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lock 40 ans de mise à l’épreuve du ferroviaire

Publié le 19/07/2021 à 09h00

Il y a 30 ans l’Union européenne (UE) publiait la directive 1991-440. Elle marquait le point de départ de la déréglementation du transport ferroviaire. Fidèle à son analyse des entreprises en réseaux, l’UE voulait s’appuyer sur la concurrence pour dynamiser un mode de transport crucial et pourtant en perte de vitesse. Mais comment instaurer la concurrence alors que le ferroviaire européen n’était que la juxtaposition d’opérateurs historiques nationaux en position de monopole ? Pour répondre à ce défi, l’UE a établi une feuille de route assez bien appliquée pendant 20 ans. Mais depuis 2011 les opérateurs historiques ont lancé une contre-offensive qui a mis les décideurs publics à l’épreuve, tout comme le fera la crise sanitaire et ses impacts sur les trafics et les comptes des entreprises ferroviaires.

Par Yves Crozet

1991-2011 : les entreprises ferroviaires à l’épreuve

La directive 1991-440 s’inspirait de la réforme conduite dans les années 1980 en Suède sous la forme d’une séparation entre le gestionnaire d’infrastructure (GI) et les entreprises ferroviaires (EF). Progressivement, les paquets ferroviaires successifs vont concrétiser la stratégie de la Commission. La concurrence est désormais, ou va devenir, la règle dans l’UE, pour tous les segments du marché (marchandises et voyageurs). Pourtant, les résultats, parfois remarquables localement, sont restés globalement décevants.

Les principes de la déréglementation du ferroviaire en Europe

En première analyse, la déréglementation du transport ferroviaire en Europe ressemble à une « success story ». Des pratiques totalement étrangères au rail sont devenues courantes. Il en est ainsi de l’existence d’un GI, des péages d’infrastructure, de la concurrence « pour le marché » mais aussi de la concurrence « sur le marché ».

La force de la démarche européenne a été de fixer quelques grands principes mais de laisser aux Etats une grande liberté dans l’adaptation de ces innovations :

  • La séparation entre GI et EF était, initialement, une simple séparation comptable appelée à devenir une « muraille de Chine » entre ces entités. Certains pays (Suède, Pays-Bas, Royaume-Uni…) ont fait le choix d’un GI totalement indépendant. Mais, dans d’autres pays (Allemagne, Italie et France depuis 2015), le GI est resté une filiale de l’opérateur historique.
  • En matière de péage, certains pays (Suède, Espagne, Italie…) ont opté, grâce à des subventions au GI, pour des péages faibles. D’autres (Allemagne, France, Royaume-Uni) ont préféré viser une couverture maximale des coûts d’infrastructure par les péages, quitte à subventionner certaines EF.
  • L’UE a tenu compte du fait que le ferroviaire régional et urbain ne peut pas fonctionner sans aide publique. Une Obligation de Service Public (OSP) a donc été instaurée pour ces services. Les subventions sont possibles, mais l’attribution du service à une EF doit, à terme, se faire obligatoirement via un appel d’offres. C’est la concurrence « pour le marché » (off track).
  • Pour le fret et les voyageurs à longue distance, la règle est la concurrence « sur le marché » (on track). Les entreprises ferroviaires qui ont obtenu une licence, autorisation donnée par un établissement indépendant en charge de la sécurité ferroviaire, ont le droit de faire circuler des trains là où elles le souhaitent, sous réserve d’avoir obtenu les sillons ferroviaires attribués par le GI.

Au vu de ces éléments, on comprend que l’instauration de la concurrence dans le ferroviaire est un processus complexe. Il a fallu mettre en place dans chaque pays un établissement indépendant pour attribuer les licences, mais aussi un régulateur sectoriel vérifiant qu’il y a bien libre entrée sur le marché et pas de favoritisme au bénéfice, par exemple, de l’opérateur historique. Il a fallu également que les Etats se dotent de compétences visant à exercer une réelle tutelle sur les entreprises publiques, par exemple sous la forme d’un contrat de performance fixant au GI des objectifs précis en termes de coûts, de réalisations ou de productivité. Une opération délicate car elle suppose en contrepartie des engagements financiers de l’Etat, notamment pour l’entretien et le renouvellement du réseau. Le rôle des opérateurs historiques a donc été réduit, mais au prix d’une plus grande complexité institutionnelle. Cela a-t-il permis de dynamiser le rail européen ?

Des résultats en demi-teinte

La libéralisation du transport ferroviaire a donné des résultats significatifs, tant du côté des succès que des déceptions. Le principal succès est la progression des trafics. En 25 ans (1994-2019), les trafics voyageurs ont plus que doublé au Royaume-Uni et ont crû de 90 % en Suède, de 75 % en France mais seulement de 35 % en Allemagne. Cette progression, pourtant exprimée en passagers-km, provient en grande majorité de la hausse du trafic régional, y compris en France (+65 % pour la longue distance mais +85 % pour le régional y compris l’Ile-de-France).

Les trafics ont surtout progressé dans les pays qui n’ont pas donné la priorité à la grande vitesse ferroviaire

Sur la seule période 2005-2019, la hausse a atteint 50 % au Royaume-Uni et dépassé 40 % en Autriche, en Suède et en Suisse mais a été de 5 % seulement en Italie et d’environ 20 % en Espagne, en Allemagne et en France. Comme dans le même temps les autres modes de transport ont aussi progressé, la part modale du rail est restée faible à l’échelle de l’UE, 7 %, 10 fois moins que la voiture et moins que l’avion, 9,5 %. Le fret ferroviaire représente la principale déception. La somme des parts modales du ferroviaire et de la voie d’eau, deux modes considérés comme favorables à l’environnement, est au mieux restée stable (graphique ci-dessus). De 2005 à 2018, elle a même

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