits bourgs, les deux tiers se situant dans les aires urbaines (agglomérations et couronnes périurbaines), ouvre des perspectives de dessertes assez larges. Une enquête récente de la Fnaut montre que les étoiles ferroviaires de grandes agglomérations comme Le Mans, Tours et Orléans, souvent sous-utilisées, offrent aujourd’hui de nombreuses opportunités. Grenoble, Nancy ou Tours ont des projets de renforcement de l’offre de TER sur ces lignes pour la desserte de secteurs périurbains. L’exploitation des lignes existantes ne se limite pas aux grandes agglomérations françaises et peut aussi concerner des secteurs très périphériques, comme entre Colmar et Metzeral, et de nombreuses lignes désaffectées pourraient offrir un support pour un service de TCSP, par exemple, entre Cannes et Grasse.
Un projet de desserte ferroviaire n’a de sens qu’à partir d’un certain seuil de population aux échelles de l’agglomération et du corridor ferroviaire. Dans une thèse en cours, Sylvain Seguret s’est interrogé sur l’urbanisation des secteurs situés à proximité des lignes ferroviaires après 50 ans de périurbanisation, à partir d’une étude réalisée par RFF sur les étoiles de cinq villes françaises portant sur une bande de 6 km de large, distante de 3 km de part et d’autre de la ligne, considérée suffisante pour envisager des modes de rabattement non motorisés. La population captée par ces corridors entre 1975 et 2006 est de 40,4 % à Amiens, 48,3 % à Lille, 7,2 % à Metz, 44,4 % à Rennes et 82,2 % à Strasbourg. Les corridors ferroviaires couvrent des emprises importantes (environ 40 % du territoire étudié) ; ils concentrent donc toujours la majeure partie de la population mais n’ont pas canalisé l’urbanisation qui s’est aussi faite ailleurs, dans des zones bien desservies par les routes. L’écart s’est alors creusé alors entre les poids démographiques du corridor et ceux des secteurs les plus dynamiques des agglomérations.
De façon paradoxale, un fort potentiel de développement de l’offre de TCSP existe là où les dynamiques démographiques sont les plus faibles. Le poids propre des corridors justifie un développement de l’offre, mais « une politique de report modal ne peut pas se baser uniquement sur une politique d’offre de transport. Il s’agit de penser l’articulation des modes pour réduire les contraintes d’accès au réseau ferré. Une coordination étroite avec les politiques spatiales et automobiles, en particulier en zone assez dense, s’avère nécessaire », a indiqué Sylvain Seguret dans son intervention lors du séminaire « Un urbanisme orienté vers le rail » (28 mai 2010 à l’Ipraus). Il s’agit aussi de mieux connaître les conditions d’un transfert modal vers le fer.

L’impact des gares sur le report modal
L’Iaurif a récemment réalisé une étude visant à évaluer l’impact de la localisation de l’habitat et de la proximité d’une gare sur l’utilisation du train (« Habiter à proximité d’une gare », 2009).   L’étude s’appuie sur les résultats de l’enquête globale « Transport 2001-2002 » et porte sur toute la région francilienne. Elle confronte des quartiers de gares et des secteurs sans desserte ferroviaire dans six zones concentriques autour de Paris dont l’éloignement du centre est croissant. La localisation résidentielle est considérée selon deux paramètres de distances par rapport à Paris et à une gare.
L’éloignement est fortement corrélé à l’allongement des distances parcourues, qui passent de 10 à 30 km de la zone la plus proche de Paris à la plus éloignée. De même, la part des TC et des modes non motorisés diminue régulièrement à mesure que l’on s’éloigne du centre au profit de l’automobile, ce qui ne surprend pas. Le nombre de déplacements est stable (de l’ordre de 3,5 quel que soit le secteur de l’agglomération).
La proximité d’une gare modifie un peu les choses. Dans les zones denses, les distances parcourues y sont un légèrement inférieures à celles du secteur témoin, mais dans les franges de l’agglomération, on ne note pas de différence significative entre les deux secteurs considérés. En d’autres termes, la pertinence de l’offre ferroviaire diminue avec l’éloignement de Paris et la proximité d’une gare ne réduit pas les kilomètres parcourus. Toutefois, si la part des modes doux décroît régulièrement avec l’éloignement de Paris, en zone 6, elle est nettement plus élevée près des gares que dans les secteurs témoins.
Les actifs utilisent le train avant tout pour les déplacements pendulaires, surtout quand le lieu d’emploi est situé à proximité d’une gare, aussi bien en zone dense qu’au-delà. Cet usage concerne cependant des trajets assez longs tandis que sur des distances plus courtes, les migrations pendulaires sont effectuées en voiture. C’est donc en premier lieu l’accessibilité de lieu de travail qui motive le recours au train.
Ces résultats confirment ceux d’une enquête portant sur six quartiers de la périphérie d’agglomération de Düsseldorf, comparables par leur situation géographique, urbaine et sociale. La recherche confronte les pratiques des habitants de quartiers uniquement desservis par le bus à ceux qui disposent d’une bonne desserte ferrée (train régional ou métro dans un rayon de 1 000 m), (Goût, 2001). La proximité d’une gare ne détermine pas non plus un usage accru du service ferroviaire. L’utilisation du train apparaît également associée au motif travail, surtout pour les moyennes et longues distances (à Düsseldorf : de 10 à 50 km).
Afin de comparer la disponibilité réelle des TC, l’étude de Patricia Goût sur l’agglomération de Düsseldorf introduit un indice de qualité des transports publics ferrés qui a permis d’identifier les facteurs déterminants du report modal : la distance du domicile de moins d’un kilomètre d’un arrêt ou d’une gare, la qualité de la desserte (fréquence et horaire d’ouverture de la gare) et l’accessibilité à la gare en TC et non motorisée (piétons et vélo). L’importance de l’accessibilité piétonne, soulignée par tous les travaux sur la question (Bahn.Ville) laisse par ailleurs entendre la possibilité de promouvoir des pratiques de proximité dans les secteurs faiblement urbanisés. En somme, ces enquêtes définissent assez clairement les conditions d’un développement efficace de l’offre ferroviaire :
– la disponibilité (cadencement et amplitude du service offert) ;
– l’accessibilité par les TC et les modes doux (l’aménagement des espaces publics) ;
– la présence de zones d’emploi à proximité des gares.
Les conditions minimales d’un service efficace définissent une sorte de degré zéro d’un urbanisme orienté vers le rail. Leur application demande cependant une maîtrise foncière des secteurs autour des gares et un renforcement de l’offre qui permettrait de détourner vers le fer une part des déplacements automobiles et peut-être d’atteindre l’objectif annoncé par RFF d’une multiplication par quatre du trafic TER à l’horizon 2030. Toutefois, Sylvain Seguret remarque que la multiplication par quatre du trafic ne représente qu’un habitant sur trente utilisant le fer pour sa mobilité quotidienne, un pourcentage proche de celui de l’Allemagne aujourd’hui, hors région de Berlin.
 

 

CONCLUSION

Un urbanisme orienté vers les corridors ferroviaires ne suffira probablement ni à endiguer le développement automobile et l’urbanisation induite par les infrastructures routières, ni à promouvoir d’autres configurations spatiales des aires urbaines. On sait qu’une politique de développement des TC reste sans efficacité si elle n’est pas accompagnée de mesures destinées à contenir l’usage de l’automobile.
Les conditions des territoires contemporains définissent un changement d’échelle de la mobilité, un élargissement des échanges et d’autres articulations entre modes et vitesses de déplacements. D’autres complémentarités se dessinent entre le proche et le lointain, entre pratiques de proximité et activités éloignées. La structuration multipolaire des territoires appelle un maillage des réseaux d’infrastructures en mesure de garantir l’accessibilité par TC des pôles d’activités et d’intégrer les réseaux et échelles territoriales. Une localisation judicieuse des gares TGV peut permettre l’interconnexion avec des réseaux régionaux (TER) et les TCU, favoriser une dynamique qui ne sépare pas la grande et la petite échelle. Il s’agirait alors d’orienter l’urbanisme vers un polycentrisme maillé (appuyé par des espaces ayant le double caractéristique de nœud et de lieu) Les pôles d’échanges, lieux d’articulation des modes et des acteurs du transport et de l’aménagement deviennent alors un enjeu central d’une structuration métropolitaine orienté vers les TC, d’un urbanisme orienté vers le rail (Menerault, 2009). Toutefois, la connaissance encore imprécise des relations entre formes urbaines et caractéristiques de la mobilité quotidienne empêche de prévoir avec exactitude l’impact d’une configuration urbaine sur les comportements. Selon les situations territoriales, le renforcement du rail ne correspond ni aux mêmes enjeux ni aux mêmes possibilités. L’accent doit alors être porté sur la spécificité des contextes. Ceci demande une connaissance fine des territoires, des demandes locales de mobilité, des opportunités foncières et de développement du rail et des projets et politiques qui les investissent.

 

par Anne Grillet-Aubert, architecte-urbaniste

Ewa

Ville étendue : ville sensible, ville lisible, ville vivable

Les réponses apportées par les ingénieurs sociaux vont maintenant bien plus loin que les réponses « statiques » de construction d’itinéraires. Ils calculent quelle proportion de ressources élémentaires du quotidien est disponible depuis un lieu dans un temps de marche donné. Combien ça coûte en transport d’habiter là ? Combien ça coûte en logement de se déplacer de là ? Quelles sont les connexions d’un lieu ou d’un quartier ? Quels impacts écologiques des choix des modes ? Dit autrement, quelles ressources de mobilités sont disponibles là, ici et maintenant, quel temps d’accessibilité, quelle durée de parcours, selon quels modes (aux performances comparées) ? Les réponses de Transit Score de Front Seat, une entreprise de « civic software » (intelligence sociale) de Seattle, vont bien plus loin que les réponses classiques, même très élaborées, de construction d’itinéraires (voir notamment le remarquable site anglais Transportdirectinfo). Ces mêmes ingénieurs sociaux avaient déjà imaginé l’étonnant site Walk Score, ou comment mesurer la « marchabilité » (walkability) et la « vivabilité » (livability) d’un espace et de son voisinage sur une échelle de 1 à 100, c’est-à-dire quelle proportion de ressources élémentaires du quotidien (boulangerie, pressing, restaurant, hôpital, etc.) est disponible depuis un lieu dans un temps de marche donné.
Cette logique d’accès en distances isochrones se découvre aussi sur le site Magnificent du Grand Londres. L’application est spectaculaire. L’ajustement facile et immédiat d’une réglette « temps » dévoile la zone accessible jusqu’à 1 heure 30 depuis un point donné. Autre mesure collaborative, l’Urban EcoMap, né à San Francisco en 2009, élargi à Amsterdam avec Cisco, est un espace de décision interactif où le citadin témoigne de son quotidien. L’objectif ? instruire les impacts de la ville, encourager l’écoresponsabilité et soutenir l’appartenance à la communauté. En contrepoint des usages des publics, les opérateurs et les autorités disposent d’un utile observatoire en temps réel de la ville. Ainsi des mouvements des piétons pour comprendre la ville que décrit le programme Smart Light Fields depuis les signaux Bluetooth émis par les marcheurs (University of Technology de Sydney – voir aussi les travaux plus connus du SENSEable City Lab du MIT ou ceux de Lift).
En d’autres termes, c’est la mesure de la mobilité d’un lieu qui est proposé à l’usager. Plus l’offre est abondante et pertinente, plus le choix proposé est conséquent, plus le lieu est mobile, mais aussi plus la ville est marchable, cyclable, accessible… bref, vivable. Sur l’autre rive des Etats-Unis, l’état du Massachusetts a lancé MassDot, une initiative publique féconde et riche de promesses. D’un côté, la puissance publique libère la donnée publique transport (tous les modes), la formate, la standardise et la livre gratuitement aux ingénieurs sociaux. Individus, start-up et entreprises développent alors les services urbains dont ils ressentent la nécessité ; autant de services urbains qu’il est nécessaire pour satisfaire l’hyperchoix. La formule rappelle le succès de l’Appstore d’Apple et ses 225 000 applications.
La construction d’une urbanité communicationnelle à base d’informations multiples, actualisées et prédictives, circonstanciées et égocentriques, interpelle à plus d’un titre. Cette architecture est d’abord le reflet d’un jeu d’acteurs inédits avec la contribution active des usagers, l’intervention d’ingénieurs sociaux et les apports de divers fournisseurs de données urbaines. De facto, c’est un modèle social et économique, serviciel et collaboratif qui se cherche et qui échappe pour l’heure à la récupération. L’intérêt spontané des usagers pour ces services urbains et leurs facilitations raconte d’urgentes nécessités tant pour la gestion individuelle du quotidien que pour les gouvernances de la ville. En regard, l’extension des services a ses limites dans la disponibilité des données, soulignant la difficulté d’instruire ces dispositifs par des sources classiques. L’innovation en la matière vient du jeu d’innombrables capteurs intelligents qui se mettent en place ; autant de sources inattendues qui donnent le pouls de la ville sensible. La ville sensible soulève autant de perspectives que de questions. Elle ne se réduit certes pas à cette ville lisible et à ses dispositifs métriques. Il reste que la ville sensible contraint à jeter un œil neuf sur l’urbanisme, l’aménagement du territoire et de ses mobilités face aux pratiques quotidiennes de la ville.
Plus que l’indispensable lisibilité de la ville et de ses réseaux, c’est la transformation de la ville que révèle la ville sensible. Ce sont ses accessibilités entendues très largement sur lesquels les promoteurs de Front Seat mettent le doigt. Ils ne s’en cachent d’ailleurs pas et parlent d’une nécessaire transparence des données à destination des usagers : ressources du voisinage et du lointain, offre de déplacement, valeurs métriques des itinéraires. Correspondances, distances, durées, horaires, fréquences, performances comparées des modes… jusqu’au profil de déclivité du parcours pour les marcheurs, chacun puise le nécessaire selon les occurrences de mobilité, mais – et cela est nouveau –, c’est une manière de proposer un nouveau regard sur la ville et ses pratiques, d’interroger sur les localisations et les mouvements. L’architecture de l’information – entre identification des ressources, des moyens d’y accéder et des budgets afférents – éclaire alors les relations puissantes entre logement, localisation, ressources urbaines et déplacements. Ainsi, prolongeant ces services de déplacement, Transit Score adopte comme seuil maximum de calcul des dépenses habitat + transports des ménages, le standard de 45 % des revenus érigé par le Center for Neighborhood Technology (CNT) de Chicago.
Que ces services se développent plus vite outre Atlantique s’explique d’abord par l’écart énorme entre la ville de la voiture et la ville qui se rêve en proximité ; ensuite par la capacité conséquente de partage des Américains. Ces analyses résonnent ici avec les échanges tenus au Sénat en juin dernier d’une large palette d’experts autour de La ville du futur. Rêves ou cauchemars ? Entre un quotidien tiraillé par l’éparpillement (habitat, travail, courses…) et un territoire qui peine à dépasser ses cloisonnements, l’usager se construit une autre lecture de la ville, tandis que les gouvernances ont besoin d’autres boussoles. En somme, nous serions en train d’acter le fait de l’étalement urbain – impossible de revenir en arrière ! – et d’imaginer en regard un jeu inédit de centralités de proximité en phase avec nos mobilités. Alors, plutôt que de s’enfermer dans l’issue en impasse de la ville-centre, la recherche de centralités en tous lieux s’impose dans ce contexte d’interterritorialités (Martin Vannier). Les données, les informations, les services et les réseaux sociaux permettent à l’usager de façonner sa ville à lui (l’urbanité). Ils révèlent ce faisant d’autres pratiques du territoire et orientent les réflexions et les réponses des autorités et des opérateurs (la gouvernance).
Une difficulté est de s’affranchir des représentations territoriales héritées d’une mobilité de proximité et d’une lecture radioconcentrique du territoire prenant pour pivot la ville centre. L’extension des aires de vie d’un côté, la transformation de l’offre des mobilités et l’irruption du numérique et de la géolocalisation de l’autre percutent les clivages administratifs et changent la donne. La commune façonnée il y a deux siècles sur la base d’une mobilité piétonne est obsolète à l’heure d’une mobilité motorisée et informatisée. Plus largement, le public ignore les cloisonnements institutionnels. Les territoires suburbains et ruraux cherchent aussi leurs intégrations à ces pôles de ressources dont ils sont devenus tributaires. Il reste à réinventer sans cesse la ville et le territoire dans ce contexte de métropole lâche et diffuse avec les contributions d’un numérique en effervescence.
Pourtant, à ce cloisonnement des espaces répond encore aujourd’hui le cloisonnement de l’information – appelons cela plutôt communication pour mieux souligner la nécessaire fluidité. Aux frontières souvent étanches – entre territoires, entre opérateurs ou entre secteurs – s’ajoute la négligence des sources nouvelles : les sources collaboratives des usagers eux-mêmes et de leurs réseaux sociaux ou l’internet des choses. En effet, la révolution dont témoignent ces applications est l’écho d’une autre révolution, celle de la donnée publique qui la rend possible. Cette donnée se libère, élargit ses sources, se standardise pour permettre ses partages, ses fusions et ses réutilisations. Du coup, son architecture se pense afin de relier les intelligences, et un design de la donnée s’esquisse pour lui donner ses utilités. Ces avancées sont aujourd’hui assez puissantes pour annoncer des bouleversements mais encore insuffisantes pour instruire le pays dans son ensemble ou pour couvrir les villes les plus importantes (seules 30 villes américaines sont couvertes par Transit Score et avec de nombreuses carences).
Malgré de prometteuses initiatives comme celles de la ville de Rennes et de Keolis, les projets des autres transporteurs ou les laboratoires de la donnée urbaine qui se mettent en place à Bordeaux et maintenant à Montpellier, le constat se vérifie en France. Pourtant, la rupture des représentations est en route, accélérant la sensibilité de la donnée. Le mouvement d’innovations est lancé. Il va changer la face des mobilités et accélérer les transformations du territoire. Les concertations de toutes les parties sont nécessaires pour l’accompagner. Les acteurs des mobilités y ont forcément une place privilégiée, faute de quoi le tropisme de Google et de sa grande centrifugeuse de données sont là pour prendre une place évidente.

 

Par Bruno Marzloff, sociologue, directeur du groupe Chronos

Ewa

A Strasbourg, la gare va s?ouvrir sur la ville

L?arrivée de la deuxième phase du TGV Est coïncidera avec le projet d?ouverture de la gare de Strasbourg vers ses faubourgs à l?ouest La mise en service du TGV Est, en juin 2007, a métamorphosé la gare de Strasbourg, dont la façade historique s’est trouvée masquée par une verrière monumentale et multimodale. Mais l’accompagnement économique du TGV a toujours laissé à désirer : ni quartier d’activités tertiaires proche de la gare ni activités nouvelles très visibles en centre-ville. Pire, il a vidé l’aéroport de Strasbourg, géré par la chambre de commerce, de plus de 40 % de ses passagers, sans que l’organisme consulaire ne puisse se recapitaliser sur un quelconque transfert d’activités.
Cette erreur politique collective ou ce manque d’anticipation seront corrigés pour la deuxième phase du TGV. Le 5 mars dernier, la communauté urbaine de Strasbourg a commandé un audit stratégique pour l’aménagement urbain des 14 ha de la gare basse. Les collectivités territoriales, la SNCF et Réseau ferré de France, propriétaires à parts égales des terrains visés, signeront cet été un protocole de partenariat qui fixera les objectifs du projet. Les partenaires s’accordent pour aboutir, d’ici 2020 ou 2025, à une requalification urbaine du secteur, barrière de voies ferrées entre le centre de Strasbourg et sa proche périphérie ouest. Créée à la fin du XIXe siècle pour faciliter les mouvements des personnels et du matériel de l’armée prussienne, la gare basse est actuellement dédiée aux manœuvres du matériel ferroviaire régional et à son entretien dans le technicentre de la SNCF. « A Strasbourg, avec le TGV Rhin-Rhône qui se profile en décembre 2011, suivi par la deuxième phase du TGV Est, on a tous envie de faire quelque chose de nouveau sur le site de la gare basse », observe Christel Kohler-Barbier, en charge des affaires foncières et immobilières à la direction régionale de la SNCF. « Avec le changement de génération des automoteurs régionaux, la SNCF s’interroge sur la localisation de son technicentre à partir de 2014. Une bonne exploitation ferroviaire vise à entretenir le matériel le plus près possible de la gare, mais il y a une opportunité de quitter le site et de le réinstaller à Hausbergen. »
La réduction du temps de parcours du TGV Est depuis Paris (1 heure 50 contre 2 heures 17) va accélérer la tertiarisation de l’économie strasbourgeoise. Pour satisfaire la demande de bureaux, estimée entre 60 000 et 90 000 m2 par an, les élus socialistes de la mairie rêvent d’un quartier central emblématique, sur un modèle en partie inspiré par Euralille. La zone d’activités de la gare basse figure au deuxième rang des priorités de développement tertiaire de l’économie locale, derrière le quartier du Wacken (120 000 m2 de construction prévus), plus proche des institutions européennes et censé conforter la vocation parlementaire de Strasbourg. Evoqué lors du dernier salon de l’immobilier Mipim par Catherine Trautmann, adjointe au maire (PS) de Strasbourg, l’aménagement de la gare basse pourrait connaître son premier coup de pioche d’ici cinq ans. « Jusqu’aujourd’hui, les professionnels de l’immobilier organisaient seuls l’offre tertiaire à Strasbourg. En ouvrant des négociations avec la SNCF pour imaginer son développement économique à moyen terme, la politique de la ville reprend la main », précise Catherine Trautmann.
Philippe Laumin, directeur régional chez RFF, annonce que la cession des espaces à la collectivité comprendra des clauses liées au développement durable. « Quand nous apportons des terrains dans des opérations urbaines, l’Etat nous engage à favoriser la création de logements ou d’écoquartiers », rappelle-t-il. Le chantier de la ligne nouvelle de tramway vers le quartier de Koenigshoffen, faubourg ouest de la ville, doit être lancé vers 2015, et la création d’une station entre les quais de l’actuelle gare basse figure au programme des études. Pour régler la question du patrimoine foncier et trouver des promoteurs privés sur du bureau ou du logement, il faudra compter cinq ans de plus. Tout juste engagée, quand la ligne intégrale du TGV Est arrivera à Strasbourg, la deuxième métamorphose de la gare sera plus lente que la première.
 

Olivier MIRGUET

Ewa

Dix ans déjà : à quoi ont servi les PDU

Documents de planification souvent volontaires, mais aux résultats difficilement quantifiables, les plans de déplacements urbains (PDU) ont bientôt une décennie d?existence. Ont-ils atteint leur but de rééquilibrage des modes de transports ? Deux Français sur trois considèrent encore que les transports et la circulation leur posent des problèmes importants. 72 agglomérations françaises de plus de 100 000 habitants sont pourtant censées avoir pris le mors aux dents via des PDU destinés à favoriser les modes alternatifs à la voiture. Enfin en théorie, car dans la pratique, une petite dizaine est encore à l’ouvrage, Maubeuge, Angoulême, Béthune, Salon-de-Provence ou Thionville pour ne citer qu’elles. A ce retard, de multiples raisons : procédure trop lourde (28 %) et manque de moyens logistiques et humains (21 %), selon une étude du Gart (PDU : panorama 2009, mars 2010) réalisée auprès de 259 AOTU avec un taux de réponse de 55 % (144 réponses). Nouvelles Intercommunalités, fusions de PTU, complexités locales, ajoute le Certu, comme par exemple à Annemasse, où les flux transfrontaliers compliquent la tâche.
Dans le même temps, des villes en avance comme Lyon, dont le premier PDU date de 1997, en sont déjà à la version 2 (2005). Quoi qu’il en soit, « des PDU efficaces, on en rêve tous ! », commence Martine Meunier-Chabert, chargée de mission déplacements et urbanisme au Certu et à ce titre chargée des PDU. Mais comment reconnaître un « bon » PDU ? Est-ce juste un document qui va au-delà du catalogue de bonnes intentions ? « Ce qui compte c’est quand même la mise en œuvre opérationnelle », relève-t-on au Gart sans vouloir stigmatiser les éventuels bons ou mauvais élèves. « Quand j’ouvre un PDU par la fin, je dois y trouver un tableau avec une liste d’actions, un chiffrage, et un calendrier de réalisation, comme le demande la loi SRU », explique de son côté Martine Meunier-Chabert. Car comme elle le souligne, « on peut écrire toute la littérature qu’on veut, au bout du compte il faut savoir qui finance quoi, comment et à quel moment ». Et sur cette question, force est de reconnaître que ce n’est pas le fort des PDU.
« En plus des PDU obligatoires, une quarantaine d’agglos ont des démarches volontaires, preuve qu’ils sont institués en documents de planification reconnus, note de son côté le Gart. De plus, ils sont en train de s’enrichir en évoluant notamment vers tout ce qui est complémentaire aux transports collectifs, autopartage, VLS, covoiturage et promotion des modes actifs… » Jusqu’à présent, les mesures étaient en effet très majoritairement liées aux TC. « Le volet transports collectifs est sans conteste le mieux traité par les PDU, tant en termes de quantité que de qualité. […] Près de 69 % ont déjà permis des interventions dans ce domaine », peut-on lire dans l’ouvrage du Gart.
Quant aux objectifs, les documents restent souvent trop flous. Espace public dévolu à la voiture comme à Bordeaux ou Valenciennes qui le fixent à 50 % maximum, ou plus souvent part de marché de l’automobile. Indicateur insuffisant, dit le Certu : elle peut baisser, mais si parallèlement la mobilité augmente, les émissions de GES aussi ! Il faudrait donc dans l’idéal ajouter les véhicules.km parcourus. Un exemple, à Lyon l’objectif de 51 % de déplacements en voiture en 2005 a été dépassé : « l’enquête ménage de 2006 chiffre à 47,4 % la part de marché de l’auto. On peut donc penser que sur cet indicateur, on pourrait être plus volontaristes dans les PDU en centre-ville desservi par les TC », estime Martine Meunier-Chabert. Un succès indéniable, mais relativement isolé. Enfin, « la loi aurait pu être beaucoup plus précise sur cette question, car elle dit juste “diminuer le trafic automobile” », souligne-t-elle. Quant au volet marchandises, à de rares exceptions près comme La Rochelle, presque tous les documents restent trop frileux, selon les experts.
Mais là où le bât blesse le plus, c’est du côté de l’évaluation. La loi la prévoit au bout de cinq ans. Très court. De plus, il manque les outils fondés sur des critères harmonisés. « La législation européenne n’était pas stabilisée », justifie la responsable du Certu. « La réflexion débute pour trouver des critères pertinents sur l’impact environnemental », explique-t-on au Gart. Par ailleurs, difficile d’évaluer des résultats en l’absence d’objectifs chiffrés écrits noir sur blanc. Et c’est aussi par manque de moyens humains que les évaluations ne peuvent se faire, car une méthodologie a été donnée dès 2001 par le Certu, préconisant un observatoire et des indicateurs-clés. Seulement, encore faut-il ensuite pouvoir les trier tous ces chiffres. Lyon en a fait l’amère expérience en 2004 avec 800 données… inexploitables. A cet égard, les observatoires de Bordeaux, Orléans ou Clermont-Ferrand feraient plutôt figure de bons élèves. Pourtant, malgré leurs défauts, nos PDU sont enviés pour leur vison globale. Car la chargée de mission du Certu relève que « Bruxelles a pris modèle dessus et nous sommes souvent sollicités comme experts par les pays émergents ».
 

Cécile NANGERONI