Sur le marché bouillonnant de la mobilité électrique et la recharge des batteries, les acteurs sont légion, les offres aussi. En France, les millions d’euros promis par le gouvernement suscitent les convoitises. L’électrification n’aurait plus de temps à perdre mais pour l’usager, l’offre est encore difficile à comprendre.
Plus de 7 000 euros de bonus écologique pour acheter un véhicule électrique pour les ménages modestes. Un crédit d’impôt de 500 euros pour installer une borne à domicile, louer une future Citroën e-C3, Renault Twingo E-Tech ou une Fiat 500 en 2024 pour 100 euros par mois (les décrets sur ce qui s’appelle le « leasing social » sont attendus dans les prochaines semaines). Et enfin, un avantage fiscal aux entreprises pour rétrofiter les véhicules thermiques avec de l’électrique ou de l’hydrogène. N’en jetez plus !
Fin octobre, le gouvernement a mis un coup d’accélérateur pour rattraper son retard à l’allumage de la mobilité électrique, et des infrastructures de recharge en particulier. En France, les véhicules électriques (VE) pèsent désormais 19% des immatriculations, selon les données du ministère de la Transition énergétique. Treize millions de VE sont attendus d’ici à 2030 selon les projections d’Avere France qui a récemment publié une étude sur les besoins de recharge à l’horizon 2035. Car pour que le parc se développe, il faut en même temps déployer les installations de recharge. Cent dix mille bornes publiques sont installées sur l’Hexagone, soit quatre fois plus en quatre ans. Mais quatre fois moins que l’objectif des 400 000 bornes fixé par Emmanuel Macron d’ici à 2030, dont au moins 50 000 à recharge rapide. Indispensables pour convaincre les automobilistes de renoncer aux voitures à moteur thermique (avant qu’ils n’aient plus le choix puisqu’à partir de 2035 justement, leur vente sera interdite dans les pays de l’Union européenne). Aujourd’hui, seulement 10% des bornes françaises sont à recharge rapide, principalement sur les aires d’autoroutes.
Marché foisonnant
La nouvelle enveloppe de 200 millions d’euros récemment annoncée par la ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher et son homologue des Transports, Clément Beaune, doit permettre de « soutenir le développement des bornes de recharges rapides » et leur installation dans trois domaines particuliers : le résidentiel collectif, les bornes en voirie, et les recharges pour les poids lourds. Ces nouveaux crédits permettront « de financer par exemple des bornes dans les copropriétés », souligne la ministre de la transition énergétique. L’Etat pourra financer jusqu’à 50 % des travaux à hauteur de 8 000 euros pour installer des bornes dans une copropriété, a ajouté Agnès Pannier-Runacher
Car l’autre talon d’Achille de la mobilité individuelle électrique, c’est la recharge à domicile ou sur voirie pour les trajets du quotidien. Les perspectives de marché sont énormes, attirant d’innombrables acteurs dont les rôles et surtout, les convoitises s’imbriquent : opérateurs de charge, de mobilité, d’énergie, de ticketing, concessionnaires automobiles, gestionnaire de réseau de distribution d’électricité, etc. Izivia (Renault), Enedis, Vianeo (Engie), Total, Powerdot, Monta, Swish, Bump, Driveco, Evzen, Flowbird, etc. (liste non exhaustive). Ça se bouscule au portillon. Si bien que l’Autorité de la concurrence s’est il y a quelques mois autosaisie pour avis. Le secteur des Infrastructures de recharge de véhicule électrique (IRVE est en cours de structuration et foisonne, avec des modèles économiques « non stabilisés« , juge le régulateur.
Au pays des fjords
Parmi les innombrables acteurs de ce marché prometteur, le Norvégien Zaptec qui connait bien la chanson puisqu’au pays des fjords, près de 80% des immatriculations de véhicules neufs concernent un VE, et une voiture sur cinq est désormais à propulsion 100% électrique. Venu du secteur pétrolier et reconverti à la fée électricité, la marque au grand Z signe depuis cet automne son entrée en France avec une borne de recharge compact destinée aux copropriétés, parkings publics, centres commerciaux, hôtels, flottes d’entreprises ou de collectivités locales. À ses débuts en 2012, l’entreprise norvégienne qui fait assembler ses chargeurs à Stavanger et à Francfort en Allemagne, a travaillé avec le constructeur automobile français Renault pour sa Zoe. Le modèle de la marque au losange ne pouvait pas se charger directement sur le réseau électrique norvégien sans un transformateur dédié. Zaptec en a créé un, et décidé de miser alors sur le marché de l’électromobilité et de s’intéresser notamment à la recharge à domicile. Pariant sur le fait que les immeubles résidentiels buteraient sur le problème de la recharge simultanée de plusieurs voitures, il revendique aujourd’hui plus de 250 000 bornes installées dans les pays nordiques. Et débarque sur le marché français avec une technologie brevetée capable « de distribuer la bonne dose d’énergie, au bon véhicule, au bon moment », selon son directeur général France, Vianney Devienne, qui accompagnait récemment des journalistes français à Stavanger dans l’usine d’assemblage de chargeurs. Les algorithmes Zaptec calculent la répartition de la charge, en fonction de la puissance, de la capacité énergétique, et du type d’abonnement. Les voitures qui « biberonnent » se répartissent la puissance disponible.
Une solution avant le « vehicle du grid », le Graal de la charge électrique : l’utilisation de la batterie de la voiture pour stocker de l’électricité à un moment où elle est abondante pour la réinjecter aux heures creuses de production. La technique serait la réponse au défi posé par l’intermittence des énergies renouvelables, solaire et éolien. Mais elle est encore embryonnaire.
Nathalie Arensonas