Roland Ries, sénateur-maire (PS) de Strasbourg : « La ville à 30 kilomètres/heure, pour inverser les priorités »
Roland Ries veut ralentir les voitures. La Ville propose de fixer la limitation à 30 kilomètres/heure sur 70 % de sa voirie, soit la majeure partie de son territoire. Les Strasbourgeois seront consultés au printemps, pour une entrée en vigueur fin 2011. Ville, Rail & Transports : Strasbourg propose de ralentir la circulation automobile à 30 kilomètres/heure en ville. Quelle est la philosophie de votre projet ?
Roland Ries : Je pars d'un constat : à 50 kilomètres/heure, un choc entre une voiture et un piéton aboutit à un décès dans 80 % des cas. A 30 kilomètres/heure, le risque descend à 10 %. Ce danger a conduit beaucoup de mes collègues à abaisser la limitation de vitesse dans leurs quartiers. Je veux aller plus loin, développer encore la philosophie de mobilité que nous avons promue à Strasbourg, avec l'ancien maire Catherine Trautmann, depuis 1989. Des années 1960 jusqu'aux années 1980, la priorité, c'était la fluidité du trafic. Tout le reste était subordonné à la place accordée à la voiture. Il est temps d'envisager un renversement copernicien des priorités. Sortons de cette logique dépassée ! Aujourd'hui, le roi de la ville, c'est le piéton. L'extension de la zone 30 vise donc à privilégier le piéton.
VR&T : Strasbourg figure déjà parmi les villes françaises qui accordent le plus de place aux modes doux. La marche représente un tiers des déplacements, la voiture est tombée en dessous de 50 %. Souhaitez-vous gagner encore quelques points de report modal ?
R. R. : Des mesures concrètes ont été prises depuis 20 ans. Strasbourg a été pionnière pour la réduction de la vitesse de 60 à 50 kilomètres/heure. Nous avons développé le réseau de pistes cyclables, les zones piétonnes, diminué l'offre de stationnement en centre-ville. Les commerçants ne voulaient pas de notre tramway, ils nous suggéraient d'aller le mettre à la campagne. Nous avons réduit la pénétration de la voiture en centre-ville, et aujourd'hui, tout le monde se porte mieux. L'étape suivante offrira un plan aux piétons : nous allons faciliter leurs cheminements, leur offrir la priorité pour traverser la rue, créer des passerelles. Piétons et cyclistes, c'est le même combat.
VR&T : Vous n'allez pas rejeter totalement les voitures de la ville. Pourriez-vous encourager un meilleur usage de l'automobile ?
R. R. : Il existe une gamme intermédiaire entre le transport en commun et l'autosolisme : c'est le covoiturage, l'auto-partage, le transport à la demande ou le taxi collectif. Ce gisement est mieux exploité en Suisse, aux Pays-Bas et au Canada que chez nous, en France. Une voiture avec cinq passagers, c'est déjà un mini-transport en commun. Il faut donner de vraies compensations à ceux qui pratiquent le covoiturage, notamment dans les plans de déplacement d'entreprises : des stationnements privilégiés, des voies réservées ou des tarifs dégressifs au péage. A Strasbourg et dans sa périphérie, il n'y aura pas de péage urbain. Il y aura des propositions sur les tarifs des parkings, et nous inciterons les entreprises qui se développent à aménager uniquement des emplacements pour les adeptes du covoiturage.
VR&T : Le cycliste sera-t-il plus à l'aise parmi les voitures qui circulent presque à la même vitesse que lui ?
R. R. : : C'est mon objectif. En zone de rencontre, le danger disparaît si les cyclistes évoluent au pas. En zone 30 également, la coexistence pacifique des différents modes passe par la réduction de la vitesse de celui qui est le plus rapide.
VR&T : Les bus seront-ils concernés par la limitation à 30 kilomètres/heure ?
R. R. : Oui. Mais cela ne ralentira pas le service des lignes de la CTS. Certains grands axes, empruntés par ces lignes, seront exclus de la réduction de vitesse et resteront à 50 kilomètres/heure.
VR&T : Comment allez-vous gérer ces exceptions ? Les Strasbourgeois pourront-ils exprimer leur avis ?
R. R. : Nous allons faire des propositions aux habitants avant la consultation, qui aura lieu au mois d'avril. La zone 30 sera mise en place en novembre. S'il faut modifier la hiérarchisation de certaines voies, des ajustements seront envisageables, s'ils émanent par exemple des conseils de quartier. La consultation s'effectuera sous forme de carte T à renvoyer à la mairie. Une seule question sera posée, à laquelle les électeurs répondront par oui ou non.
VR&T : Sous cette forme, ne craignez-vous pas un affrontement politique, qui détournerait les électeurs de la question ?
R. R. : Je prends le risque. Si les Strasbourgeois n'en veulent pas, le projet ne se fera pas.
Propos recueillis par Olivier MIRGUET
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